Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 février 2022 à 9h35
Institutions européennes — Proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique com2021 731 final et proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes com2021 734 final refonte - avis politique et proposition de résolution européenne

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Après les explications de notre collègue, je veux vous dire quelques mots sur la proposition d'actualisation du règlement sur le statut et le financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (COM [2021] 734 final)).

Pour rappel, selon les traités, et plus particulièrement l'article 10 du traité sur l'Union européenne (TUE), les partis politiques européens « contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union ».

En réalité, comme nous l'avions souligné dans notre rapport paru en juillet dernier, ces partis politiques européens sont aujourd'hui des acteurs peu connus des citoyens et leur contribution au débat démocratique européen est sans doute perfectible.

Pourtant, force est de constater que le Parlement européen continue à travailler à la reconnaissance des listes transnationales et des candidats en tête de liste ou Spitzenkandidaten. Or cette reconnaissance, sans même garantir une européanisation de l'élection au Parlement européen, aurait pour conséquence de transférer le choix du président ou de la présidente de la Commission européenne, du Conseil européen vers ces partis politiques européens.

Cela n'est pas l'objet du présent règlement, mais je voulais attirer l'attention de notre commission sur ces débats qui occupent les échanges en cours au sein de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Comment définit-on un parti politique européen ? En pratique, le statut et les modalités de financement de ces partis, tout comme celui des fondations politiques européennes, sont régis par le règlement du 22 octobre 2014 précité. Un parti politique européen est une alliance politique qui, selon les termes de ce règlement, constitue « une coopération structurée entre partis politiques et/ou citoyens qui poursuit des objectifs politiques et est enregistrée auprès de l'Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes ». La reconnaissance d'une telle alliance comme parti politique européen est conditionnée au respect de plusieurs critères :

- avoir son siège dans un État membre de l'Union européenne ; avoir participé aux élections du Parlement européen ou avoir annoncé publiquement son intention de participer aux prochaines élections ;

- ne pas poursuivre de but lucratif ;

- avoir une certaine représentativité : elle ou ses partis membres, dans au moins un quart des États membres, doivent être représentés par des députés au Parlement européen, dans les parlements nationaux ou dans les assemblées régionales et avoir réuni au moins trois pour cent des votes exprimés dans chacun de ces États membres aux dernières élections au Parlement européen ;

- enfin, ces alliances politiques doivent respecter les valeurs de l'Union européenne énoncées à l'article 2 du TUE, à savoir le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'Homme.

À l'heure actuelle, dix partis politiques européens ont été enregistrés. Comment ces partis peuvent-ils être financés ? Une fois enregistré, un parti politique européen peut recevoir des dons de personnes physiques ou morales, à hauteur de 18?000 euros par an et par contributeur, mais les contributions de ses membres ne doivent pas dépasser 40 % de son budget annuel. Sur ce point, le régime de financement des partis politiques européens est très libéral au regard de celui des partis politiques français, qui, eux, ne peuvent bénéficier d'un financement par des personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques.

Les partis politiques européens peuvent également demander un financement du budget général de l'Union européenne, ce dernier ne devant alors pas dépasser 90 % des dépenses remboursables annuelles inscrites à son budget. Pour en bénéficier, ils doivent respecter les conditions exigées lors de leur enregistrement. Ils ne peuvent en revanche recevoir ni de dons anonymes ni de dons en provenance d'un État membre, d'un pays tiers ou d'une personne morale qui siège dans ce dernier (autorité publique, entreprise publique ou entité privée). Une autorité indépendante veille au respect de ces conditions, décide de l'enregistrement des partis politiques européens et tient à jour le registre qui les recense. Cette autorité peut également prendre des sanctions à leur encontre s'ils ne respectent plus les règles précitées de représentativité, de gouvernance, ou de financement. Dans les cas les plus graves, elle a même la possibilité de radier ces partis du registre des partis politiques européens.

Je signale à ce stade que ces règles sont également valables pour les fondations politiques européennes.

Quel est l'objectif de la réforme envisagée ? La proposition de refonte de ce règlement vise à actualiser le droit applicable aux partis politiques européens et aux fondations politiques européennes avec un quadruple objectif.

En premier lieu, la proposition souhaite conforter le respect des valeurs de l'Union européenne par les partis politiques européens, qui devraient désormais formaliser cet engagement par la production d'une déclaration écrite et « veiller » à ce qu'il en soit de même au sein de leurs partis membres (article 3).

En deuxième lieu, la proposition vise à préciser la gouvernance des partis politiques européens en leur demandant de prévoir des règles destinées à assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein de leurs statuts et de présenter des « éléments probants » démontrant leurs efforts en ce sens s'ils souhaitent bénéficier d'un financement de l'Union européenne (articles 4 et 21).

En troisième lieu, les partis politiques européens seraient autorisés à utiliser leurs ressources pour intervenir dans des campagnes référendaires concernant la mise en oeuvre des traités européens (article 24).

En quatrième et dernier lieu, la proposition tend à assouplir les règles de financement des partis politiques européens, d'une part, en augmentant à 95 % le plafond possible du financement de l'Union européenne dans leurs dépenses remboursables et, d'autre part, en les autorisant à recevoir des contributions financières de partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l'Europe (ces dernières contributions ne devant pas excéder 10 % des contributions totales versées par les membres du parti politique européen concerné) (article 23).

C'est sur ce dernier point, mes chers collègues, que nous souhaitions avertir la Commission européenne et le Gouvernement. En effet, s'ils veulent participer à la confrontation d'idées à l'échelon européen tout en obtenant la confiance des électeurs, les partis politiques européens doivent non seulement assurer une réelle transparence de leurs financements, mais également rejeter tout mode de financement qui menacerait - en réalité ou en apparence - leur liberté d'action et leur indépendance.

L'avis politique et la proposition de résolution européenne demandent donc clairement le retrait de cette possibilité de financement par des partis originaires de pays tiers appartenant au Conseil de l'Europe. Cette possibilité ne semble vraiment pas pertinente au regard du risque d'ingérence étrangère. Paradoxalement, le texte visant à écarter ces ingérences instituait lui-même une forme d'ingérence. Je vous remercie.

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