Merci beaucoup pour vos témoignages, Mesdames. Vos parcours forcent le respect. Je note que la question des magazines et revues pornographiques n'a pas été abordée. Quant à l'incompréhension des forces de sécurité qui reçoivent des plaintes, je la déplore.
Knivy. - La question du plaisir a été posée ; mais cela nous plaît de créer du contenu ! Pourquoi ne pas changer de métier ? J'étais auparavant cheffe de cuisine, j'évoluais dans un milieu très sexiste. J'aimais mon métier ; ce n'est pas parce que je faisais face au sexisme que j'ai décidé d'en changer : lorsque je l'exerçais, je me battais pour me faire entendre. Je me suis reconvertie dans un milieu qui me plaît tout autant, dans lequel je m'épanouis, qui m'apporte beaucoup malgré certaines mauvaises expériences. Si je ne quitte pas mon métier d'actrice, c'est tout simplement parce que je l'aime.
Nikita Bellucci. - Tant que nous ne serons pas considérées par la société en général, les forces de police ne nous entendront pas. Quand nous faisons état de violences, on nous répond la plupart du temps que nous avons signé et que nous savions où nous mettions les pieds : nous ne sommes jamais prises au sérieux.
Vous évoquiez les souffrances que les actrices peuvent rencontrer sur les tournages. J'ai vécu une telle expérience en 2012 ; je n'ai pas pour autant changé de métier. J'ai simplement le désir d'améliorer l'industrie dans laquelle je travaille en dénonçant les abus et en encourageant les victimes à porter plainte.
Carmina. - Vous dites que vous avez entendu beaucoup de souffrance dans nos témoignages ; ce n'est pas du tout ce que j'ai entendu. Au contraire, nous sommes toutes des femmes épanouies dans notre travail et très heureuses de l'exercer. L'une d'entre nous a été violée : c'est une souffrance. Mais auriez-vous demandé à une journaliste qui a été violée pourquoi elle n'a pas changé de métier ? Je ne pense pas...
Dans le même sens, vous avez évoqué nos efforts de préparation. Je ne peux m'empêcher d'y reconnaître l'image que notre métier véhicule : nous ne sommes jamais prises au sérieux. Invitée au Sénat, oui, je me prépare ; c'est la moindre des choses !
Les hommes qui travaillent dans ce milieu le font-ils simplement pour prendre du plaisir ? Ce n'est pas du tout le cas des hommes que j'ai rencontrés. Ceux avec qui je travaille le font pour créer des films qui, de surcroît, dans mon cas, font évoluer la représentation des masculinités.
Il est dommage de réduire nos propos à l'expression d'une souffrance : nous sommes toutes là parce que nous aimons notre métier et voudrions le faire dans de bonnes conditions.
Liza Del Sierra. - Je ne reviendrai pas sur la question de la souffrance, qui touche au corps et à des choses très personnelles. Il existe 1 000 parcours différents d'acteurs et actrices... Je suis probablement privilégiée : ma seule souffrance, depuis toutes ces années, c'est le stigmate social, le manque de reconnaissance. J'ai fait des études, je suis mère, belle-fille, amie, marraine, témoin de mariage ; tout cela est affecté par l'image qu'on se fait des actrices X, dont le métier est banni des professions reconnues. Et comme j'aime la facilité, j'ai choisi par ailleurs un métier qui n'est reconnu que depuis la crise du Covid...
Si j'ai préparé cette audition comme je l'ai fait, c'est par respect envers vous. Infirmière, j'ai soutenu un mémoire : je sais me présenter devant des gens. De surcroît, c'est une occasion unique qui nous est offerte aujourd'hui : habituellement, nous ne sommes pas consultées - les associations féministes, qui sont, contrairement à nous, une grosse machine capable de beaucoup de choses, le sont plus souvent qu'à leur tour. Nous sommes indépendantes, nous n'avons pas de syndicats pour nous représenter.
Je suis devenue productrice car j'avais foi en cette profession. Je pense que chacun peut s'épanouir et avoir le sentiment d'une réussite professionnelle dans ce milieu. Si je suis devenue productrice, ce n'est pas parce que je souffrais en tant qu'actrice. Simplement, je me plais davantage à écrire des histoires, à les mettre en scène et à « chapeauter » ; j'ai mis dix ans à le découvrir. Reste que j'ai beaucoup apprécié mes années de tournage : il n'y a pas eu de souffrance.
Pour ce qui est des addictions, on ne passe pas de Jolie blonde avec jolie blonde à Enfant de cinq ans avec un énorme black sous prétexte qu'on a besoin de toujours plus. Je ne supporte pas l'amalgame avec la pédophilie : la pédocriminalité ne nous concerne pas. Nous sommes tous des majeurs consentants. Avec les addictions, c'est toujours la même histoire : il faut se soigner. J'essaie d'arrêter de fumer, voyez-vous...