Les dispositifs de démocratie participative foisonnent. En effet, il existe les conseils de quartier, les comités consultatifs, les conseils de jeunes, les conseils de sages, les conseils de femmes... Ces instances permettent de favoriser la citoyenneté et la participation des habitants à la vie de la cité. Elles constituent aussi une véritable ressource d'informations sur le fonctionnement de la commune. Le conseil citoyen illustre cet apport dans les quartiers de la politique de la ville. Nous avons entendu des témoignages sur le fonctionnement de cette instance à Sarcelles, Elbeuf ou encore Corbeil-Essonnes. Au regard de ces témoignages, il nous semble qu'il serait utile de dispenser des formations communes aux élus locaux et aux conseillers citoyens autour des enjeux et des outils de la démocratie participative.
Le développement de cette forme de démocratie se trouve simplifié et amplifié par l'introduction du numérique dans les processus de consultation, ainsi que l'a souligné Katarina Zuegel, représentante d'un think tank travaillant sur les technologies citoyennes. Toutefois, la fracture numérique, l'illectronisme et le caractère très impersonnel de ce type de consultations représentent autant d'écueils difficilement surmontables. La sécurité de ces dispositifs est également sujette à caution. Pour cette raison, il serait nécessaire d'évaluer la fiabilité et la sécurité des technologies disponibles pour le vote électronique et la concertation citoyenne.
Notre conception de la participation s'étend au rôle que jouent les sondages dans le champ démocratique. Les sondages relatifs à des personnalités politiques occupent en effet une place croissante dans le processus électoral, comme l'ont montré les dernières élections locales. Ils encouragent et amplifient les comportements stratèges de certains électeurs. Or, les conditions de réalisation de ces études ne satisfont pas pleinement à un critère de rigueur, tandis que certains professionnels du journalisme tendent à estimer que le rôle des sondages est disproportionné, au point de ne plus les commenter, comme l'a d'ailleurs annoncé le journal Ouest France. Nous sommes donc favorables à un encadrement plus rigoureux de la méthodologie des instituts de sondage.
Les discours autour de la démocratie participative tendent parfois à véhiculer la représentation d'un système dans lequel le « citoyen participant » s'érigerait par opposition aux élus. D'ailleurs, la démocratie participative est parfois mal perçue par les élus eux-mêmes, qui peuvent avoir le sentiment que leur légitimité, acquise par l'élection, est remise en question dans et par les démarches participatives.
Tel n'est pas le cas de la démocratie implicative. Dans cette version, chacun reste à sa place et aucune remise en question n'est à l'ordre du jour. La démocratie implicative vise un effet d'entraînement. L'objectif est de rechercher l'implication des citoyens sur des projets très locaux, afin de susciter leur intérêt, voire leur adhésion, pour aboutir à des implications plus fortes par la suite : de la participation au scrutin électoral à l'acte de candidature sur une liste, en passant par l'engagement sur d'autres projets. Les ressorts de cet engagement local, voire micro-local, résident dans l'adhésion à des valeurs partagées, la proximité et l'existence d'enjeux réels lors de la prise de décision. Pour renforcer l'implication, de nouveaux outils et de nouvelles pratiques se sont mis en place dans les communes ces dernières années. En voici quelques exemples :
- organiser régulièrement dans les communes un temps informatif et convivial, dédié à l'accueil des nouveaux habitants ;
- tenir occasionnellement des conseils municipaux « hors les murs » de la mairie ;
- rendre compte annuellement, en réunion publique et localisée dans les quartiers, du mandat de la municipalité et de l'avancée des projets.
Dans ce cadre, nous estimons importante la reconnaissance que la collectivité peut alors témoigner aux citoyens qui s'impliquent dans une action ou un projet aux côtés de l'équipe municipale, par exemple. Loin d'être anecdotique, il s'agit d'un geste fort qui contribue à conforter le pacte social qui est le nôtre. À cet égard, nous jugerions pertinent d'étendre le Compte Engagement Citoyen (CEC) - qui ouvre droit à formation pour les bénévoles associatifs - aux acteurs qui s'impliquent dans la vie de leur cité.
Afin de favoriser la mise en place de ces logiques implicatives et de leur cercle vertueux, certains outils peuvent venir enrichir l'arsenal de l'élu local. Il en est ainsi de la technique dite du jugement majoritaire, qui permet de renouveler la pratique du choix démocratique. Il ne s'agit plus de procéder à un choix alternatif et binaire, mais d'exprimer des préférences. Une telle technique permet de dégager des consensus, ce qui peut être précieux dans le cadre d'un choix d'aménagement controversé ou d'un projet urbanistique sensible pour une collectivité territoriale.
Pour ancrer cette version de la démocratie locale, lui offrir la visibilité qu'elle mérite et diffuser les bonnes pratiques, nous considérons qu'il serait bienvenu d'instaurer des trophées annuels des bonnes pratiques de la démocratie implicative. Ces trophées valoriseraient les initiatives prises par les collectivités territoriales dans ce domaine.
En conclusion, si la démocratie locale a longtemps été cantonnée à la reproduction d'un modèle unique, elle s'ouvre désormais à de nouvelles formes d'expression et de manifestation de la volonté générale. Certes, la démocratie représentative demeure la pierre angulaire de notre système, mais elle subit les contrecoups de la défiance à l'encontre des politiques. Aussi a-t-on assisté à l'irruption à ses côtés, ces dernières années, de la démocratie participative, qui propose un autre mode d'organisation du débat public et invite à revisiter les conditions de la prise de décision par les pouvoirs publics en général, notamment les collectivités territoriales.
Cette orientation participative présentant cependant certaines limites, les collectivités et leurs élus tendent à imaginer des modalités encore différentes pour intéresser et associer le citoyen au débat démocratique. L'objectif consiste alors à sortir de la caricature d'un face-à-face stérile entre l'élu et l'administré, pour entrer dans une relation exigeante, plus mature et équilibrée, nouant un partenariat « gagnant-gagnant » entre ces deux figures indépassables de la démocratie locale que sont l'élu local et le « citoyen-habitant ». Il s'agit de la voie de la démocratie implicative.
Avec Françoise Gatel, nous sommes fermement convaincus que cette forme de démocratie est porteuse de sens et qu'elle doit être encouragée en ce qu'elle ouvre une approche différente, pragmatique et directement opérationnelle pour ramener certains de nos compatriotes, aujourd'hui éloignés des grands choix politiques, dans le jeu de la démocratie, à commencer par le niveau local.