Le dispositif des nominations équilibrées, plus connu sous le nom de « quotas Sauvadet », a indéniablement permis de faire progresser la place des femmes dans la haute fonction publique. Si les quotas font souvent débat lors de leur instauration, ils font toujours la preuve de leur efficacité. En tout cas, nous en sommes convaincus au sein de la délégation, tout comme nous sommes persuadés du fait que les employeurs publics doivent se montrer exemplaires, en matière de parité notamment.
La proportion de femmes parmi les primo-nominations aux emplois supérieurs de la fonction publique a incontestablement progressé ces dix dernières années, passant de 33 % en 2013 à 42 % en 2019.
Cependant, ce n'est que depuis 2020 que le quota des 40 % est atteint dans les trois versants de la fonction publique. En 2019, le taux de primo-nominations féminines n'était encore que de 37 % dans la fonction publique d'État.
Nous souhaitons donc évaluer le niveau des objectifs atteints, mais aussi et surtout examiner l'impact sur l'augmentation du « stock » d'une mesure portant aujourd'hui uniquement sur le « flux ». En d'autres termes, quelle est la proportion de femmes occupant des emplois à responsabilités, et ce dans les trois fonctions publiques, dans les différents départements ministériels et dans les emplois supérieurs à plus hautes responsabilités ? Cette proportion, d'environ un tiers aujourd'hui, reste faible, et nous souhaitons comprendre s'il s'agit uniquement d'une question de temps pour combler le retard accumulé ou s'il y a des causes plus structurelles à cette faible féminisation de la haute fonction publique. Malheureusement, il nous semble que le plafond de verre existe toujours.
Il nous faut notamment nous pencher sur la question du vivier. Les politiques de ressources humaines et les recrutements au sein des écoles de formation ont-ils permis de former un vivier suffisant de candidates éligibles aux emplois supérieurs de la fonction publique ? C'est souvent le cas dans le privé, c'est en tout cas ce qui nous a été remonté à l'occasion des dix ans de la loi Copé-Zimmermann. Nous savons que la fonction publique dans son ensemble est très féminisée, avec 63 % de femmes toutes catégories confondues, mais la proportion femmes-hommes s'inverse au niveau des postes d'encadrement. Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) relevait dans son rapport de 2021 un écart de vingt points entre la proportion de femmes au sein de la catégorie A (65 %) et celle de la catégorie A+ (42 %) - catégorie A+ qui semble constituer le vivier naturel pour les postes d'encadrement.
Nous nous intéressons également aux actions complémentaires menées par les employeurs publics et à l'efficacité des plans d'action « égalité professionnelle » pour faire progresser la place des femmes dans la haute fonction publique.
Pour éclairer nos réflexions, nous avons le plaisir de recevoir ce matin comme première intervenante Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Je précise que, tenue par d'autres obligations, elle devra nous quitter vers 8 heures 50.
Madame la Ministre, vous nous ferez part des derniers chiffres relatifs aux primo-nominations féminines, à la part de femmes occupant des emplois supérieurs ainsi que des données concernant les employeurs publics soumis à des pénalités financières pour manquement à leurs obligations. Le dernier bilan chiffré complet publié sur le site de votre ministère concerne en effet l'année 2019. Vous pourrez ainsi nous confirmer les tendances positives que nous avons pu constater dans les derniers bilans. Vous nous décrirez également les actions supplémentaires que vous avez entreprises pour faire progresser la place des femmes dans la haute fonction publique.
Nous entendrons ensuite Agnès Arcier qui nous présentera les travaux qu'elle a menés en tant que présidente de la commission parité du HCE et en tant que rapporteure, en 2021, d'un rapport sur la parité dans le secteur public, qui avait un champ plus large que celui qui nous occupe aujourd'hui, car il concernait également les quotas Copé-Zimmermann pour les entreprises publiques. Vous noterez que ce sont les mêmes rapporteures qui ont suivi ces deux dossiers au Sénat. Nous sommes particulièrement intéressés par les recommandations formulées par le HCE pour étendre les dispositifs paritaires et renforcer leur mise en oeuvre et leur suivi.
Enfin, je donnerai la parole à Alban Jacquemart, politiste et sociologue, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Dauphine. Spécialiste des questions de genre, il est co-auteur d'un ouvrage intitulé Le plafond de verre et l'État. La construction des inégalités de genre dans la fonction publique. Il nous exposera son analyse de la loi Sauvadet et, plus globalement, de la place des femmes dans la haute fonction publique aujourd'hui et des raisons pouvant expliquer certaines résistances observées.