Monsieur le Préfet, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la délégation. Cette audition s'inscrit dans la continuité de deux précédentes auditions que nous avons menées en juin : celle de votre ancienne collègue en Bretagne, Bernadette Malgorn, et celle du président de la 4e chambre de la Cour des comptes, qui est en charge du suivi des services déconcentrés de l'État.
Notre audition cet après-midi est destinée à nourrir la mission d'information, initiée par la délégation, sur les services déconcentrés et préfectoraux, conduite par nos deux collègues, Agnès Canayer, sénatrice de la Seine-Maritime, et Eric Kerrouche, sénateur des Landes. Chaque élu local sait que les réformes sur l'administration déconcentrée n'ont pas manqué et qu'il s'agit d'un perpétuel mouvement. Un débat est en cours sur la fonction publique d'État. Une réalité a été révélée plus que jamais par la crise sanitaire : l'importance d'une bonne articulation entre l'État et les collectivités, et nos territoires, dans toute leur diversité, ont besoin d'une administration d'État, comme l'État a besoin d'assurer sa présence sur ces territoires. La succession de réformes de l'administration traduit sans doute le caractère imparfait de ces réformes et leur résultat incertain. C'est pour cette raison, Monsieur le Préfet, que votre éclairage est particulièrement attendu, puisque vous avez vécu ces mouvements de l'intérieur. Vous avez occupé des responsabilités extrêmement variées. Celles-ci vous permettent d'avoir une vue d'ensemble des services déconcentrés. Je rappelle que vous avez été secrétaire général de préfecture, préfet, directeur de la modernisation de l'administration territoriale, secrétaire général du ministère de l'Intérieur et enfin préfet de région. Vous avez donc successivement été un inspirateur, un moteur et un acteur de ces repositionnements. Nous serons extrêmement intéressés d'entendre, dans un premier temps, le bilan que vous dressez de ces réformes, en particulier s'agissant de la relation entre l'administration déconcentrée et les collectivités territoriales, sujet au coeur des préoccupations du Sénat, qui est la Chambre des territoires, et dont nous avons longuement parlé dans le cadre récent du projet de loi 4 D. Nous aimerions connaître votre analyse du rôle du préfet aujourd'hui dans les territoires. Nous avons beaucoup parlé, suite à la crise sanitaire, du préfet de région, du préfet de département, mais aussi des sous-préfets, qui jouent dans les territoires un rôle irremplaçable de proximité de l'État. Pensez-vous que nous soyons parvenus à un point d'équilibre satisfaisant ? Nous aimerions aussi nous projeter dans l'avenir et identifier les facteurs clés de réussite, ainsi que des éléments factuels, qui permettent d'envisager une réforme de l'administration d'État territoriale performante et efficace. L'objectif que nous poursuivons au Sénat, qui est également le vôtre, est l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre, dans une relation parfaitement articulée entre l'État et les collectivités. Naturellement, nous écouterons avec beaucoup d'attention votre parole sur la suppression annoncée du corps préfectoral. Vous nous expliquerez sans doute comment l'association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur aborde cette question, qui pourrait aller jusqu'à faire changer la dénomination de votre association.
Au final, ce sujet passionne les élus locaux, en ceci qu'ils attendent de l'efficacité. Ils ont beaucoup d'exigences vis-à-vis de l'État, ce qui est aussi l'expression de la confiance qu'ils ont dans le rôle de l'État et de leurs attentes à l'égard de l'indispensable efficacité d'un binôme État-collectivités. Les questions seront certainement fournies. J'en poserai deux, puis laisserai la parole à mon collègue premier vice-président, Rémy Pointereau, avant de la passer à nos deux collègues rapporteurs. Vous savez que le Sénat a émis en juillet dernier, à l'initiative du Président du Sénat, Gérard Larcher, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Il ne s'agit en aucun cas d'émettre une envie d'autonomie ou de séparatisme des collectivités locales. Ces propositions revendiquent la nécessité de dispositifs différenciés et déconcentrés. Nous avons souhaité remettre au coeur de l'action territoriale de l'État le préfet de département. Ce niveau est en effet extrêmement important, eu égard à la taille de certaines régions. Ma question est double sur ce sujet : comment faire en sorte que le préfet de département puisse exercer de façon efficace sa mission ? Faut-il des moyens supplémentaires ? Faut-il une articulation différente ? Je pense notamment à l'articulation entre le préfet de département et les services de l'État qui sont organisés au plan régional, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ou les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Enfin, que pensez-vous de l'idée évoquée par le Sénat de placer l'ensemble de l'État territorial sous l'autorité du préfet de département et de région, y compris des services qui y échappent aujourd'hui, notamment les autorités régionales de santé (ARS), les directions régionales des finances publiques (DRFIP) et le Rectorat d'académie ? Par analogie, peut-on imaginer un gouvernement dans lequel le Premier ministre n'aurait pas sous son autorité Bercy, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé ?
Je vous renouvelle tous mes remerciements et passe la parole au premier vice-président, Rémy Pointereau, qui complètera ces questions, puis à nos deux rapporteurs.