Le Sénat a proposé, lors de l'examen de la loi, un encadrement strict des pénalités logistiques imposées par les distributeurs aux industriels. Il a voulu ainsi inverser le rapport de force et éviter de donner une arme aux distributeurs pour reprendre avec le prix 5x net ce qu'ils ont dû lâcher, contraints par le législateur, dans le prix 3x net.
C'est pourquoi l'article 7 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs a précisé la définition des pénalités logistiques. Le nouvel article L. 441-17 les définit comme des pénalités infligées à un fournisseur en cas d'inexécutions d'engagements contractuels. Le préjudice doit être avéré et documentable, les pénalités doivent être proportionnées. Si les pénalités ne sont pas conformes aux dispositions de ce nouvel article, le distributeur voit sa responsabilité engagée et doit réparer le préjudice subi par le fournisseur. Il est dès lors passible d'une sanction sous astreinte de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Le déclenchement de ces pénalités dépend de plusieurs conditions générales définies au I de l'article L. 441-17. Il convient d'abord de retenir une marge d'erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues. Si cette marge d'erreur est abusive, nous entrons dans le cas d'une pratique restrictive de concurrence, qui engage la responsabilité du distributeur au sens de l'article L. 442-1 du code de commerce. Les pénalités doivent être plafonnées en fonction des volumes du contrat et proportionnées au préjudice subi. Il en résulte qu'il ne peut y avoir de pénalités infligées s'il n'y a pas eu de préjudice évalué et constaté. Le distributeur doit apporter la preuve du manquement par tout moyen et, dès lors, consécutivement à la condition précédente relative au préjudice subi, documenter le préjudice. Le fournisseur dispose alors d'un délai raisonnable pour vérifier et constater le grief.
C'est justement l'objectif du sixième alinéa de préciser ce cadre. Cet alinéa mentionne que seules les situations ayant entraîné des ruptures de stock peuvent justifier l'application de pénalités logistiques, c'est-à-dire précisément les situations où un préjudice est mécanique et démontrable et documentable rapidement. Toutefois, par dérogation à ce cas général, des pénalités peuvent être infligées dans d'autres cas, tant que le distributeur documente par écrit l'existence d'un préjudice.
Dans les deux cas, j'y insiste, le préjudice doit être documenté et prouvé. Sinon, cela contreviendrait au deuxième alinéa de l'article, qui fixe le principe de proportionnalité au préjudice subi, et priverait le fournisseur d'un droit de contestation au regard des pièces apportées par le distributeur dans tous les cas, ce qui est prévu à l'alinéa 4.
Enfin, l'article apporte d'autres précisions essentielles.
Aucune marchandise ne peut être refusée ou retournée par le distributeur, sauf non-conformité et non-respect des dates de livraison. Ensuite, il est interdit de déduire d'office les pénalités du montant de la facture établie. Il est tenu compte, bien entendu, des circonstances indépendantes de la volonté des parties. Ainsi, en cas de force majeure, aucune pénalité ne peut être infligée. Le délai de paiement exigé par le distributeur ne peut être différent du délai de paiement qu'il s'applique à lui-même.
Enfin, sur la notion de taux de service, nous avons refusé de fixer un seuil dans la loi et avons préféré poser le principe suivant : ce taux ne saurait être abusif. Pour encadrer ce principe, nous avons prévu en commission mixte paritaire la réalisation d'un guide des bonnes pratiques précisant la doctrine de la DGCCRF et devant être régulièrement actualisé, afin d'accompagner les acteurs. Ce guide permettra de régenter tous les contournements éventuels sur les pénalités logistiques, lesquels, malheureusement, sont déjà nombreux.
Pour le législateur, le principe est clair : il ne saurait y avoir de pénalités logistiques infligées sans préjudice subi et donc documenté. Le cas échéant, ces pénalités ne sauraient être disproportionnées.
Mon collègue rapporteur à l'Assemblée nationale, Grégory Besson-Moreau, a indiqué lors de la réunion de la commission mixte paritaire : « Je veux rappeler [...] que, dans la section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de commerce, relative aux pénalités logistiques, nous avons bien écrit que la preuve du manquement doit être apportée par le distributeur par tout moyen. Le fournisseur dispose d'un délai suffisant pour lui apporter ses observations écrites afin d'être en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. » Le Sénat et l'Assemblée nationale partagent donc une vision claire et commune de l'intention du législateur.
Il m'a paru important de rappeler clairement l'intention du législateur, car il semblerait qu'un certain nombre de distributeurs entendent toujours capter les flux financiers générés par les pénalités logistiques, qui se sont élevés à 180 millions d'euros pour l'année 2020-2021. Il est important que ceux qui se livrent à de telles pratiques prennent conscience que ces interprétations contreviennent au cadre voulu par le législateur et qu'ils auront à s'en expliquer en cas de contentieux.