Intervention de Agnès Saal

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 24 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde sur l'application de la loi sauvadet

Agnès Saal, haute fonctionnaire à la responsabilité sociale des organisations du ministère de la culture :

Je ferai peut-être un pas de côté en commençant par brosser un tableau de la politique d'égalité au sein du ministère de la culture. J'ai la conviction, depuis plus de quatre ans que je suis en charge des sujets de prévention des discriminations, d'égalité professionnelle et de diversité au sein du ministère de la culture et dans les politiques culturelles, qu'il s'agit de combattre une systémie des inégalités. L'inégalité d'accès aux postes à responsabilité n'en représente finalement qu'un versant.

J'ai également la conviction, ancrée sur une pratique, que nous avons, pour progresser dans une réelle politique égalité, besoin d'une volonté politique, d'une solidité et d'une constance absolues, mais aussi d'outils tels que des statistiques fiables et répétées dans le temps, des feuilles de route égalité - dont le ministère s'est doté depuis 2018 et qu'il actualise chaque année - et des études telles que celle que nous avons menée avec Catherine Marry et Alban Jacquemart. Elles permettent de documenter et d'enrichir la réflexion sur le sujet de l'égalité professionnelle.

J'ai travaillé avec des ministres très engagés dans le domaine depuis 2018 : Françoise Nyssen, Franck Riester puis Roselyne Bachelot-Narquin, qui en fait aujourd'hui un élément très fort de sa politique culturelle. J'ai l'intime conviction que nous ne pouvons pas traiter du sujet de l'égalité au sein des services et établissements du ministère sans regarder de manière beaucoup plus ample le traitement de l'égalité dans les politiques culturelles. Il s'agit à la fois des nominations à la tête des institutions culturelles nationales et territoriales, de l'égalité d'accès aux moyens de production et de création, et d'une politique acharnée de prévention et de lutte contre les violences et le harcèlement sexuel et sexiste. Celui-ci se traduit en effet par la commission de délits empoisonnant considérablement la situation des femmes dans des environnements professionnels jusqu'à présent assez peu accueillants et sûrs de ce point de vue. Il est donc absolument nécessaire de batailler efficacement, avec des outils efficaces et généralisés, contre ces violences et harcèlements sexuels et sexistes.

Venons-en à la question plus précise liée à la mise en oeuvre de la loi Sauvadet et à ses effets. Depuis 2017 ou 2018, nous avons enregistré un certain nombre de progrès liés au fait de disposer enfin d'outils de mesure performants et actualisés. La volonté de progresser qui y a été associée a permis de passer en quatre ans à des pourcentages moins lamentables qu'ils ne l'étaient au départ dans les différentes strates du ministère. La vision d'ensemble consiste à traiter des primo-nominations, sur lesquelles nous avons connu un parcours en dents de scie, avec quelques très bonnes années, d'autres très mauvaises, ou nous atteignions à peine 30 %. Nous avons en 2021 atteint 40 % de femmes primo-nommées. Pour autant, la régularité des résultats n'est pas acquise. Comme mes collègues et amis, je suis convaincue que traiter la question du flux est insuffisant, et que nous devons nous intéresser très précisément aux « stocks ». J'ai oublié de préciser que les femmes représentent plus de 54 % des effectifs totaux de notre ministère. Qu'on ne vienne donc pas nous dire que le vivier n'existe pas. Les femmes sont là. Elles sont compétentes et pleinement en mesure d'assumer des fonctions de haute responsabilité. Sur cette base, il me semble donc intéressant d'examiner les chiffres au-delà des seules primo-nominations. À cet égard, nous avons enregistré quelques évolutions significatives depuis 2017. J'en donnerai trois exemples.

En 2017, seuls 24 % des postes de DRAC et de DAC étaient occupés par des femmes. En 2021, leur part s'élève à 42 %. Ce n'est pas encore la parité absolue, mais ce progrès, lié à une volonté politique évidente, annoncée et affichée, est réel.

C'est également le cas à la tête des établissements publics. Le ministère de la culture compte aujourd'hui 80 opérateurs. Leur présidence et leurs postes de direction générale sont très prisés. En 2017, seuls 30 % d'entre eux étaient présidés ou dirigés par des femmes. Comparé au vivier de femmes du ministère, ce pourcentage reflétait une vraie volonté de les écarter, pour des raisons déconnectées de leurs compétences professionnelles, de ces postes de responsabilités.

En 2017, Françoise Nyssen a inscrit dans notre feuille de route une volonté de parvenir à la parité à la tête des établissements publics. Elle a été reprise par ses successeurs et répétée par Roselyne Bachelot-Narquin, qui a présenté la semaine dernière la feuille de route du ministère devant le comité ministériel égalité. Elle reprend cet impératif de nomination de femmes. Aujourd'hui, nous atteignons 41 à 42 % de femmes à la tête des établissements publics, avec quelques nominations emblématiques. Je sais que l'arbre ne doit pas cacher la forêt, mais nommer une femme, Laurence des Cars, à la tête du Musée du Louvre, n'est pas insignifiant. Son talent, ses compétences et ses qualités sont éminents. On ne l'a pas nommée parce qu'elle est une femme, mais parce qu'elle est excellente. Alexia Fabre a quant à elle été nommée à la tête de l'École des Beaux-Arts de Paris, première femme à occuper ces fonctions. Elle est absolument remarquable. Indépendamment de la dimension statistique, ces nominations montrent que nos institutions culturelles les plus prestigieuses peuvent être dirigées par des femmes, dont les parcours les conduisent naturellement à occuper ces fonctions de responsabilités.

Malgré ce progrès dans les chiffres, nous craignons encore en permanence un retour en arrière. Rien n'est définitivement acquis. Nous avons bien vu dans la fluctuation des pourcentages, ne serait-ce que dans l'atteinte des quotas Sauvadet, avec toutes ses imperfections, que ce qui peut être très bon une année peut être très mauvais l'année suivante. Nous devons donc nous intéresser aux stocks, pas uniquement aux flux, mais aussi traiter de manière extrêmement volontariste la question de l'égalité salariale. Résorber les inégalités salariales qui perdurent dans nos ministères et dans les établissements publics représente également un enjeu d'avenir. La transposition de l'index de l'égalité professionnelle au secteur public nous semble une priorité, une urgence. Nous devons aussi inscrire dans les faits une volonté constante de donner des opportunités aux femmes talentueuses du ministère de la culture, de façon transversale et en intégrant la problématique des temps de vie professionnels et personnels. Nous devons l'inscrire à la fois dans les textes législatifs et réglementaires, mais aussi, me semble-t-il, au niveau de chaque ministère par la prise en compte au plus haut niveau de cette exigence à la fois de justice, de démocratie et d'efficacité. En effet, l'efficacité dans la gouvernance passe certainement par la mixité et le partage du pouvoir entre les femmes et les hommes.

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