Intervention de Franck von Lennep

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 30 mars 2022 à 14h30
Audition de M. Franck Von lennep directeur de la sécurité sociale

Franck von Lennep, directeur de la sécurité sociale :

Oui, cela n'irait pas jusqu'au bout du scénario de la « grande sécu », où une économie est réalisée sur les frais de gestion.

Votre deuxième question, portant sur la hausse estimée à 20 milliards d'euros des prélèvements obligatoires dans le scénario de la « grande sécu », me regarde moins que vous, car son appréciation est purement politique. Cela impliquerait une hausse des contributions des employeurs pour les entreprises, et une hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) pour les assurés.

En théorie, il doit être possible d'expliquer aux gens que, même si on augmentait la CSG, ils resteraient gagnants, car ils paieraient beaucoup moins de cotisations à leur organisme complémentaire. Mais dans la vraie vie, est-il réellement possible de convaincre les Français qu'une augmentation de la CSG va entraîner une hausse du pouvoir d'achat, ce qui serait le cas, puisque 5 milliards d'euros de frais de gestion seraient redistribués ? Je pense que cela reste difficile. Peut-être le Hcaam n'a-t-il pas trouvé la manière de présenter cette réforme de manière convaincante.

En réponse à votre troisième question, la réticence des mutuelles et des organismes complémentaires n'est pas surprenante, car leur marché serait largement aspiré par la puissance publique. Nous avons beaucoup de contacts à la fois officiels et officieux avec ces organismes et avec leurs représentants institutionnels. Je leur dis que, même si nous ne faisons pas la « grande sécu », il y a des attentes fortes de la part du Gouvernement, des parlementaires et des Français.

Les choses bougeront, et si les organismes complémentaires ne sont pas à la manoeuvre, les choses évolueront peut-être contre eux à moyen terme. Ils entendent cela ; ils acceptent de discuter au sujet des services rendus par les complémentaires, et ils recherchent des outils de meilleure mutualisation. Ils n'aiment pas toujours parler des frais de gestion, mais ils comprennent que ce système coûte très cher aux Français.

Vous me demandez si la « grande sécu » serait financée à moyen ou à long terme par une diminution des remboursements de l'assurance maladie obligatoire, et si cela entrerait en concurrence avec le retour à l'équilibre des comptes. Il serait difficile de porter le projet de « grande sécu » avec un déficit de dix milliards d'euros : ce projet n'est crédible que si les comptes de l'assurance maladie sont à l'équilibre.

Je note cependant que, depuis dix ans, malgré la situation financière difficile, il n'y a pas eu de déremboursements ou de transfert de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires. La couverture des soins par la sécurité sociale a même augmenté depuis dix ans, en passant de 77 % à 78 % des soins, sans tenir compte des frais de la crise couverts par l'assurance maladie.

Enfin, concernant les défis techniques de la mise en place des scénarios du Hcaam, je ne crois pas trop au fait de procéder par étapes. Lorsque vous l'avez auditionné, le président du Hcaam a indiqué que la seule solution lui semblait de suivre certaines étapes, mais le rapport du Hcaam ne les précise pas. Pour définir ces étapes, il faudrait d'ailleurs disposer de certaines informations, notamment sur le nombre de salariés des organismes complémentaires.

Ce scénario progressif est complexe, car si l'on augmente les remboursements de l'assurance maladie obligatoire sans accroître le déficit, il faut une hausse des prélèvements obligatoires ; si dans le même temps les complémentaires n'ont pas restreint leur marché et ont toujours les mêmes frais de gestion, les dépenses des ménages ne font qu'augmenter. Sans l'argument de la hausse du pouvoir d'achat, il serait encore plus difficile d'expliquer l'augmentation de la CSG.

Une autre option existe, mais ce n'est pas au directeur de la sécurité sociale de la pousser : financer tout cela avec un déficit transitoire. Avec un déficit, tout est possible.

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