Le système actuel doit être amélioré. Une partie des difficultés pointées ne tiennent pas à la responsabilité des organismes complémentaires et des mutuelles. Aujourd'hui, près de trois quarts des personnes âgées de plus de 70 ans sont couvertes par des mutuelles. La déconstruction des solidarités provient de décisions prises lors de l'ANI, malgré nos alertes.
Concernant la PSC (protection sociale complémentaire) des agents des fonctions publiques, éclairés par l'expérience de l'ANI, nous avons alerté Mme de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, sur l'importance d'avoir un dispositif plus étendu que pour le secteur privé, pour permettre un encadrement des cotisations des retraités.
La réforme de la PSC nous semble utile, juste et attendue par les agents publics, car il y avait une rupture d'égalité entre les salariés du privé et les agents des fonctions publiques. Le fait que les employeurs s'acquittent d'une quote-part de la cotisation santé nous semble utile pour cette raison.
Nous sommes attentifs au fait que cette avancée positive n'aboutisse pas à un recul de la protection globale des agents. Les mutuelles de la fonction publique, qui couvrent aujourd'hui environ 70 % des agents actifs, ont construit des solutions couvrant à la fois la santé, la prévoyance et la dépendance. Nous sommes très attentifs à ce que le nouveau dispositif n'aboutisse pas à une démutualisation de la prévoyance et de la dépendance, les agents renvoyés à des couvertures individuelles pouvant faire le choix de ne plus se protéger, en raison d'une mauvaise appréhension de leurs risques.
Nous sommes satisfaits de l'ouverture d'une négociation sur le champ de la prévoyance entre la fonction publique d'État et les organisations syndicales. Nous verrons en cours d'année comment ces négociations aboutissent, mais nous nous réjouissons de la prise de conscience du risque de la dépendance, même si, à ce jour, les négociations ne portent pas sur lui.
Nous sommes attentifs à ce que les autres branches de la fonction publique soient concernées. Des discussions fortes ont lieu entre les collectivités territoriales et les organisations syndicales de la fonction publique territoriale. Concernant la fonction publique hospitalière, nous regrettons que le calendrier soit renvoyé à 2026 malgré l'enjeu de l'attractivité des métiers du soin et de l'accompagnement.
Pourquoi le décroisement, pas plus que la « grande sécu », ne nous semble-t-il pas permettre de répondre aux enjeux ? Certains défenseurs de la « grande sécu » disaient que le décroisement laisserait de la place pour des surcomplémentaires. Mais quels assurés sociaux ont les moyens d'avoir recours à des surcomplémentaires ?
Sur le décroisement, l'appréhension des risques fait qu'il y a un enjeu d'assurabilité. Si seuls les assurés sociaux qui ont à la fois les moyens financiers et des risques certains se couvrent, le risque ne peut plus être assuré. Le principe de l'assurance repose sur l'aléa et sur une assiette large de mutualisation, qui permet de couvrir au mieux le plus grand nombre de personnes avec le minimum de cotisations.
Ces dispositifs ne permettent pas de répondre aux enjeux. Ils nous semblent tout à fait contraires à l'esprit de la sécurité sociale telle qu'elle a été construite depuis plus de 75 ans.
Concernant les coûts de gestion, et au-delà de la classification des coûts de gestion que j'ai déjà abordée, j'insiste : à périmètre égal entre l'assurance maladie et les complémentaires, les dépenses de gestion affectées aux prestations liquidées par les complémentaires santé représentent 4 % des cotisations, soit 1,5 milliard d'euros. L'automatisation et de nouveaux systèmes d'information permettent peut-être encore de nouveaux gains, mais les coûts de gestion des complémentaires ne sont pas extrêmement différents de ceux de l'assurance maladie.
Si l'on veut faire des économies sur les coûts de gestion, tant pour l'assurance maladie que pour les complémentaires, il faut engager un travail sur la simplification des nomenclatures de l'assurance maladie, qui est très lourde pour les professionnels comme pour les établissements de santé, et très coûteuse en gestion pour l'assurance maladie comme pour les complémentaires. Il y a probablement là un levier de simplification qui permettrait à l'ensemble du système de faire des gains en évitant des opérations chronophages, alors que le temps médical est extrêmement précieux.
Sur l'emploi, comme je l'ai dit, pour la mutualité française, entre 35 000 et 40 000 salariés sont concernés par ces scénarios - je ne parle pas pour les autres acteurs ou familles mutualistes. Cela concerne essentiellement l'assurance santé, mais aussi en rebond la prévention, et mécaniquement notre capacité à nous développer et à innover sur nos réalisations sanitaires et sociales et nos services de soins d'accompagnement mutualistes.
Je rappelle tout de même que ce sont les mutuelles qui ont inventé le tiers payant, grâce aux pharmacies mutualistes. Ce sont elles qui ont inventé les réseaux conventionnés qui permettent aujourd'hui de faire le 100 % santé et qui ont permis de réguler les dépenses de santé à l'hôpital. Ce sont elles également qui se sont battues contre l'assurance maladie, pendant dix ans, pour le développement de la téléconsultation, ce qui nous a été bien utile pendant la crise sanitaire. Pendant des années, l'assurance maladie n'a pas voulu développer ces innovations, car elle estimait qu'elles conduiraient à une augmentation des dépenses de santé.
L'étatisation de la protection sociale, laissant l'assuré social seul face à l'État, pourrait permettre à ce dernier de décider seul, de manière technocratique, de notre protection sociale. Cela ne serait de nature ni à réduire les inégalités ni à permettre des innovations afin de répondre aux besoins de la population.