Intervention de Else Joseph

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 mars 2022 à 15h35
Réalité de la mise en œuvre du plan de relance en faveur des patrimoines – présentation du rapport d'information

Photo de Else JosephElse Joseph :

rapporteure. – L’objectif de cette mission était d’évaluer la pertinence du montant des crédits, de leur répartition géographique ainsi que des modalités de mise en œuvre du plan de relance consacré au patrimoine.

Pour préparer notre bilan, nous avons entendu les services du ministère de la culture – au niveau de l’administration centrale et dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) –, des représentants des différents échelons de collectivités, plusieurs opérateurs bénéficiaires de ces crédits, dont le Centre des monuments nationaux (CMN), le château de Versailles et le musée du Louvre, ainsi que le groupement des entreprises de restauration des monuments historiques et plusieurs associations de sauvegarde du patrimoine. Nous avons eu la chance de nous rendre sur le chantier de restauration du château de Villers-Cotterêts pour constater les avancées de la future Cité internationale de la langue française, avant même la venue de la ministre.

Il faut d’abord saluer la décision du Gouvernement de soutenir le secteur des patrimoines dans le cadre du plan de relance. Ce secteur avait déjà été mobilisé comme un levier de relance après la crise économique de 2008. Toutefois, le niveau des crédits alloués est cette fois-ci bien supérieur, à 614 millions d’euros contre 100 millions d’euros en 2009. C’est un signal très positif adressé à ce secteur : l’intégration du patrimoine au plan de relance traduit clairement l’importance de cette filière, à la fois pour le développement économique des territoires et pour l’attractivité de la destination France. Le patrimoine représente non seulement un vivier d’emplois non délocalisables, mais aussi de fortes retombées économiques et touristiques au niveau local.

La somme allouée dans le cadre du plan de relance est tout à fait significative. Ces 614 millions d’euros représentent 30 % de crédits en plus pour le patrimoine en 2021 et 2022, et même 50 % de crédits en plus pour la restauration des monuments historiques au titre de ces deux années. Compte tenu de l’impact profond et durable de la crise sanitaire sur ce secteur, ces crédits apparaissent salutaires.

Cette somme est divisée en deux enveloppes, dont la première, qui représente une grosse moitié des crédits, soit 334 millions d’euros, est destinée aux opérateurs de l’État les plus en difficulté, en l’occurrence huit établissements, au premier rang desquels le CMN, le musée du Louvre et le château de Versailles. Elle les soutient en fonctionnement et aussi en investissement pour trois d’entre eux – Versailles, Chambord et le Centre Pompidou.

La seconde enveloppe, qui regroupe une petite moitié des crédits, soit 280 millions d’euros, est quant à elle destinée au patrimoine en régions. Elle se décompose en cinq dotations : une première, de 100 millions d’euros, pour permettre l’achèvement du chantier de restauration et de mise en valeur du château de Villers-Cotterêts ; une deuxième, de 80 millions d’euros, en faveur des cathédrales de l’État ; une troisième, de 40 millions d’euros, en faveur des monuments du réseau du CMN ; une quatrième, de 40 millions d’euros également, en faveur des monuments appartenant aux communes et aux propriétaires privés ; et une dernière, de 20 millions d’euros, pour accompagner les collectivités dans la rénovation de certains de leurs équipements patrimoniaux en région, par exemple des musées, des services d’archives ou des sites archéologiques.

Cette répartition fait la part belle aux opérateurs de l’État dans le domaine du patrimoine. Nos collègues Sonia de la Provôté et Sylvie Robert avaient dressé le même constat en ce qui concerne les crédits du plan de relance destinés à la création.

Faut-il pour autant critiquer le fait qu’une part substantielle des crédits soit allouée aux opérateurs ? Nous considérons que cette dotation était nécessaire compte tenu de la situation dans laquelle ces établissements se retrouvent plongés. Quand on constate que certains musées à l’étranger sont contraints de licencier, de vendre une partie de leur collection, voire de fermer définitivement, on ne peut que se réjouir que l’État, en France, n’ait pas abandonné ses établissements. N’oublions pas qu’ils sont devenus très fragiles face aux chocs extérieurs parce que l’État n’a cessé de leur demander, au cours de la dernière décennie, de développer leurs ressources propres pour pouvoir abaisser le niveau de sa subvention. La présidente du musée du Louvre nous en avait fait part lors de son audition en octobre dernier.

Le deuxième élément qui frappe dans cette répartition, c’est que plus des deux tiers des crédits se portent sur des mesures qui auraient, de toute façon, dû être financées, avec ou sans plan de relance. Les opérateurs devaient être sauvés ; le chantier du château de Villers-Cotterêts devait être achevé pour permettre l’ouverture du projet présidentiel de Cité internationale de la langue française.

Reconnaissons toutefois que ces mesures ont aussi leur place dans le plan de relance, tant elles y contribuent.

Deuxième chantier de France par sa taille, le chantier de Villers-Cotterêts contribue à redynamiser la filière de la restauration du patrimoine et profite à l’emploi local dans une zone où les offres d’emploi manquent. Plus de 500 personnes sont mobilisées au quotidien sur le chantier.

Quant aux crédits en faveur des opérateurs nationaux, ils sont essentiels pour permettre à ces établissements d’adapter leur offre aux nouvelles attentes des publics et de poursuivre leur programme de travaux. N’oublions pas qu’il s’agit d’acteurs importants de la commande publique qui contribuent chaque année à faire vivre la filière de la restauration du patrimoine.

Dernier élément saillant, une part prépondérante des crédits de l’enveloppe destinée au patrimoine en région est consacrée à des monuments appartenant à l’État, alors même qu’il ne possède que 3 % des monuments historiques et que ceux-ci sont globalement en meilleur état que ceux des autres catégories de propriétaires. Ce choix s’explique facilement par la contrainte temporelle du plan de relance, car les travaux doivent être réalisés d’ici la fin de l’année 2023. Il est plus facile pour l’État de maîtriser la durée de réalisation des chantiers sur les monuments dont il assure la maîtrise d’ouvrage.

Il n’empêche qu’il est difficile au Sénat, compte tenu de notre mission de représentation des collectivités territoriales, de ne pas regretter le faible montant de crédits affectés à la restauration du patrimoine n’appartenant pas à l’État. Étant donné l’état des finances des collectivités après cette crise, l’aide de l’État n’aurait pas été superflue pour accompagner et stimuler les projets des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine.

Mme Monique de Marco. – À combien s’élève ce faible montant ?

rapporteure. – À 40 millions d’euros.

En venant abonder les opérations des collectivités, les crédits de l’État auraient eu un véritable effet de levier, générant davantage d’activités pour les entreprises de restauration du patrimoine, dont les besoins sont très importants.

Après la crise économique de 2008, le choix du Gouvernement avait d’ailleurs été différent : les deux tiers des projets financés par le plan de relance concernaient des monuments appartenant à des collectivités.

Au demeurant, il faut admettre que le « plan cathédrales » est une nécessité : beaucoup d’opérations de restauration étaient dans l’attente depuis longtemps, faute de moyens. Leur mise en sécurité constitue également un enjeu, qu’a parfaitement illustré l’incendie de Notre-Dame.

Il faut aussi reconnaître que les visiteurs n’opèrent pas de distinction entre les patrimoines selon la nature de leur propriétaire. Une cathédrale ou un monument du CMN restauré dans une région participe autant de son attractivité qu’un monument appartenant à une collectivité.

De ce point de vue, il faut d’ailleurs louer l’effort du ministère de la culture pour assurer un certain équilibre dans la répartition des crédits entre les territoires. Le CMN n’a pas été autorisé à utiliser les crédits du plan de relance pour financer la restauration de ses monuments en Île-de-France, afin de ne pas avantager excessivement cette région, déjà largement bénéficiaire des crédits destinés aux opérateurs. Toutefois, nous avons été surpris du faible nombre d’opérations programmées dans les outre-mer : il nous semble que c’est un sujet sur lequel le ministère de la culture devra travailler.

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