Il est vrai que j'ai tendance à ne pas opérer de distinction entre une pornographie industrielle et une pornographie amateure. C'est pour moi la même chose. L'amateur, c'est surtout une question d'esthétisme et de mise en scène. Les gens qui sont derrière le porno amateur en France sont les mêmes que ceux qui gèrent l'industrie dite scénarisée. Il n'y a absolument pas de différence. Les individus qui vont proposer des services d'agent en Europe de l'Est, qui peuvent d'ailleurs récupérer des femmes françaises, vont pouvoir les introduire dans des circuits dits amateurs également. La frontière est très floue. J'ai tendance à voir cette idée de professionnalisation et d'industrie du porno comme une sorte de maquillage. C'est tout le procédé de Dorcel, qui se qualifie de professionnel réalisant des productions scénarisées et indique ne pas faire d'amateur. La réalité en est bien éloignée. Leurs producteurs qui produisent des contenus scénarisés font également de l'amateur. Une actrice qui fera quatre scènes peut très bien faire une scène supplémentaire dans un porno dit scénarisé, « propre ». Tout cela n'est qu'une façon de rendre glamour et de maquiller des contenus qui ne le sont pas du tout. Je ne vois pas de différence entre un tournage amateur et scénarisé. Même sur les premiers, il y a aujourd'hui des maquilleuses, des éclairages... Simplement, une actrice y sera plus souvent mise en scène dans une situation un peu humiliante de femme réalisant un porno parce qu'elle a besoin d'argent ou parce qu'elle veut énerver son copain. Ce n'est qu'une question de scénarisation. Dans les deux cas, on reste dans une forme de marginalité totale.
Beaucoup d'actrices dites professionnelles vivent dans des situations de précarité totale. J'ai récemment interviewé une ancienne Dorcel girl, me racontant qu'avec ce statut, elle touchait 1 200 euros par mois. Elle était très ennuyée lorsqu'elle devait recevoir des journalistes, parce qu'elle vivait à l'époque dans une petite chambre d'étudiante, ce qui n'allait pas du tout avec son statut d'actrice porno. Je vois cela comme une forme de propagande, de communication.
On le voit d'ailleurs beaucoup dans les agences en Europe de l'Est, qui ont toutes des sites très propres et professionnels. Quand on discute avec les actrices de ces circuits, on apprend qu'elles se prostituent aussi. L'actrice que j'évoquais plus tôt, giflée sur la poitrine par son producteur, est par exemple envoyée par son agence. L'homme qui la filme est totalement amateur et réalise des petites vidéos pour son site. Les agences envoient ces filles chez tous ces hommes qui font de la production amateure. Je n'ai pas vu de distinction. Simplement, certaines femmes vont faire deux ou trois scènes dans leur vie, et seront présentées comme amateure. Le reste de l'industrie est vraiment tenu par des professionnels.