Intervention de Marie Maurisse

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 février 2022 : 1ère réunion
Audition de M. Robin d'aNgelo et Mme Marie Maurisse journalistes ayant enquêté sur le milieu de la pornographie

Marie Maurisse :

Pour ma part, toutes les actrices que j'ai rencontrées m'ont indiqué être considérées dans la société en général comme une sous-catégorie de personnes. Les gens qui travaillent et vivent dans le porno sont souvent amis avec des personnes du même secteur car ils se sentent très stigmatisés. Quand on exerce cette activité, on en a en général honte. On est considéré comme des sous-personnes.

Vous savez à quel point il est déjà extrêmement difficile pour une femme violée par son mari d'aller porter plainte au commissariat et d'y être bien reçue. Nous savons que les plaintes n'y sont pas toujours bien prises, l'actualité récente l'a encore montré. Un viol subi dans la rue est aussi difficile à dénoncer pour n'importe quelle femme en étant victime. Imaginez donc la difficulté pour une actrice porno de porter plainte, et même ne serait-ce que de s'avouer à elle-même que ce qu'elle a subi était un viol. C'est très dur de le réaliser et de le dénoncer. La parole commence à peine à se libérer. Ces abus ont mis énormément de temps à être dénoncés, parce que ces femmes pratiquent une activité considérée comme dégradante par la plupart des gens. Elles sont considérées comme des sous-personnes et n'ont donc pas à se plaindre. Plusieurs actrices m'ont indiqué avoir à plusieurs reprises tenté de dénoncer des viols dans le cadre de leur activité et avoir été confrontées à des rires ou à des moqueries. C'est très difficile.

Robin D'Angelo disait qu'il existe des lois et qu'il faut les faire respecter. Oui. Encore faut-il éveiller les victimes au fait qu'elles ont des droits et qu'elles peuvent se défendre. Ce n'est pas encore gagné. C'est ce que les associations essaient de faire mais bon nombre de personnes que j'ai rencontrées ne sont pas suivies par celles-ci, ou ne sont pas soutenues par des syndicats. Dans le secteur amateur ou de petites productions informelles, les actrices ou acteurs ne savent pas à qui parler. Il en va de même à Budapest. À qui les jeunes femmes qui arrivent des pays de l'Est, âgées de 17 ou 18 ans et ne parlant pas bien l'anglais, se faisant embrigader dans ces tournages et dans cette industrie, vont-elles se plaindre ? À qui peuvent-elles raconter ce qui leur arrive ? Nombreuses sont celles qui ne disposent pas de ces relais. Les associations font un excellent travail mais elles ne peuvent malheureusement pas aider tout le monde.

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