Intervention de Bruno Rojouan

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 mars 2022 à 15h30

Photo de Bruno RojouanBruno Rojouan :

rapporteur. – J’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui mon premier travail de rapporteur, consacré au renforcement de l’accès territorial aux soins. Après avoir procédé à l’audition de plus de quarante personnes, j’ai acquis la conviction qu’il est urgent d’agir pour mettre fin à une démographie médicale profondément injuste, qui prive certains de nos concitoyens de médecin traitant, les contraint à renoncer aux soins et à attendre plus longtemps pour accéder à un spécialiste.

Aujourd’hui, selon l’endroit où l’on habite en France, on n’est pas soigné de la même façon. C’est inacceptable dans un pays dont le pacte républicain est fondé sur l’égalité. La protection de la santé s’est progressivement affirmée comme un objectif de valeur constitutionnelle et le chapitre liminaire du code de la santé publique garantit « l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé ». Cette promesse républicaine n’est pas tenue. Si l’on veut redonner confiance aux Français dans les institutions, il faut que les principes posés par le constituant et le législateur soient une réalité vécue par tous.

Pour commencer, afin que chacun puisse mesurer l’ampleur de la problématique, j’évoquerai quelques données éloquentes. Au moins 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux, dont 51 % pour des raisons liées à l’insuffisance de la démographie médicale. Pour les Français les plus éloignés des soins, les délais d’attente dépassent les 104 jours pour accéder à un cardiologue, 126 jours pour un dermatologue et 189 jours pour un ophtalmologiste. Enfin, 11 % des patients âgés de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant, soit plus de 6 millions de Français.

Ces facteurs entraînent des retards de prise en charge des patients et de leurs pathologies et sont susceptibles d’entraîner, dans les cas les plus graves, des pertes de chances. C’est tout bonnement inacceptable. Or, selon les projections effectuées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le nombre de médecins généralistes diminuera jusqu’en 2024 et l’on ne reviendra au niveau actuel qu’en 2030. En outre, les évolutions démographiques – augmentation et vieillissement de la population – entraîneront une hausse des besoins de soins. Autrement dit, à législation constante, si nous ne faisons rien, le pire est devant nous en termes de densité médicale ! Une décennie noire pour l’accès aux soins vient de s’ouvrir.

Ces constats nous obligent ; la sévérité du numerus clausus, même s’il est désormais desserré, et la liberté d’installation des médecins ont conduit à la raréfaction du temps médical et à sa mauvaise répartition territoriale. C’est une ressource précieuse, qui doit être utilisée avec discernement. Le temps que les médecins consacrent au quotidien aux tâches administratives doit être limité, afin qu’ils aient plus de temps pour soigner.

J’ai beaucoup écouté les acteurs qui ont eu la bonté de répondre à mon invitation ; j’ai cherché à connaître le ressenti de tous les acteurs du système de santé ; j’ai parcouru la littérature spécialisée sur le sujet, cherché à comprendre les mesures qui ont fonctionné dans d’autres pays et la raison des échecs de celles qui n’ont pas produit les effets escomptés. De cet exercice au long cours, j’ai acquis la conviction qu’il n’existe pas, malheureusement, de solution miracle et qu’aucune mesure isolée ne saurait être suffisante ou efficace : seul un ensemble de mesures coordonnées permettra d’améliorer, de manière pérenne, l’accès aux soins. C’est la raison pour laquelle je propose une combinaison de mesures d’équilibrage territorial de l’offre de soins, libératrices de temps médical et de formation des professionnels de santé, en conférant des leviers d’action plus opérationnels à un niveau déconcentré plus fin et en associant les collectivités territoriales.

Les aides à l’installation ont montré leurs limites. Elles n’ont d’ailleurs pas été évaluées, si bien que nous ne savons pas réellement quelles sont celles qui fonctionnent et celles qui ont été inutiles. Je plaide pour que l’on puisse disposer d’études afin d’apprécier à un niveau global leurs effets et de pouvoir disposer d’un guide de bonnes pratiques et des mesures à éviter parce qu’inefficientes.

J’ai perçu au cours des auditions que les mentalités avaient évolué : la régulation n’est plus taboue, la coercition est parfois ouvertement envisagée par certains, tant les élus locaux sont désemparés face aux attentes médicales fortes de leurs populations. Ma philosophie s’est voulue modérée, afin de limiter les effets pervers et désincitatifs des mesures contraignantes : c’est pourquoi j’ai souhaité que la liberté reste la règle et les solutions de régulation l’exception, quand aucun autre moyen ne m’a semblé opératoire pour répondre aux nécessités pressantes induites par les inégalités territoriales d’accès aux soins.

Dans un premier temps, il m’a paru nécessaire de faire face à l’urgence en matière de démographie médicale en optimisant le temps médical disponible au bénéfice des patients. Une étude du Conseil national de l’Ordre des médecins montre que les médecins considèrent « que le temps médical, sous toutes ses facettes, est cannibalisé par le poids du temps administratif ». On estime que ce temps représente, selon les praticiens, entre 10 % et 30 % de leur temps de travail. Il s’agit là d’un gaspillage de temps médical utile. Pour éviter cela, je préconise d’accompagner de manière plus volontariste la montée en puissance des assistants médicaux, que l’on pourrait d’ailleurs appeler des assistants administratifs, car ils n’ont quasiment pas de rôle médical. Ils déchargent les médecins du temps administratif, assurent de meilleures conditions d’exercice et favorisent l’accès aux soins des patients, tout en augmentant la file active des patients. En repositionnant le médecin au centre de sa relation avec le patient, l’assistant médical permet une meilleure organisation du temps médical.

Le déploiement de ces assistants, qui sont au nombre de 2 800 aujourd’hui et réservés aux seuls praticiens exerçant de manière coordonnée, pourrait être bien plus massif. Une telle solution serait rapide à mettre en œuvre, la formation des assistants médicaux étant de courte durée, d’un an environ. On pourrait fixer l’objectif d’atteindre 10 000 assistants médicaux d’ici à deux ans. En outre, il est souhaitable de permettre le recrutement d’un assistant médical par un ou plusieurs médecins dans les zones sous-denses en levant la condition d’exercice conjoint ou coordonné et d’accompagner financièrement l’aménagement du cabinet afin de permettre d’accueillir l’assistant dans de bonnes conditions. Une telle mesure produirait des effets dans une temporalité rapide.

Il me paraît essentiel de fluidifier la répartition des tâches entre professions de santé et professions paramédicales, en encourageant le développement de la pratique avancée, notamment des infirmiers, afin de leur permettre d’exercer des missions et des compétences plus étendues, jusque-là dévolues aux seuls médecins. Les infirmiers permettent de rapprocher les soins des territoires, grâce à des extensions de compétences au profit de professionnels mieux répartis. Les médecins ne se retrouvent ainsi plus seuls, sans confrère, pour organiser les parcours de soins et assurer la continuité des soins.

Je recommande la création du statut d’infirmier en pratiques avancées praticien, comme l’a proposé l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport au mois de janvier dernier, ainsi que des mesures adéquates de revalorisation et de financement. Ces mesures de coopération renforcée ont démontré leur efficacité et leur pertinence, à l’instar du dispositif des infirmiers Asalée, pour Actions de santé libérale en équipe. L’évaluation de ce dispositif a montré un net gain de temps médical.

De même, différentes mesures permettant au médecin de consacrer du temps de qualité à ses patients sont envisageables : permettre aux pharmaciens de renouveler les prescriptions périmées dès lors qu’un diagnostic a été posé et d’accéder à la dispensation sous protocole, c’est-à-dire à la délivrance de médicaments de prescription médicale obligatoire sans présentation d’une ordonnance ; expérimenter l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes pour économiser une partie du temps médical consacré à l’orientation des patients dans le parcours de soins. Il s’agit ici, en bonne intelligence, de veiller à la bonne division du travail médical entre professionnels afin de décongestionner le temps médical, qui pourrait être en toute sécurité pris en charge par d’autres professionnels. Le médecin resterait le point d’entrée principal, mais il est nécessaire de déléguer à d’autres professionnels la réalisation de certains gestes médicaux, afin de ne pas faire peser la charge des soins de ville sur les seuls médecins, dont les journées sont déjà bien chargées.

D’autres mesures temporaires permettraient d’éviter une baisse du temps médical disponible du fait d’un nombre de départs à la retraite plus grand que le nombre de médecins formés prêts à exercer dans les territoires : ainsi le cumul emploi-retraite doit être facilité et rendu beaucoup plus incitatif dans les zones sous-denses. Pour ce faire, les médecins concernés doivent être exonérés des cotisations retraite dans la mesure où ils n’acquièrent pas de droits nouveaux à pension. Il semble également opportun de relever les honoraires de consultation du médecin généraliste de 25 à 30 euros, sans augmentation du reste à charge pour les patients. La valeur de l’acte médical en France est l’un des plus bas d’Europe. Il convient donc de mieux valoriser l’expertise de l’acte médical, d’autant plus si les délégations de tâches sont plus nombreuses, les consultations potentiellement plus longues et moins nombreuses. Cette mesure contribuerait en outre à garantir l’attractivité du métier de médecin, dont le Conseil national de l’Ordre des médecins dit que c’est « une vocation de plus en plus lourde à porter ».

Il convient également de soutenir le déploiement de la télémédecine, qui facilite l’accès aux soins des populations résidant dans les territoires sous-dotés. Je tiens à préciser qu’il ne me paraît pas opportun que les téléconsultations deviennent l’unique voie d’entrée dans le parcours de santé, afin que ne se développe pas une médecine à deux vitesses. La crise sanitaire m’a cependant fait évoluer sur ce point : les solutions numériques en santé ont permis d’accompagner la continuité des soins tout en limitant les contacts humains, afin d’enrayer la progression du virus. Aujourd’hui, 71 % des médecins s’y sont mis, au moins une fois, et les patients leur ont emboîté le pas. On dénombre ainsi environ un million de téléconsultations par mois.

Dans ce contexte, il me semble souhaitable d’encourager le déploiement de bornes de téléconsultation en zones sous-denses et un accompagnement par un infirmier libéral ou un professionnel de santé. Il faut surtout assouplir les règles de prise en charge des téléconsultations par l’assurance maladie, en garantissant leur remboursement sans condition pour les patients résidant en zones sous-denses. Pour que la téléconsultation produise ses pleins effets, il convient également de soutenir le déploiement de la fibre et du haut débit afin que des patients ne soient pas privés de ces prises en charge. À cet égard, j’encourage la mise en œuvre des propositions de ma collègue Patricia Demas sur l’inclusion numérique, qui peut favoriser l’inclusion sanitaire.

J’évoquerai à présent les mesures visant à promouvoir et à faciliter l’installation et l’exercice dans les zones sous-denses. Il convient d’être plus volontariste pour les territoires à la démographie médicale la plus préoccupante, où l’accès aux professionnels de santé est insuffisant et où les habitants rencontrent les difficultés les plus grandes pour le bon déroulement de leurs parcours de soins.

Un double zonage a été élaboré pour définir ces territoires : les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’action complémentaire (ZAC). Un arrêté ministériel d’octobre 2021 a procédé à la mise à jour de ces zonages : la population située en ZIP est passée de 18 % à plus de 30 %. Autrement dit, près d’un tiers des Français résident dans un désert médical ! La DREES a développé un indicateur pour saisir les inégalités territoriales, l’accessibilité potentielle localisée (APL), pour tenir compte de la proximité, de la disponibilité des médecins généralistes et des besoins de la population selon l’âge. Mais du fait de la multiplicité des indicateurs et du caractère multifactoriel des inégalités d’accès aux soins, il est aujourd’hui malaisé de cerner précisément les difficultés et de décliner des objectifs pertinents d’accessibilité dans chaque territoire. Je propose donc l’instauration d’un conseil national d’orientation de l’accès territorial aux soins et la mise en œuvre de commissions départementales de la démographie médicale.

Les médecins sont quasiment les seuls professionnels de santé à disposer d’une entière liberté d’installation. Il me paraît souhaitable d’adapter cette liberté de manière temporaire, le temps que les inégalités territoriales les plus criantes soient résorbées : c’est pourquoi je propose de conditionner l’installation dans les zones sur-dotées à la cessation d’activité d’un médecin exerçant la même spécialité afin de favoriser une meilleure répartition territoriale. De même, il me semble essentiel d’instaurer un conventionnement sélectif temporaire pour rééquilibrer les installations dans les territoires sous-dotés. En écoutant les étudiants, les professionnels de santé et les élus locaux, une idée m’est venue : les collectivités territoriales pourraient instaurer des guichets uniques à destination des étudiants en santé et des praticiens à la recherche les uns d’un terrain de stage, les autres d’un lieu d’installation, afin de leur offrir un accompagnement humain et de faire la promotion de leur territoire. Cela se fait dans certains départements, dans d’autres pas du tout.

Sur ce point, il me paraît fondamental d’augmenter le nombre de terrains de stage dans les zones sous-denses en levant les freins à leur attractivité. Je vois plusieurs mesures pour répondre à cette exigence : accroître l’incitation financière à devenir maître de stage, particulièrement dans les zones d’intervention prioritaire, en facilitant les formations à la maîtrise de stage et en bonifiant les honoraires pédagogiques de 30 %. Plusieurs études convergent sur ce point : le stage est un canal privilégié pour favoriser la découverte des territoires et les futures installations.

Il convient également d’accompagner les étudiants en leur octroyant des indemnités de transport mieux conçues. Aujourd’hui, elles s’élèvent à 130 euros brut par mois dès lors que le terrain de stage est situé à plus de 15 kilomètres et ce quelle que soit la distance parcourue. En outre, elles n’ont pas été revalorisées depuis 2014. C’est une source de blocage très puissant, qui empêche une bonne irrigation territoriale des étudiants en médecine. Il me paraît indispensable de procéder à la barémisation de cette indemnité et de la revaloriser annuellement pour tenir compte de l’évolution du coût de la mobilité et du prix des carburants. Une réflexion doit être menée pour examiner la possibilité d’ouvrir cette indemnité de transport aux étudiants en maïeutique (les sages-femmes), en pharmacie et en kinésithérapie. Dans les terrains éloignés du lieu de résidence et de formation, il faut encourager le développement des internats ruraux par les collectivités territoriales, lesquelles pourraient recevoir une dotation de lutte contre la désertification médicale pour faire face à ces nouvelles dépenses.

L’imagination est le maître mot pour lutter contre la désertification médicale. Plusieurs mesures novatrices pourraient être expérimentées, à l’instar d’une offre de soins itinérante dans les territoires ruraux, sous la forme d’un bus santé – cela a bien fonctionné pour la vaccination contre le covid –, de la mise en place d’un moratoire sur les fermetures de pharmacies pour éviter que ne se créent des déserts pharmaceutiques, de la défiscalisation des permanences de soins dans les zones sous-dotées, de la majoration des droits à retraite au terme de trois ou cinq ans d’exercice dans une zone d’intervention prioritaire et de la simplification des modalités de création des structures de coopération médicale. Les crises doivent être le creuset de solutions ambitieuses, mais simples.

J’en viens enfin aux solutions de plus long terme, afin d’accroître les capacités de formation des universités et des instituts de formation. Sur le temps long, ce sont les capacités de formation qui constituent le levier principal des politiques d’offre de soins, mais elles ne produisent leur effet qu’au terme d’un délai équivalent à la durée des études concernées, de cinq à dix ans. Le desserrement du numerus clausus à la rentrée 2020-2021, devenu numerus apertus, ne peut produire pleinement ses effets tant que les capacités de formation des universités sont contraintes. Il faut former plus d’étudiants, ce qui suppose des postes d’enseignants supplémentaires et des aménagements dans les facultés de médecine et des autres cursus pour accueillir ces nouveaux contingents.

Le cursus de formation pourrait être modifié pour tenir compte des inégalités territoriales : on pourrait ainsi créer une quatrième année de médecine professionnalisante, qui permettrait d’envoyer 3 900 médecins juniors en priorité absolue dans les zones sous-denses. Il me paraît opportun d’accroître le nombre d’étudiants en médecine en portant de 40 % à 50 % le nombre de places dans cette spécialité lors des épreuves de fin de deuxième cycle des études de médecine. Il est également de bonne pratique de rehausser le nombre de places à l’internat dans les spécialités les plus attractives dans les régions ayant plus de difficultés à attirer et d’envisager la possibilité que le cursus de masso-kinésithérapie soit universitaire pour lever les lourdes contraintes financières pesant sur le choix de ce cursus. De même, il serait de bonne pratique d’intégrer une formation à l’exercice libéral pendant les études médicales, pour éviter la fameuse peur de l’installation de certains jeunes praticiens. Il me paraît également nécessaire de diversifier l’origine sociale et géographique des étudiants en médecine pour favoriser des installations territoriales mieux réparties.

L’instauration de bourses pour les étudiants issus de zones sous-dotées est une formule à explorer : cette mesure, qui produit les effets les plus puissants à long terme, a fait ses preuves dans plusieurs pays. Un médecin qui s’installe dans un secteur sous-doté est lui-même souvent issu d’un tel territoire. Je connais la réticence de certains de mes collègues concernant les mesures de discrimination positive, mais c’est un pari qui s’appuie sur la littérature scientifique comparée, que m’ont encouragé à prendre les associations étudiantes que j’ai entendues. Je pense ici à la formule analogue mise en œuvre à l’Institut d’études politiques de Paris, dans le cadre des conventions d’éducation prioritaire.

Enfin, et c’est à mes yeux crucial, il faut déconcentrer les processus de décision en matière d’offre de soins libérale. Aujourd’hui, personne n’est responsable de la mauvaise répartition territoriale de l’offre de soins alors que plus d’un Français sur trois, voire bien plus, en pâtit. Tout le monde se renvoie la balle : l’absence de mécanismes correctifs et d’instance responsable de ces inégalités contribue au maintien des inégalités territoriales et au défaut de réponse rapide pour y remédier, tout en favorisant les corporatismes. Cela ne peut plus durer.

Il faut réaffirmer la mission de service public du système de santé, rappeler la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes correctifs en faveur de l’équité territoriale en santé et développer la notion de responsabilité populationnelle territoriale. De même, il est impératif de mieux associer les élus locaux à l’organisation de la proximité des soins, dans une logique de subsidiarité et de connaissance territoriale plus fine, de renforcer la place des maires au sein de la gouvernance des hôpitaux et d’aller plus loin que ce qu’a permis la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) en renforçant les moyens alloués aux délégations départementales des agences régionales de santé en leur déléguant des compétences décisionnaires à l’échelon territorial.

Telle est la situation inquiétante qui nous attend en termes d’inégalités d’accès aux soins si nous ne faisons rien et si nous ne mettons pas en œuvre un bouquet de mesures pour tenter d’y remédier. Le bon accès aux soins de nos concitoyens nous oblige à être ambitieux et volontaristes ; il faut répondre à cette urgence pressante. La crise nous a montré la faiblesse de notre système hospitalier, mais aussi la résilience de notre médecine de ville. Changeons d’approche et cessons de ne penser qu’à l’hôpital. Il est en effet ici question de l’égalité qui figure au sommet de notre pacte républicain, de la santé de la population et de l’attractivité de nos territoires. Répondons aux espoirs que les Français éloignés des soins placent dans la représentation nationale et faisons en sorte que cette décennie ne soit pas perdue !

M. Bruno Belin. – Je félicite le rapporteur pour son travail et son rapport sur ce sujet.

En ce qui concerne les téléconsultations, il faut avoir conscience qu’il existe une double peine : là où elle n’est pas possible, c’est non seulement parce qu’il n’y a pas de médecins, mais également parce qu’il n’y a pas de fibre ! En outre, les conventions de la Caisse primaire d’assurance maladie prévoient que les téléconsultations ne sont prises en charge que si elles ont lieu le 29 février, s’il y a de la neige et si le patient est en train de mourir… Elles ne rendent pas possible l’accès à un spécialiste. Évidemment, il faut qu’un professionnel de santé soit présent sur le lieu d’implantation afin d’accompagner, voire d’assister le patient.

Il faut évidemment revaloriser le tarif de la consultation des généralistes. Je rappelle que les plombiers de SOS Plombiers sont mieux payés que les médecins de SOS Médecins.

Les médecins âgés aujourd’hui de 67 ou 68 ans vont bientôt partir, car ils sont usés. Or il faut absolument conserver ces médecins expérimentés et flécher les assistants médicaux sur ces professionnels en premier lieu. Surtout, il faut absolument promouvoir des formations accélérées, car il est urgent de recruter.

Enfin, le numerus apertus est une supercherie : chaque université fixe le nombre d’étudiants qu’elle accueille, en fonction de ses moyens humains et de ses locaux. Les riches font des riches, les pauvres font des morts !

M. Michel Dennemont. – À titre personnel, ayant été infirmier à domicile pendant quarante-huit ans, je regrette que vous n’évoquiez dans votre rapport que les médecins et non toute la chaîne de soins.

Mme Évelyne Perrot. – Connaît-on le taux de femmes et d’hommes chez les étudiants en médecine, sachant que cette profession s’est énormément féminisée ?

Dans mon département, nous avons créé une maison d’accueil pour étudiants en médecine, avec des maîtres de stage des universités. Pour autant, les étudiants ne restent pas. Ils repartent dans la ville où ils ont fait leurs études. Il va falloir trouver une autre solution pour les retenir sur place.

M. Joël Bigot. – Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et son exhaustivité.

Vous proposez aujourd’hui des mesures de discrimination positives en faveur des jeunes originaires des zones sous-denses. Or un jeune de 18 ans entre seul à l’université, mais en ressort douze ans plus tard dans une situation différente : il est parfois accompagné, sans possibilité de s’installer dans les zones sous-denses. Il faudra surveiller l’efficacité d’une telle mesure.

Quelles sont les différences entre les ZIP et les ZAC ?

Quid de la proposition votée par les deux chambres prévoyant que les jeunes médecins doivent effectuer leur dernière année de médecine dans des zones sous-denses ? Nous attendons toujours la publication du décret.

Enfin, quel est selon vous l’échelon le plus pertinent pour combattre la désertification médicale ?

Le rapport nous paraît de bonne facture, bien équilibré, ouvert. C’est pourquoi nous le voterons.

M. Gérard Lahellec. – Merci, monsieur le rapporteur, pour ce travail exhaustif.

Nous savons que le desserrement du numerus clausus ne produira pas ses effets à court terme. Nous sommes même en droit de nous demander s’il en produira tels que nous les souhaitons un jour !

Mon département, les Côtes-d’Armor, est dans une situation encore plus difficile que les autres départements bretons. Cette situation accroît le manque d’attractivité du territoire et dissuade de nouveaux praticiens de s’y installer. Une jeune cancérologue que j’interrogeais sur l’attractivité de son métier m’a répondu : « Vous savez, quand on passe plus de douze heures par jour au boulot, l’attractivité tient aux conditions de travail et d’exercice de son métier. » On gagnerait donc sûrement à renforcer l’attractivité de toute la chaîne médicale.

M. Jean Bacci. – À mon tour, je félicite le rapporteur pour son rapport. Nous nous reconnaissons tous dans les propos qu’il a tenus.

Permettez-moi de vous faire part de l’expérience qui a été menée il y a treize ans dans mon territoire du Var, laquelle a été un fiasco. Les médecins n’assurant plus la permanence des soins le soir et les week-ends, nous avons mis en place une cabine de téléconsultation, en relation avec une maison médicale. Les médecins locaux et le SAMU y ont vu une concurrence déloyale. Le SAMU n’y envoyait personne ! Peut-être étions-nous trop en avance…

Mme Marie-Claude Varaillas. – À qui incombe la charge financière liée aux assistants médicaux ? En Dordogne, malgré la politique très volontariste du département, un nombre très élevé de nos concitoyens n’ont plus aujourd’hui de médecin traitant.

Autre difficulté : les jeunes médecins touchent 2 000 euros pour une garde de vingt-quatre heures. Cela ne les incite pas à s’installer dans le département.

De nombreux professionnels, dans l’éducation nationale par exemple, ne choisissent pas leur affectation. Pourquoi ne pas exiger des étudiants qu’ils exercent quelques années dans les territoires en déficit ? La délégation aux droits de femmes a réalisé une étude sur la situation des femmes dans la ruralité. Treize départements en France n’ont plus de gynécologues médicaux. On en est là ! Je pense donc qu’on se doit de réfléchir à des mesures coercitives.

Mme Angèle Préville. – Je remercie M. le rapporteur et Patricia Demas pour le travail très riche qu’ils ont mené.

Je suis entièrement favorable aux mesures de discrimination positive. Quelle proportion des étudiants en médecine sont fils d’agriculteurs ou d’ouvriers ? Je suis persuadée que cette proportion a beaucoup diminué par rapport à il y a trente ou quarante ans, ce qui pourrait en partie expliquer la désertification médicale. Les enfants d’agriculteurs viendraient plus facilement s’installer dans les territoires ruraux.

Dans ma communauté de communes, nous avons mis en place une formation pour les lycéens afin de les préparer à faire des études de médecine, ainsi que des bourses. Peut-être faut-il mettre en place ailleurs ce genre de dispositif ?

M. Jean-Claude Anglars. – Je remercie M. le rapporteur pour son travail, le diagnostic qu’il pose est bon, ainsi que les ordonnances !

Certaines des mesures évoquées me paraissent fondamentales. Le statut d’infirmier en pratique avancée est un sujet important. Il faut également que les médecins aient accès à un dossier médical partagé. Il faut créer des internats en milieu rural et une quatrième année de médecine générale pour projeter dans les territoires sous-denses 4 000 médecins juniors. Enfin, il faut des maîtres de stage, car, on le sait, ce ne sont pas les aides financières qui favorisent l’installation.

Je suis d’accord sur les zonages : ils ont fait plus de mal que de bien.

Je suis également d’accord sur la création de commissions départementales. On sait comment se décident les choses aujourd’hui : les ARS décident chaque année du nombre de médecins qui seront formés. Or il faut que chaque territoire puisse s’exprimer sur le sujet.

M. Guillaume Chevrollier. – À mon tour, je salue le travail du rapporteur, qui pose un bon diagnostic.

L’accès aux soins est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Dans la Mayenne, le conseil départemental a lancé des états généraux de la santé, qui ont abouti aux mêmes conclusions sur le développement des infirmiers en pratique avancée, le recours aux médecins retraités ou les contrats locaux de santé. Les internats doivent également être développés.

Vous n’avez pas abordé dans votre rapport la prévention, qui me semble pourtant être une voie intéressante à explorer, sachant que, selon les cancérologues, 40 % des cancers pourraient être évités.

Mme Christine Herzog. – Je félicite à mon tour le rapporteur pour son travail.

La situation des départements frontaliers n’est pas abordée dans le rapport. En Moselle, dans les communes situées près du Luxembourg, beaucoup de maires se plaignent, car de nombreux médecins quittent les maisons de santé qu’ils ont créées pour exercer au Luxembourg, pour des raisons financières.

Mme Laurence Muller-Bronn. – Je félicite également le rapporteur pour son travail sur ce véritable sujet de société.

Quel sera le profil des assistants médicaux, leur formation, leur niveau, leur rémunération ? De quelle manière pourront-ils assister les médecins ?

Nous manquons d’infirmiers. Où va-t-on en trouver ? Va-t-on déshabiller Paul pour habiller Jacques ?

Nous avons des médecins en Alsace, car ils peuvent se former en Allemagne, où le numerus clausus n’est pas appliqué, puis exercer en France. Cela étant, les équipements manquent. Aujourd’hui, un radiologue veut des IRM, des scanners, etc. De ce point de vue, nous sommes dépendants de l’ARS. Tant qu’on limitera le nombre de ces équipements, on n’améliorera pas l’attractivité des territoires ruraux.

Mme Évelyne Perrot. – Des communes se sont endettées pour construire des maisons de santé, accueillir des médecins étrangers, leur offrir des logements, parfois meublés, mais ces médecins rentrent chez eux au bout de deux ans, avec une manne pour faire construire une maison ! C’est un réel problème, sachant en outre qu’il arrive que ces médecins ne parlent pas du tout le français. Cette solution n’est donc pas la bonne.

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