Intervention de Bruno Rojouan

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 mars 2022 à 15h30

Photo de Bruno RojouanBruno Rojouan :

rapporteur. – Beaucoup de maires font l’acquisition de cabines de téléconsultation. Il est toutefois impensable qu’elles soient installées dans une mairie ou dans une maison France Services. En outre, il faut au minimum un professionnel de santé pour l’accueil des patients.

Dans le rapport, nous proposons que les médecins retraités intervenant en zones sous-denses soient exonérés de cotisations retraite. On peut aussi imaginer l’instauration d’un bonus pour les médecins retraités ou les médecins exerçant en zones sur-dotées qui consulteraient une journée ou une demi-journée par semaine dans une commune sous-dotée. Il faut imaginer des formules très souples.

Actuellement, un médecin peut suivre environ un millier de patients. Si l’on instaurait un médecin chef d’équipe, on pourrait passer à 2 500 patients par médecin. Il faut déléguer une partie des responsabilités des médecins à d’autres professionnels, pharmaciens ou infirmiers, et les décharger administrativement, sachant que nous manquerons de médecins dans les cinq ou six ans à venir. Il faut faire avec ce qu’on a !

Actuellement, les assistants médicaux sont payés par la CNAM. Ils sont en général titulaires d’un BTS. Leur temps de formation est donc assez court. L’Allemagne manque également de médecins, mais 100 % du temps du médecin est consacré au patient, grâce aux assistants médicaux.

Mme Laurence Muller-Bronn. – En France, certains médecins n’ont même pas un assistant, ils font tout eux-mêmes. Culturellement, le médecin français travaille seul. Il faut faire évoluer les mentalités, instituer une culture du partage des revenus et des connaissances.

rapporteur. – Les médecins formés aujourd’hui sont aux deux tiers des femmes, ce qui peut expliquer certaines évolutions. En outre, les jeunes disent qu’il ne faut pas compter sur eux pour travailler comme les anciens soixante-dix heures par semaine. Il faudra donc peut-être deux ou trois jeunes médecins pour remplacer un ancien !

Les ZIP sont des zones plus fragiles que les ZAC. À ce titre, les médecins installés dans les premières sont éligibles à un financement plus important.

En moyenne, les médecins étrangers restent six mois en France.

Si nous ne proposons pas d’instaurer une obligation d’installation, c’est parce que nous prévoyons par ailleurs deux mesures assez contraignantes. Nous n’autorisons les installations supplémentaires dans les territoires sur-dotés que lorsque des médecins s’en vont. En outre, il va être difficile de faire accepter la mesure sur le conventionnement / non-conventionnement ! Essayons donc de faire passer ces deux mesures d’abord. Les 4 000 médecins juniors, eux, seront envoyés dans les territoires sous-dotés, pour une période d’un an.

Le niveau départemental est plus approprié que l’échelon régional pour combattre la désertification médicale. Il est également important de faire entrer les élus locaux dans les instances de discussion et de décision.

Il ne faut pas non plus que nous donnions l’impression que l’État n’a plus de rôle à jouer dans ces inégalités.

Mme Martine Filleul. – Il faut mettre l’État face à ses responsabilités !

rapporteur. – On sait que les jeunes médecins qui s’installent dans des territoires ruraux sont souvent eux-mêmes issus du milieu rural. Il faut donc peut-être inciter les lycéens des territoires ruraux à faire des études de médecine. On compte 8 % d’enfants d’ouvriers chez les médecins, 45 % d’enfants de cadres. La discrimination positive se justifie pour ces raisons.

Par ailleurs, c’est dans les régions où l’on peine à implanter des médecins qu’il faut intensifier les formations dans les spécialités concernées.

Il faut envisager une autre chaîne de soins : le médecin serait chef d’équipe, le pharmacien entrerait dans la chaîne, ainsi que l’infirmier. Il n’y aurait plus besoin de passer systématiquement par le médecin pour renouveler une ordonnance ou pour être suivi pour une maladie chronique.

Si on arrive à mettre en œuvre ces quelques mesures – conventionnement / non conventionnement, blocage du nombre d’installations dans les territoires sur-dotés, augmentation du nombre de patients suivis par un médecin, instauration de maîtres de stage et octroi d’avantages importants, discrimination positive, dispositif des médecins juniors –, cela ne sera pas si mal !

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