Intervention de Olivier Dussopt

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 mars 2022 à 17h00
Projet de décret d'avance – Audition de M. Olivier duSsopt ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des comptes publics

Olivier Dussopt, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. – L’invasion russe de l’Ukraine a des conséquences économiques importantes, qui conduisent le Gouvernement à solliciter l’avis du Parlement sur ce décret d’avance. Elle a aggravé la forte hausse des prix de l’énergie que nous connaissons depuis l’automne dernier et nous avait déjà conduits à prendre des mesures pour les ménages ; elle complique aussi notre approvisionnement en matières premières dans le secteur agricole, ainsi que pour certains métaux et intrants chimiques. Les conséquences de cette guerre sont avant tout humaines : un nombre grandissant d’Ukrainiens se réfugient dans les pays européens et jusqu’en France ; nous devons les accueillir dans les meilleures conditions possible.

Pour financer le plan de résilience économique et sociale, ainsi que l’accueil de ces réfugiés, il nous faut ouvrir les crédits nécessaires en urgence. Tel est l’objet de ce décret : non pas couvrir l’ensemble des conséquences budgétaires de l’invasion russe, mais mettre à la disposition du Gouvernement les crédits immédiatement nécessaires pour faire face à l’urgence de la situation, à hauteur de 5,9 milliards d’euros, alors que la totalité du plan de résilience est estimée un peu au-dessus de 7 milliards d’euros.

Ces crédits nous permettront de mettre en œuvre jusqu’au mois de juillet les mesures annoncées par le Premier ministre, sans préempter les choix du Gouvernement et du Parlement qui résulteront des prochaines élections, qui pourraient s’incarner dans une loi de finances rectificative.

L’article 13 de la LOLF prévoit que les décrets d’avance doivent être équilibrés budgétairement. C’est pourquoi je vous présente aussi des annulations de crédits d’un montant strictement égal aux ouvertures. Précisons que ces annulations ne conduisent à l’arrêt ou à la réduction d’aucun dispositif, car elles sont prises pour l’essentiel sur les réserves de précaution. Ces mouvements de trésorerie donneront lieu, chaque fois que nécessaire, à des reconstitutions de crédits lors d’une future loi de finances rectificative.

Le soutien à nos entreprises, à nos emplois et au pouvoir d’achat des Français a été présenté par le Premier ministre. Afin d’amortir le choc de la crise énergétique, nous avons mis en place une remise à la pompe de 15 centimes d’euro par litre hors taxe du 1er avril au 31 juillet pour tous les consommateurs, ce qui requiert un effort financier de 3 milliards d’euros.

Nous allons aussi compenser une part des factures de gaz et d’électricité des entreprises dont la facture d’énergie représente plus de 3 % de la valeur de production et qui subissent des pertes d’exploitation du fait de la crise. Ces aides pourront atteindre 25 millions d’euros par entreprise, voire 50 millions à titre dérogatoire, sur une période de dix mois. Nous estimons le coût de cette mesure à plus de 3 milliards d’euros, mais il dépend de l’évolution des prix au cours de l’année. Nous calons donc son financement jusqu’à la fin de juillet, quitte à l’actualiser à la hausse dans une loi de finances rectificative pour la suite.

En parallèle, nous avons engagé une réflexion sur un dispositif à destination des ménages modestes utilisant leur voiture pour aller travailler. En l’absence d’arbitrages, des crédits n’y sont pas encore affectés.

D’autres mesures du plan de résilience visent à protéger les entreprises connaissant des difficultés temporaires de trésorerie. Nous avons renforcé les prêts garantis par l’État : ils resteront accessibles jusqu’au 31 juillet à toutes les entreprises éligibles. Pour les entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques du conflit ukrainien, nous relevons le montant maximal de ce prêt à 35 % du chiffre d’affaires et nous mettons en place une facilité de trésorerie garantie par l’État à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires ; ces entreprises pourront aussi recourir à des prêts industrie de BpiFrance et aux dispositifs de report des charges sociales et fiscales mis en place pour la crise sanitaire, mais aussi continuer de profiter pendant 12 mois des accords d’activité partielle de longue durée (APLD) déjà signés ou en négocier de nouveaux jusqu’au 31 décembre prochain.

Enfin, pour soutenir les filières les plus affectées, nous proposons des mesures sectorielles. Ainsi, nous mettons en place une aide aux éleveurs pour prendre en charge une partie de la hausse du prix de l’alimentation animale pour 4 mois, à compter du 1er avril ; nous ouvrons à cette fin 400 millions d’euros de crédits. Nous attribuons aussi 150 millions d’euros de crédits supplémentaires à la Mutualité sociale agricole (MSA) pour la prise en charge des cotisations patronales de ces agriculteurs. Enfin, nous prévoyons un mécanisme d’avance sur le remboursement du gazole non routier (GNR) au titre de 2022 pour les exploitants agricoles, à hauteur de 25 % des consommations de 2021.

D’autres mesures stratégiques sont lancées, notamment de nouvelles négociations commerciales pour sécuriser nos producteurs agroalimentaires, ou encore la sécurisation de notre production d’engrais et de protéines végétales.

Un dispositif exceptionnel est aussi prévu pour les marins pêcheurs, qui prendra en compte un surcoût du litre de carburant de 35 centimes d’euro du 17 au 31 mars, puis de 20 centimes jusqu’au 31 juillet en complément de la réduction transversale de 15 centimes par litre. Un premier acompte sera versé par l’Enim à ceux qui en feront la demande. Le coût de ce dispositif est de 30 millions d’euros. Nous travaillons aussi sur ce sujet avec les collectivités locales.

Pour les transporteurs, nous ne prendrons pas en compte la remise de 15 centimes pour le niveau de désindexation du gazole, ce qui représente une économie de 1 500 euros par camion sur 4 mois. Le remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera mensualisé pour donner de la trésorerie aux entreprises concernées. Enfin, 400 millions d’euros de subventions seront accordés sous forme d’une aide aux véhicules, au titre des pertes de ces dernières semaines.

Les aides sectorielles font l’objet de discussions avec les organisations professionnelles et la Commission européenne, de manière à respecter la réglementation sur les aides d’État.

Nous prenons aussi des mesures spécifiques pour les taxis, qui recevront une avance sur le remboursement de la TICPE pour 2022 à hauteur de 25 % des consommations de 2021.

Dans le secteur des travaux publics, nous demandons un effort aux acteurs publics afin d’inclure des clauses de révision des prix dans les contrats et de ne pas appliquer de pénalités de retard quand celui-ci est dû à la crise. Nous envisageons aussi une compensation de la hausse du prix du GNR.

Les crédits ouverts par ce décret d’avance permettront aussi de financer l’accueil des populations ukrainiennes réfugiées en France. Elles pourront ainsi bénéficier de l’allocation prévue dans le statut de la protection temporaire, afin de se loger et de subvenir à leurs besoins.

Au total, nous proposons d’ouvrir 5,95 milliards d’euros de crédits. Le respect du critère d’urgence nous conduit à considérer que les crédits ainsi ouverts couvriront les besoins jusqu’à la fin de juillet. Plus précisément, 2,99 milliards d’euros financeront la remise à la pompe de 15 centimes, dans le programme 345 « Service public de l’énergie » ; 1,5 milliard d’euros aideront les entreprises à faire face aux pertes liées à la crise énergétique, dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulation » ; 550 millions d’euros viendront soutenir l’agriculture, dans le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » et 30 millions d’euros sont destinés à l’aide aux marins pêcheurs dans le même programme ; 340 millions d’euros iront au transport routier, dans le programme 203 « Infrastructures et services de transport » ; 80 millions d’euros serviront à la mise en place des mesures concernant les entreprises de travaux publics, dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulation ». Enfin, sur les 400 millions d’euros consacrés à l’accueil des populations ukrainiennes, 300 millions iront au programme 303 « Immigration et asile », et 100 millions au programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ».

Quant aux annulations de crédits symétriques imposées par la LOLF, je tiens à vous garantir que les administrations concernées pourront assurer toutes leurs missions sans être affectées par ces annulations. Les besoins des ministères pour la mise en œuvre des dispositifs adoptés dans la dernière loi de finances et dans les différentes lois de programmation seront réexaminés lors de la prochaine loi de finances rectificative pour reconstituer tous les crédits nécessaires.

Ainsi, le décret procède à des annulations de crédits d’un montant de 3,474 milliards d’euros sur le périmètre de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », avec 1,924 milliard d’euros prélevé sur le programme 358 « Renforcement des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire », 550 millions d’euros prélevés sur le programme de prise en charge du chômage partiel, 500 millions sur le programme du fonds de solidarité et 500 millions sur le programme de compensation à la Sécurité sociale des allègements de prélèvements.

Nous proposons aussi d’annuler 488 millions d’euros de crédits sur le programme 825 « Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics », au vu de moindres risques que prévu pour la liquidité de ces établissements.

Enfin, nous proposons des annulations transverses de crédits du budget général de l’État, pour un montant de 1,988 milliard d’euros. Tous les ministères contribuent solidairement à l’équilibre général, selon une base homothétique ; seuls les programmes déjà en tension sont épargnés. Les annulations portent sur environ 25 % des crédits mis en réserve des ministères ; cela ne les empêchera pas de fonctionner. Il s’agit d’un ajustement budgétaire temporaire, qui sera sans impact.

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