Intervention de Thierry Lambert

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 14 octobre 2021 à 9h30
Audition de M. Thierry Lambert délégué interministériel à la transformation publique

Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique :

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de vous présenter la DITP et les actions que nous entreprenons.

La DITP met en oeuvre le programme de transformation publique de l'État défini par les orientations données par le président de la République et les décisions prises par le gouvernement dans le cadre du comité interministériel de transformation publique (CITP) -- dont j'assure le secrétariat.

La DITP est placée sous l'autorité de Madame Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, et partage le ministère avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction du numérique (DINUM). L'ensemble des directions interministérielles les plus concernées par la transformation publique sont ainsi placées sous l'autorité d'un même ministre.

Un cadre nouveau a donc été donné à la transformation, un process dont l'objectif a été clair dès le début du quinquennat, renforcé à l'issue du grand débat national et corroboré par l'analyse de la crise sanitaire. Cet objectif consiste en une action publique plus proche, plus simple et plus efficace. En effet, le Président de la République et le Premier Ministre ont toujours affirmé que la territorialisation et la proximité constituent le principal levier de simplification et d'efficacité. Jean Castex a indiqué, lors du CITP de Vesoul, que la modernisation de l'État réside dans la territorialisation de l'action publique. Elle se trouve donc au coeur de notre activité.

Elle repose d'abord sur la confiance accordée aux acteurs de terrain. En effet, dans un contexte complexe marqué par de grandes transitions (écologiques, géopolitiques, sociétales et sanitaires), les acteurs de terrain apparaissent légitimes pour arbitrer et prendre des décisions, car ils connaissent les usagers, les citoyens, les territoires et leur métier.

Cette confiance guide l'action du gouvernement. Elle se concrétise dans plusieurs démarches qui visent à fixer des objectifs, mesurer les résultats et confier l'allocation des ressources aux acteurs de terrain dans un cadre pluriannuel. Le CITP a notamment pris des décisions énergiques sur la déconcentration des décisions individuelles.

La loi ASAP a permis de déconcentrer certaines décisions. Nous n'avons conservé au niveau central que quelques décisions techniquement complexes et suffisamment rares pour que le développement d'une technicité au niveau local ne soit pas justifié. Le droit commun veut que la décision se prenne localement.

Au mois de février, le CITP de Mont-de-Marsan a également pris des décisions importantes qui concernent la déconcentration budgétaire et de la gestion des ressources humaines (RH). Elles ont été approfondies lors du CITP de Vesoul et consolidées dans une circulaire du Premier Ministre. Nous avons donné aux préfets la capacité d'avoir cette latitude de terrain. Nous les avons notamment autorisés à redéployer jusqu'à 3 % de leurs effectifs. Cette souplesse est significative, car les préfets sont aujourd'hui très contraints dans l'affectation des ressources.

Le Premier Ministre a également décidé d'encourager l'action des territoires, notamment en les dotant d'effectifs, car l'administration territoriale a perdu 35 % de ses effectifs dans les douze dernières années. Par ailleurs, le gouvernement a donné un mandat clair de responsabilité générale aux préfets afin de leur donner un rôle d'arbitrage et d'uniformiser la communication. Les feuilles de route transmises cet été par le Premier Ministre reprennent les objectifs des préfets et les projets (étatiques et territoriaux) retenus. Elles seront évaluées.

Nous infléchissons donc significativement les modalités de pilotage des services déconcentrés. Nous affirmons également le préfet comme entrepreneur de l'intérêt général : il doit accepter la différenciation sans rompre le principe d'égalité. Le préfet est également intégrateur : la question du couple préfet-maire est apparue pendant le déconfinement. Dans le cadre de sa déclaration de politique générale, le Premier Ministre a rappelé le rôle principal de cette intelligence collective du terrain en matière d'efficacité et de simplicité. Madame de Montchalin souligne régulièrement que l'action publique se déploie au-delà de l'État et des collectivités : il est important que les acteurs locaux, les associations et les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) réfléchissent ensemble à orienter leur action vers la plus grande efficacité de l'action publique en général pour les usagers.

Dans le cadre du projet Démat.ADS, qui vise à dématérialiser l'application du droit des sols, l'État et les collectivités territoriales sont associés pour partager efficacement un même process et un même outil.

Dans le cadre des laboratoires d'innovation territoriale, l'État et les conseils régionaux, les conseils départementaux ou les métropoles partagent les talents, les ressources et l'énergie pour trouver des solutions à taille humaine inspirées des besoins des usagers dans les territoires pour que les services publics soient toujours plus simples et plus efficaces. À Rennes, le conseil régional et la préfecture de région partagent un laboratoire et travaillent avec plusieurs métropoles pour apporter des solutions à l'insertion des jeunes. Il est important que tous les acteurs concernés définissent ensemble un plan d'action cohérent et efficace.

La Ministre de la transformation et de la fonction publiques a étendu le dispositif France Expérimentation, initialement réservé aux entreprises innovantes, pour permettre aux préfets de saisir l'administration centrale afin d'obtenir des arbitrages très rapides sur l'expérimentation ou l'application définitive d'un changement de réglementation. La loi « 3DS » sera utilisée dans ce cadre.

Je voudrais également insister sur la culture du résultat et la culture du dernier kilomètre, car, traditionnellement, l'administration exerce son pilotage au moyen de la norme et du budget. Or, nous ne sommes pas sûrs que les Français voient l'impact d'une loi lorsqu'elle est votée. La DITP a donc créé, à la demande du Président de la République et du Premier Ministre, un outil qui permet de mesurer l'impact réel de l'action publique sur les territoires. L'enjeu est de s'assurer qu'une décision politique se concrétise dans la vie de nos concitoyens.

Suite à la remise du rapport de Messieurs Taquet et Serres, lequel a mis en évidence les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap pour effectuer leurs démarches, le gouvernement a pris deux décisions importantes : la réduction du délai d'accès aux allocations dédiées aux adultes handicapés et le droit à vie.

Dans les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), les personnes handicapées devaient faire vérifier leurs droits régulièrement alors que certains handicaps n'évoluent pas. Le droit à vie a donc été créé, mais, aujourd'hui, il n'est pas garanti partout sur le territoire. C'est pourquoi nous en mesurons l'application dans chaque MDPH. Il revient ensuite au préfet de solliciter éventuellement le président du conseil départemental.

Dans cette nouvelle approche, l'impact concret des lois et des décisions politiques prime sur les normes et le budget. Une partie de ce système de pilotage est publié dans le baromètre des résultats de l'action publique, car il est important que les objectifs fixés par le Parlement se retrouvent dans un système de pilotage qui garantit que la décision atteint effectivement le dernier kilomètre.

Enfin, je vous sais très attachés à l'efficacité opérationnelle. Elle représente finalement l'enjeu de simplification, car la simplification normative par le haut est créatrice de normes. Nous avons donc choisi une approche centrée sur l'usager.

 · La complexité est d'abord appréhendée par les Français en matière de délais. Les procédures et les services doivent donc être organisés pour que le service public soit rendu plus rapidement. Pour ce faire, nous développons le lean management avec une équipe de consultants et nous avons doté le fonds de transformation de l'action publique (FTAP) de 40 millions d'euros.

 · Le numérique reste insuffisant. Le programme de France Services, développé par l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), représente un outil de reconquête du territoire et des quartiers de politique de la ville (QPV). À Rouen, la mairie, les associations, les organismes de service public et l'État collaborent pour apporter une réponse à l'usager.

Le téléphone a été sous-estimé ces dernières années. Or, les Français ne le souhaitent pas : la présence humaine au téléphone reste importante pour rassurer l'utilisateur lorsqu'il suit les procédures administratives.

Nous travaillons également pour rendre les démarches numériques plus accessibles.

Enfin, le programme « Services Publics + » vise l'efficacité opérationnelle. Il définit plusieurs engagements dont les résultats sont ensuite mesurés et publiés sur une plateforme. Il donne également la possibilité aux usagers de partager directement et publiquement leur retour d'expérience.

Cette plateforme nous permettra d'échanger avec les citoyens et de comprendre les grands irritants récurrents, car les agents sont portés par des engagements partagés (droit à l'erreur, confiance, empathie, délais). Nous souhaitons que toutes les parties prenantes (agents, usagers, élus) s'engagent dans un process d'amélioration continue pour installer la confiance au niveau territorial.

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