rapporteur général. – Merci pour votre présentation du second plus important décret d’avance jamais présenté par un gouvernement. Les ouvertures de crédits proposées portent pour moitié sur un dispositif général de réduction des prix des carburants ; l’autre moitié concerne des dispositifs sectoriels.
Contrairement aux décrets d’avance plus « classiques », celui-ci permet au Gouvernement de mettre en place des mesures nouvelles. Les modalités de la plupart de ces dispositifs ne sont d’ailleurs pas présentées avec une grande précision. Ainsi de l’aide offerte aux éleveurs : pouvez-vous nous expliquer ses critères d’obtention et son mécanisme d’attribution ? Nous n’avons pas connaissance du dispositif susceptible d’être mis en place, des éleveurs m’interrogeaient ce matin encore à ce sujet…
Plus généralement, l’urgence d’une action résolue paraît établie, au vu de la situation difficile causée par la hausse des prix de l’énergie et l’augmentation des coûts de certains intrants ; ces difficultés résultent en particulier, mais pas uniquement, de la guerre en Ukraine. Je regrette que le Gouvernement multiplie les dispositifs nouveaux alors que la crise actuelle ne fait qu’accentuer la hausse des coûts de l’énergie déjà constatée à l’automne dernier ; chacun des plans alors déployés devait répondre définitivement à cette situation.
Quant aux annulations de crédits, elles sont techniquement égales aux ouvertures et portent largement sur des crédits reportés. Certes, mais pour dire les choses autrement : vous venez de procéder au report de crédits non consommés de manière à pouvoir les annuler. Samedi dernier, les crédits disponibles pour la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » étaient de 155 millions d’euros seulement ; le présent décret en annule 3,5 milliards, soit 20 fois plus ! Depuis samedi, 11 arrêtés de report sont parus au Journal officiel : ce matin même, vous avez reporté plus de 5 milliards d’euros non consommés en 2021 depuis les programmes du plan d’urgence vers les mêmes programmes pour 2022, mais aussi 1 milliard d’euros vers le programme 367, qui finance des prises de participation de l’État sans lien direct avec la crise sanitaire. Vous utilisez donc la réserve de budgétisation constituée à la fin de 2021. Le décret d’avance sera techniquement gagé et n’accroîtra pas par lui-même le déficit budgétaire, mais c’est bien le cas des reports qui sont nécessaires à sa mise en œuvre.
Les autres annulations de crédits portent sur la quasi-totalité des missions des ministères, sauf, par exemple, la mission « Aide publique au développement ». Pourquoi avoir préservé cette mission, tandis que, par ailleurs, les crédits annulés de la mission « Défense » sont les plus importants en valeur absolue, en dépit du caractère essentiel du développement des moyens de la défense nationale ? Certes, il ne s’agirait selon vos propos que de mouvements de crédits temporaires, qui seraient compensés dans une prochaine loi de finances rectificative. Nous confirmez-vous que ce décret ne respecte les règles de la LOLF que de manière formelle ? Comment pouvez-vous annoncer le contenu d’un projet de loi qui ne sera pas déposé par votre Gouvernement, mais par celui qui résultera des choix faits par les électeurs dans les prochaines semaines ?
Si ce décret d’avance répond à l’évidence à une nécessité, un certain nombre d’interrogations demeurent. Je présenterai demain à notre commission une analyse plus approfondie.