Nous avons enregistré environ 600 réclamations l'an dernier : 80 % se règlent dans le dialogue au niveau des établissements ; seuls 20 % d'entre elles nécessitent une remontée au siège.
Le livre Les Fossoyeurs pointe le système d'une entreprise. À sa lecture, j'ai été choquée par certains faits : les entraves - supposées - au dialogue social ; le système managérial, car les objectifs donnés aux directeurs d'établissement semblent tournés exclusivement vers la performance économique ; et enfin la dimension relative à l'éthique des affaires.
Korian a une longue tradition de dialogue social : 7 % des salariés exercent un mandat dans ce cadre. Des instances de dialogue social existent à tous les niveaux, car nous considérons que le dialogue social de proximité participe à la détection et à la résolution des difficultés. Nous formons les représentants du personnel et les directeurs d'établissement au dialogue social pour l'animer et le faire fonctionner.
La culture d'entreprise est importante : nos résidents sont souvent des personnes fragiles ; il faut respecter l'intimité des familles, etc. Notre métier est très délicat sur le plan humain et exige une grande maturité émotionnelle et affective. C'est pourquoi l'existence d'une culture d'entreprise, de valeurs, de lieux de dialogue ou de supervision est cruciale, tant pour garantir la bientraitance que pour l'équilibre moral et mental des salariés.
La crise sanitaire a constitué un choc inédit. Nous avons organisé un retour d'expérience après le premier confinement, pour savoir comment chacun l'avait vécu, et comprendre pourquoi nos personnels étaient restés. On a découvert finalement que chacun avait le sens de sa mission. Ce travail est une vocation. Je me souviens d'une aide-soignante qui m'expliquait qu'elle ne pouvait pas ne pas venir travailler, alors même que les transports en commun étaient perturbés, car elle ne pouvait laisser seuls ses patients.
Nous avons beaucoup travaillé sur nos valeurs : au fond la confiance - celle que les familles nous font, celle qui existe au sein des membres d'une équipe - est fondamentale, de même que le sens des responsabilités et la capacité d'initiative. Nous avons travaillé sur les attitudes et lancé une formation entre pairs : les établissements et les équipes s'auditent mutuellement pour améliorer les pratiques ; c'est ce que nous appelons le projet « le soin à coeur ». On peut multiplier les audits, tout commence par l'attitude humaine au sein des équipes ; l'exemplarité depuis le plus haut niveau est fondamentale.
Peu de CVS sont vraiment actifs malheureusement. Il faut proposer systématiquement aux élus de participer, car nos maisons de retraite s'inscrivent avant tout dans un territoire.
Qu'allons-nous changer ? Je souhaiterais d'abord disposer d'une vision centralisée des audits de qualité ; un comité se réunit déjà tous les mois pour vérifier que le système de gestion de la qualité fonctionne. Nous allons sans doute réunir sous l'autorité de la directrice de l'audit comptable et financier du groupe l'animation de tous les audits, financiers et de qualité, pour développer une communauté d'auditeurs internes. Cette directrice, qui intervient déjà devant le comité d'audit du conseil d'administration, interviendrait aussi devant le comité d'éthique et de qualité.
En ce qui concerne la gouvernance de l'entreprise, le conseil d'administration a décidé que toutes les parties prenantes, notamment les familles, devaient être mieux associées à tous les niveaux. Les salariés sont déjà représentés par le biais des deux représentants des salariés et du secrétaire du comité d'entreprise français. Un conseil des parties prenantes pourrait être le garant du respect de nos engagements en termes de qualité de prise en charge ou de politique sociale. Il pourrait faire intervenir un organisme auditeur tiers. C'est pourquoi nous voulons devenir une entreprise à mission ; cette démarche nous permet de définir aussi quel est notre apport spécifique, ce qui nous distingue, et comment on peut l'évaluer. Nous travaillons avec les associations de patients ou les syndicats dans ce sens ; ces derniers peuvent devenir des tiers de confiance et nous aider à progresser. Nous nous donnons un an pour y parvenir. Nous consulterons largement les patients, les salariés, nos partenaires, etc. Ce n'est pas parce qu'une entreprise est cotée que sa logique est exclusivement financière.
Lorsque j'ai été nommée en 2016, les objectifs des directeurs d'établissement étaient exclusivement financiers. Cela a changé ; nous avons introduit des objectifs de qualité : nous tenons compte de la qualité des soins, des résultats des enquêtes menées auprès des familles par des organismes externes, d'indicateurs sociaux, notamment concernant la santé et la sécurité au travail, car les taux d'absentéisme ou d'accidents du travail sont trop élevés - un accord a d'ailleurs été signé l'année dernière pour les faire reculer, etc. Les objectifs que m'a fixés le conseil d'administration sont pour moitié non financiers. Cette démarche permettra d'ancrer les bonnes pratiques dans notre culture d'entreprise.
Enfin, pour répondre à la question sur l'absence de poursuites en diffamation : il était surtout important pour nous de répondre aux questions de Victor Castanet. M. Mérigot l'a reçu et nous avons répondu à son questionnaire dans une note écrite. Il nous semble que le livre en tient compte. En ce qui concerne l'émission Cash Investigation, j'ai exigé de m'expliquer en direct. Nous avons ensuite publié un communiqué de presse très précis.