rapporteur. – Merci Monsieur le Président.
Mes chers collègues,
Je me joins tout d’abord aux remerciements du Président Longeot à l’attention de nos collègues de la commission des affaires européennes par ailleurs membres de notre commission, avec qui, comme toujours, nous avons travaillé en bonne intelligence pour aboutir à un projet de résolution.
Nous allons ce matin vous présenter les principales lignes de cette proposition de résolution européenne. Compte tenu du volume de ce document, du nombre de sujets abordés — dont certains relèvent d’ailleurs de la compétence de la commission des affaires économiques, notamment sur l’énergie — nous ne pourrons pas, ce matin, être exhaustifs. Mais nous ferons évidemment de notre mieux pour vous apporter des éléments de réponse aux questions que vous pourriez nous poser dans un second temps.
Je commencerai par les considérations générales. Nous avons tout d’abord souhaité nous placer dans la continuité des travaux précédents de notre commission, en reprenant les considérants introductifs de la résolution COP26, adoptée en novembre par le Sénat, et en nous appuyant sur l’article 1er de la loi « Climat et résilience » voté à notre initiative. Nous avons ainsi rappelé le caractère impérieux de l’atteinte de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Nous avons fait de cette ambition un élément structurant de la résolution : comme l’a rappelé le Président Longeot, il nous a semblé indispensable de préserver la cohérence d’ensemble de cette résolution afin de coller en pratique — et non seulement en théorie — à cet objectif. Nous formons naturellement le vœu que la France maintienne ce niveau d’ambition tout au long des négociations au Conseil.
Deuxième fil rouge de cette résolution : la dimension sociale, d’autant plus cruciale que l’examen de ce paquet intervient à un moment de forte hausse des prix des énergies. Mais cette préoccupation ne doit pas être un alibi, qui nous conduirait à renoncer à agir fermement. Nous avons donc plutôt insisté sur la nécessité d’un accompagnement social dimensionné au défi inéluctable que représente la transition climatique du continent.
Troisième considération générale : nous avons souhaité rappeler la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises de l’Union, qui doivent être protégées à la hauteur des efforts entrepris par l’Europe en matière climatique. Nous avons par ailleurs souligné que cette transition offrait des opportunités économiques considérables et devait à cette aune être accélérée pour développer des industries bas-carbone européennes — dans l’acier ou le ciment verts par exemple.
Quatrième fil rouge, dans la droite ligne de nos travaux précédents et des enseignements que nous avons tirés de la COP26 : il nous a semblé que le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » devait constituer le pilier de la diplomatie climatique de l’Union européenne, en agissant comme un levier au relèvement de l’ambition des États tiers, notamment des principaux États développés et des grands États émergents, tout en prévoyant des aménagements et adaptations pour les pays les moins avancés, notamment ceux du continent africain.
Dernier élément cardinal : nous avons estimé que le niveau d’investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l’horizon 2030 puis la neutralité carbone à l’horizon 2050 devait conduire à une réflexion approfondie sur le soutien financier, grand absent de ce paquet climat. La proposition de résolution invite tout particulièrement la Commission européenne à envisager le regroupement des différents fonds qui contribuent à la transition, ainsi qu’à adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance — limitant les niveaux annuels de déficit et de dette au niveau national — pour inciter et faciliter les investissements publics verts.
Rentrons maintenant dans le détail du paquet proposé par la Commission européenne.
Commençons par son équilibre général. La proposition de résolution accueille favorablement l’équilibre proposé entre l’objectif de réduction des émissions d’ici 2030 assigné aux secteurs relevant du règlement sur la répartition de l’effort — le transport, le bâtiment, l’agriculture et les déchets — et celui assigné aux secteurs relevant du marché carbone européen — l’énergie, l’industrie et le transport aérien. Nous notons en revanche l’écart important entre les objectifs assignés aux États membres au titre des secteurs couverts par le règlement sur la répartition de l’effort, les réductions d’émissions en 2030 par rapport à 2005 s’échelonnant entre 10 % et 50 % selon le niveau de richesse des États membres. L’ensemble des pays, y compris ceux de l’Europe de l’Est, à qui des objectifs les moins ambitieux sont assignés, devront pourtant s’engager dans une trajectoire de décarbonation pour permettre à l’Union d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Nous avons enfin considéré qu’un mécanisme de sanctions, le cas échéant financières, pourrait être mis en œuvre en cas de non-respect manifeste et délibéré des objectifs par les États membres, afin de s’assurer de la détermination de l’ensemble des pays européens à honorer les trajectoires qui leur sont assignées et de crédibiliser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 %.
Concernant la réforme du marché carbone européen — le SEQE-UE — notre appréciation est globalement positive : nous soutenons en particulier la montée en puissance de la réduction annuelle des quotas pour atteindre l’objectif de 55 %. Nous sommes également favorables aux propositions tendant à mieux cibler les quotas sur les industries présentant un réel risque de fuites de carbone. Nous avons aussi jugé pertinente la proposition de consolidation de la stabilité de réserve pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de CO2 sur le marché carbone. Nous aurions toutefois apprécié que cet outil soit complété par l’instauration d’un prix plancher et d’un prix plafond, croissants dans le temps, afin de renforcer la visibilité pour les acteurs économiques et de crédibiliser à long terme l’augmentation du prix de la tonne de CO2. Cette proposition n’a pas été retenue par nos collègues.
J’en viens au projet de création d’un nouveau marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, qui a naturellement été au cœur de nos travaux et l’objet de discussions nourries.
Il nous a tout d’abord semblé légitime de relayer les inquiétudes quasi unanimes exprimées à l’égard du projet de la Commission européenne. Nous avons pointé le risque de renchérissement des prix de l’énergie pour les ménages les plus précaires, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises. Nous avons dans le même temps souligné la perplexité de nombreux acteurs, notamment des organisations non gouvernementales, quant à l’efficacité environnementale du dispositif. En effet, le système d’échange de quotas d’émission envisagé, mis en place à compter de 2026, supposerait un prix du carbone fixé à un niveau particulièrement élevé pour espérer baisser significativement les émissions d’ici la fin de la décennie.
Nous avons néanmoins insisté sur la nécessité de préserver la cohérence générale du paquet climat : autrement dit, dans l’hypothèse où un SEQE ne serait plus créé dans les secteurs du transport routier et du bâtiment, il faudra sans doute compenser l’absence de signal prix au niveau européen par un relèvement de l’ambition des prescriptions relatives à l’efficacité énergétique des bâtiments et aux transports, sans quoi nous renoncerions à l’atteinte de nos objectifs européens.
La proposition de résolution ne s’oppose donc pas formellement au projet de la Commission européenne, mais propose plutôt dans un souci de pragmatisme des garanties et compensations visant à assurer l’acceptabilité sociale de ce nouveau marché carbone. Nous avons ainsi considéré que ces garanties pourraient consister en l’exclusion des particuliers du dispositif ou l’instauration d’un prix plafond sur ce marché, pour limiter les risques d’envolée à la hausse du coût du carbone et protéger ainsi les plus fragiles. Nous avons également jugé indispensable, dans l’hypothèse du maintien du dispositif aux particuliers, que des moyens supplémentaires soient alloués à la compensation des coûts associés à la création de ce nouveau marché carbone pour les ménages les plus précaires, afin de les accompagner dans la rénovation de leurs logements et l’accès à une mobilité bas-carbone, notamment dans les zones rurales. Nous avions proposé que des moyens supplémentaires soient alloués au Fonds social pour le climat — proposé par la Commission européenne — en fléchant 50 % des recettes du nouveau marché carbone, et non seulement 25 % d’entre elles, comme le prévoit le projet actuel. Cette proposition n’a pas été retenue par nos collègues. Nous avons en revanche obtenu l’inscription d’une proposition tendant à allouer une part des revenus du nouveau marché carbone au Fonds d’innovation afin de développer la recherche et développement, dans la perspective d’une réindustrialisation verte du continent.