Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 février 2022 : 1ère réunion
Audition de M. Robin d'aNgelo et Mme Marie Maurisse journalistes ayant enquêté sur le milieu de la pornographie

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, co-rapporteure :

La façon dont vous avez abordé le sujet me semble très intéressante. Nous avons organisé plusieurs auditions extrêmement différentes. Les associations étaient véritablement traumatisées par ce qu'elles avaient vu. Elles avaient d'ailleurs du mal à en parler. Elles nous indiquaient encore faire des cauchemars après les scènes qu'elles avaient pu voir. Elles nous demandaient si nous pouvions vraiment parler d'acteurs et d'actrices du porno à partir du moment où les actes sexuels étaient réellement réalisés, qu'ils n'étaient pas simulés, mais bien subis. Après cette audition marquante, nous avons entendu le point de vue de certains sociologues qui étaient beaucoup plus nuancés. Certains nous parlaient d'un travail « comme un autre » - ce n'est pas mon point de vue - qu'il fallait encadrer. Vous-mêmes apportez une vision très intéressante, qui se place aussi du point de vue de la société. La pornographie ne tombe pas comme ça dans un ciel serein. Elle est un miroir grossissant de notre société patriarcale. C'est extrêmement intéressant. À un moment où la parole se libère - bien que des dénonciations aient toujours eu lieu - il n'est pas étonnant qu'il se passe la même chose dans la pornographie.

J'aimerais vous poser des questions de trois ordres. D'abord, nous avons le sentiment que le réalisateur estime qu'un acteur ou une actrice ayant signé un contrat de travail avec lui, ayant accepté une pratique qui lui a été demandée, se doit d'honorer son contrat. Pour moi, ce n'est pas un travail. Ce sujet pose donc la question de la limite du contrat de travail. De plus, que veut dire le consentement ? Je considère qu'il devrait être possible de revenir sur les clauses du contrat de travail.

Ensuite, j'ai du mal à m'imaginer une pornographie éthique. Je pense qu'elle peut être encadrée mais je ne sais pas si nous pouvons parler d'éthique, surtout avec tous les témoignages entendus plus tôt. Il ne s'agit pas seulement de rapports sexuels avec un, deux ou trois partenaires. Ce sont parfois des viols avec plusieurs dizaines de partenaires.

S'agissant du contrôle des pratiques, M. D'Angelo nous parle de la loi, qui peut certes constituer un soutien, comme le prouvent les affaires en cours. Pour autant, j'ai eu le sentiment que les contrôles n'existaient presque pas, qu'ils étaient infimes. Nous avons été confrontés à une certaine impuissance. Dans ce contexte, quid des contrôles ?

Enfin, notre rapport s'intéresse à l'industrie pornographique, dont nous ne devons pas perdre de vue le volet économique. Pour autant, nous devons également nous intéresser à ses conséquences. Nous l'avons vu, l'accès à ces contenus est extrêmement facile sur Internet. Énormément de mineurs de plus en plus jeunes peuvent y accéder. Ils pensent qu'il s'agit d'une sexualité normale. Les garçons qui ne sont pas en mesure de réaliser les performances qu'ils visionnent estiment qu'ils ne sont pas normaux. Les filles sont quant à elles confrontées à une soumission plutôt qu'à un plaisir partagé. Il s'agit de voir comment nous pouvons interdire l'accès des mineurs aux contenus pornographiques, ce qui est complexe.

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