Je vous remercie de me donner l'opportunité de contribuer à vos travaux. Je m'efforcerai de vous éclairer au mieux, en vous indiquant dans quel cadre et à quelles fins le ministère des Armées a recouru et recourt aujourd'hui aux prestations des cabinets de conseil.
Tout d'abord, le ministère des Armées s'est appuyé sur les prestations de cabinets de conseil afin de garantir les conditions du succès des transformations, notamment quand elles se sont imposées à lui dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Un regard extérieur peut être légitime pour aider à l'amélioration du fonctionnement, tant que le cadre est clair et maîtrisé.
Par ailleurs, depuis 2018, nous avons recentré ce recours aux cabinets de conseil sur la transformation numérique. En parallèle, nous avons cherché à développer une capacité d'accompagnement interne au ministère, pour assurer le conseil en matière de stratégie et d'organisation.
Désormais, pour que le ministère des Armées puisse faire appel à des cabinets de conseil, trois conditions doivent être réunies.
Premièrement, il convient de s'assurer que le recours à ce type de prestations est limité aux cas pertinents et légitimes. Cela concerne les situations pour lesquelles le ministère ne dispose pas de l'expertise nécessaire ou bien lorsque le recours à un cabinet de conseil permet de bénéficier d'une expérience reconnue en ce qui concerne la connaissance des meilleures pratiques du secteur privé et d'apporter une vision innovante sur le sujet à traiter. En tout état de cause, cela suppose en amont l'expression d'un besoin clair, significatif et pertinent.
Deuxièmement, il est évidemment nécessaire de s'assurer que la prestation contractualisée apporte une plus-value réelle par rapport au besoin exprimé.
Troisièmement, il est aussi essentiel d'assurer, dans les cas où cela s'avère pertinent, le transfert de compétences ou de données au profit du ministère. Autrement dit, nous devons avoir la capacité de capitaliser sur les résultats obtenus.
En effet, la Cour des comptes, dans son rapport de 2014, tout en reconnaissant la nécessité pour l'administration de recourir dans certains cas aux prestations de conseil, avait relevé trois principaux points d'attention.
En premier lieu, la Cour a mis en évidence la difficulté à établir de façon exhaustive les données et les critères permettant d'apprécier l'importance budgétaire du recours aux prestations de conseil.
En deuxième lieu, la Cour avait noté un défaut de pilotage, notamment imputé au trop grand nombre de pouvoirs adjudicateurs en mesure de contractualiser des prestations de conseil. Elle avait également souligné l'absence de stratégie d'achat dans le domaine des prestations intellectuelles.
En troisième lieu, la Cour avait souligné la nécessité de justifier plus systématiquement le recours aux consultants extérieurs et de renforcer la maîtrise d'ouvrage pour réunir les conditions permettant d'atteindre les objectifs fixés.
Je souhaitais faire ce rappel important car le ministère des armées s'est pleinement saisi de ces recommandations. Et je suis donc heureuse de pouvoir vous dire que les choses ont beaucoup changé depuis 2014.
Ainsi, dès 2015, le ministère a mis en place une politique ministérielle d'achat de conseil couvrant les prestations dans le domaine de la stratégie, de l'organisation de nos services, de l'accompagnement de la transformation et de la formation des armées, directions et services.
La mise en oeuvre de cette politique, adoptée par chacun des grands subordonnés du ministère, autrement dit le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement et la secrétaire générale pour l'administration, repose sur un processus de décision très complet, qui nous permet de nous assurer, d'une part, que le besoin est avéré et, d'autre part, que tous les enjeux ont été appréhendés. La validation des grands subordonnés est naturellement requise.
La politique ministérielle d'achat de 2015 organise également l'exclusivité des achats de conseil. La multitude des pouvoirs adjudicateurs pointée par la Cour des comptes était un facteur de risques, en particulier de duplication des efforts. Le ministère des Armées a donc procédé à une forte rationalisation de la fonction achat.
C'est un effort que j'ai souhaité poursuivre. Depuis 2018, seulement deux pouvoirs adjudicateurs sont responsables des prestations de conseil. Il s'agit du secrétariat général pour l'administration pour les prestations qui ne concernent pas le domaine numérique et de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense (Dirisi) pour le domaine numérique. Nous sommes ainsi passés de plusieurs centaines de pouvoirs adjudicateurs et services prescripteurs en 2014 à seulement deux en 2018.
Dans le même temps, nous avons renforcé le processus de validation des demandes de prestations de conseil. Depuis juin 2021, l'ensemble des prestations requiert une information et une validation de mon cabinet, qui s'assure de la pertinence de la demande au regard des objectifs politiques de transformation assignés aux services.
Ce n'est pas nouveau concernant les accompagnements dans les domaines de la stratégie et des organisations. En effet, ce dispositif de validation était déjà en place depuis 2018 pour les prestations hors du domaine du numérique. En 2021, nous avons étendu cette modalité de contrôle aux prestations du secteur numérique, qui revêtent une dimension de plus en plus stratégique pour le ministère.
Pour résumer, les besoins de prestations de conseil émis par les armées, directions et services suivent un parcours complet de validation à trois étages : les grands subordonnés, les responsables des programmes budgétaires puis mon cabinet.
C'est un processus robuste qui nous permet de garantir la pertinence du besoin et la « juste suffisance » du recours à la prestation de conseil.
J'illustrerai mon propos par quelques chiffres.
Alors que les prestations contractualisées hors domaine numérique s'élevaient à plus de 22 millions d'euros en 2018, elles ont été divisées par deux, représentant en 2021 un montant de 10 millions d'euros. En 2021, sur 41 demandes de prestations en vue d'un recours à un cabinet de conseil extérieur exprimées auprès du secrétariat général pour l'administration (SGA), seules 14 auront finalement été validées.
Compte tenu de l'ambition que j'ai fixée pour la transformation numérique du ministère, il était indispensable d'en assurer l'accompagnement. Dans ce contexte, le montant des prestations contractualisées a évolué, de façon naturelle et justifiée, de 6 millions d'euros en 2018 à 11 millions d'euros en 2021.
Le ministère des armées est très attaché à ce qu'un transfert de compétences soit réalisé à chaque fois que l'on recourt à un cabinet de conseil extérieur. C'est un enjeu important pour préserver notre autonomie.
C'est avec cette préoccupation en tête que j'ai décidé, dès 2019, de développer une capacité interne de prestations de conseil en créant la délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM), une entité directement rattachée à la secrétaire générale pour l'administration.
Cette délégation, créée le 1er janvier 2020, est composée de 25 agents et de 6 apprentis. Elle constitue une réelle offre alternative pour un bon nombre de démarches en accompagnant les états-majors, directions et services dans la mise en place de leurs projets de transformation.
La DTPM intervient sur quatre thématiques majeures : écoute et parcours usagers ; simplification des processus ; transformation des métiers ; et accompagnement du changement.
Dans son accompagnement, la DTPM recourt aux méthodologies et techniques en vigueur dans les cabinets extérieurs. Bien que récente, elle a déjà mobilisé son savoir-faire sur 105 projets dont elle a été saisie. Un peu plus de la moitié est d'ores et déjà clôturée.
Au-delà de l'intérêt budgétaire évident que présente l'internalisation de prestations de conseil, la démarche s'inscrit dans une approche globale de transfert de compétences et, donc, de plus grande autonomie de notre ministère. Elle permet aux services et à leurs agents de s'approprier ou de se réapproprier la démarche de transformation, d'en garder la pleine maîtrise et de gagner en efficacité et en pérennité.
D'autres exemples récents témoignent de la capacité du ministère à internaliser ou réinternaliser certaines prestations. Ainsi, dans le domaine de la transformation numérique, la direction générale du numérique et des systèmes d'information et de communication (DGNUM) s'est d'abord appuyée dans ses travaux sur des cabinets extérieurs.
Dans un premier temps, entre 2016 et 2017, nous avons défini nos besoins, fixé notre niveau d'ambition et identifié tous les enjeux de cette transformation. Après cette phase de cadrage initial, nous avons eu une phase de mise en oeuvre du projet de transformation, pour laquelle la DGNUM s'est appuyée sur les cabinets Deloitte et Eurogroup.
Ces prestations de conseil, qui se sont déroulées sur la période 2017-2020, étaient indispensables pour donner l'impulsion à la transformation numérique du ministère. Elles ont notamment apporté l'appui nécessaire à la rédaction du schéma directeur du numérique, à la définition des feuilles de route métier, à la montée en puissance de l'équipe étatique et, enfin, à la stratégie globale pour l'hébergement, le cloud du ministère.
À l'issue de ces prestations, la DGNUM a organisé la reprise complète de la conduite du projet, en s'appropriant les travaux passés. Cette démarche est désormais effective. La nouvelle stratégie Cloud est aujourd'hui rédigée par une équipe totalement étatique. Seules quelques prestations d'expertise technique ciblées subsistent.
Cet exemple, sur un sujet ambitieux, démontre la capacité du ministère à développer ses compétences internes dans de nouveaux domaines techniques à partir des prestations de conseils sur lesquelles il s'est dans un premier temps appuyé.
De la même façon, le recours à la DTPM nous permet d'internaliser des prestations de soutien à la mise en oeuvre du logiciel Source Solde, qui a fort heureusement remplacé le système Louvois et a mis fin à des années d'anomalie de paiement de la solde de nos personnels.
D'un point de vue financier, la mise en place de la délégation à la transformation et à la performance ministérielles a dégagé une économie de 14 millions d'euros depuis sa création, sur deux exercices budgétaires.
Depuis cinq ans, nous avons progressé dans les modalités de recours aux cabinets de conseil. Nous avons renforcé les conditions de contractualisation et de contrôle de ces prestataires. Nous avons oeuvré à ce que le ministère puisse disposer d'une capacité interne d'accompagnement, même s'il reste à gérer la montée en puissance du dispositif. C'est une perspective stimulante pour que le ministère puisse préserver sa capacité à répondre lui-même à ses propres besoins.