Intervention de Jean-Pierre Moga

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 février 2022 à 8h30
Paquet « ajustement à l'objectif 55 » — Examen d'un projet de proposition de résolution européenne

Photo de Jean-Pierre MogaJean-Pierre Moga, rapporteur :

La situation actuelle, dépeinte par mon collègue Jean-Jacques Michau, résulte d'un défaut d'anticipation.

En premier lieu, ses causes conjoncturelles étaient prévisibles.

En effet, la crise de la Covid-19 a eu un impact sensible sur le secteur de l'énergie. D'une part, elle a conduit à des décalages dans le programme d'« arrêts de tranche » du groupe EDF. D'autre part, elle a déstabilisé les appels d'offres et les chantiers des énergies renouvelables. Enfin, elle a engendré une « flambée des prix des énergies » en sortie de crise ; nous mesurons aujourd'hui les effets de cette flambée, qui pourrait se poursuivre, compte tenu des évènements de ce matin, rappelés par notre présidente.

Cette « flambée des prix des énergies » nuit à notre sécurité d'approvisionnement. Tout d'abord, les consommateurs d'électricité font face à un prix de marché dépassant les 200 euros par kilowattheure (KWh), soit une multiplication par 10 depuis le printemps 2020, contrebalancé par le « bouclier tarifaire » appliqué. De plus, le groupe EDF évalue à 8 milliards d'euros le manque à gagner induit par ce « bouclier tarifaire », et notamment le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Les producteurs d'énergies renouvelables ne tirent plus profit des dispositifs de soutien, mais rétrocèdent, au contraire, des trop-perçus. La France, même peu utilisatrice d'électricité d'origine fossile, pâtit de la flambée des prix des hydrocarbures chez ses voisins, du fait de son interconnexion avec ces derniers.

Or, notre commission avait alerté sur l'impact de cette crise sur le programme, le prix et les projets précités, dès ses travaux dédiés, en plein confinement, en juin 2020 !

En second lieu, les causes structurelles de cette situation étaient aussi prévisibles.

En effet, le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière nucléaire. Avec la fermeture de la centrale de Fessenheim, il a privé la France d'une capacité d'1,8 GW, soit 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques, et d'une production de 11 TWh, soit jusqu'à 10 millions de tonnes d'économies de CO2.

Les conséquences de ce désintérêt sont aujourd'hui dramatiques. RTE évalue les baisses de capacités nucléaires à 10 gigawatts pour la crise de la Covid-19, 1,5 GW pour la fermeture de la centrale de Fessenheim et 7 GW pour les contrôles liés au phénomène de « corrosion sous contrainte ». De son côté, l'ADEME-ATE relève une « érosion tendancielle » de la production d'énergie nucléaire en 10 ans. Pour l'ASN, notre système électrique est désormais « sans marge ».

Enfin, le Gouvernement n'a pas atteint ses objectifs d'énergies renouvelables. En 2020, ces dernières représentent 19,1 % de notre consommation, contre un objectif de 33 % en 2030, dont 24,8 % pour l'électricité, contre un objectif de 40 % toujours en 2030.

Là encore, notre commission avait alerté sur l'absence d'étude d'impact des arrêts de réacteurs et de centrales à charbon, dès la loi « Énergie-Climat », de 2019. Elle avait proposé de mettre fin aux arrêts de réacteurs, dès la loi « Climat-Résilience », de 2021. Enfin, elle avait déploré l'absence d'atteinte des objectifs d'énergies renouvelables, à chaque examen budgétaire !

Pire, si les tensions sont partagées à l'échelle européenne, la France présente une vulnérabilité spécifique.

Certes, tous les États européens font face à des difficultés, car ils réduisent conjointement leurs capacités pilotables, notamment fossiles. Selon France Stratégie, ses capacités à la pointe de la consommation hivernale doivent ainsi passer + 35 GW à - 10 GW.

Pour autant, l'application de la PPE et de la SNBC conduit la France à présenter une situation déficitaire, tout comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique, mais à l'inverse de l'Espagne et de l'Italie.

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