Intervention de Sophie Béjean

Délégation aux entreprises — Réunion du 8 mars 2022 à 14h30
Table ronde sur la place des femmes dans l'entreprise

Sophie Béjean, rectrice de l'académie de Montpellier, chancelière des universités :

rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier, chancelière des universités. - En tant que rectrice, je suis évidemment engagée pour faire progresser les enjeux de mixité dans les formations et dans les enseignements de la voie générale et technologique, mais aussi dans la voie professionnelle. J'étais ce matin avec des associations, des entreprises du numérique et des jeunes filles, élèves de nos collèges et lycées, pour leur montrer tout l'intérêt des métiers du numérique. Je serai plus tard dans la journée avec Capital fille, association engagée de longue date aux côtés de l'Éducation nationale avec des entreprises de tous secteurs d'activité, des parrains et des marraines, pour lutter contre les stéréotypes de genre mais aussi sociaux dans les choix d'orientation. Ce soir, avec la présidente de la région Occitanie et la présidente régionale du MEDEF, nous lancerons le plan régional d'action pour plus d'égalité filles-garçons, plus de mixité dans les formations et dans les parcours d'orientation.

Je suis aussi présidente de l'Association pour les femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Afdersi), qui promeut la place des femmes dans les postes à responsabilités dans l'enseignement supérieur, l'université et la recherche. Ces secteurs n'échappent ni au plafond de verre, ni à ce qu'on appelle parfois le « tuyau percé ». Nous travaillons avec bien d'autres réseaux féminins du secteur public, mais aussi du secteur privé, dans le cadre d'une plateforme intitulée 2GAP, Gender & governance action platform, dont fait partie l'association Femmes ingénieures, représentée ici par Aline Aubertin.

Il y a un an, le 8 mars 2021, le ministre Jean-Michel Blanquer installait un groupe de travail pour réfléchir à des actions susceptibles de dépasser les rigidités et les freins à la mixité dans les formations et les métiers au sein des parcours d'orientation des élèves. Ce groupe de travail, que j'ai présidé, a réuni des représentants des organisations syndicales, des associations, des parents d'élèves, des lycéens et des chercheurs spécialistes. Il a produit un état des lieux quantitatif, puis mené une enquête auprès de 5 500 lycéennes et lycéens représentatifs de l'ensemble du territoire, métropolitain et d'outre-mer. Privilégiant une approche individuelle, celle-ci a notamment révélé que les lycéens et lycéennes choisissent leur orientation en fonction de la possibilité d'avoir une diversité de parcours, et que leurs choix restent très marqués par des stéréotypes de genre bien qu'ils aient le sentiment de choisir par eux-mêmes.

Quels sont les principaux constats ? En dépit d'actions foisonnantes sur le terrain, dans les académies et les établissements scolaires, les inégalités sont persistantes. Le cadre réglementaire apparaît pourtant satisfaisant : l'égalité entre les filles et les garçons est inscrite dans la loi. L'engagement des acteurs publics n'est pas davantage en cause : de l'Éducation nationale bien sûr, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche mais également des ministères partenaires engagés par la convention interministérielle signée en 2019. La réforme du baccalauréat a-t-elle joué un rôle ? En offrant plus de diversité de parcours, elle a révélé des inégalités qui préexistaient mais qui étaient masquées par le fait que les élèves étaient réunis dans un nombre de filières - S, ES et L - plus réduit.

Quelques chiffres montrent que les choix des élèves sont encore très marqués par les stéréotypes de genre. Les élèves du lycée ont la possibilité de combiner des enseignements de spécialité, trois en première, deux en seconde. Les filles sont 82 % au sein de la doublette « Humanités, sciences économiques et sociales », et 81 % au sein de la doublette « Humanités, langues et civilisations étrangères ». La mixité allant dans les deux sens, on constate que les garçons ne s'intéressent pas suffisamment à ces filières. À l'inverse, la doublette « Mathématiques et sciences de l'ingénieur » ne compte que 12 % de filles, et la doublette « Mathématiques, numérique et sciences informatiques » 10 %. En revanche, elles sont plus de 53 % à choisir « Mathématiques et SVT ».

Dans l'enseignement supérieur, les formations médicales, paramédicales et sociales sont choisies à 84 % par des filles et, à l'inverse, elles ne représentent que 20 % des effectifs dans les formations d'ingénieurs, sans même distinguer celles qui relèvent des sciences de la vie ou de l'agronomie, qui sont plus choisies par les filles que les filières liées à l'industrie. Quant à la voie technologique, elle montre les mêmes déséquilibres.

À partir de ces constats, nous avons retenu cinq leviers d'actions.

En premier lieu, un pilotage volontariste à tous les niveaux : ministère, régions, académies et établissements scolaires, à partir d'une mesure nouvelle qui doit mobiliser l'ensemble de la communauté éducative. Nous mettons en place au lycée un label « égalité filles-garçons », à l'image du label en faveur du développement durable, qui doit inciter les établissements à développer un projet « égalité filles-garçons », y compris en matière de mixité, dans tous les enseignements ainsi que dans le choix des filières. Notre Premier ministre a également souhaité la mise en place d'une semaine de l'égalité autour du 8 mars. Dans l'académie de Montpellier, ce sera la deuxième semaine de l'égalité, puisque que nous avions anticipé avec une première semaine au mois d'octobre dernier.

Deuxième levier, le renforcement de la communication et de l'information en direction des jeunes, à travers des messages auxquels ils peuvent être sensibles. Le mentorat est très important, à l'image de ce que nous pratiquons avec l'association Capital filles, où des représentants du monde professionnel viennent mentorer, parrainer ou marrainer des jeunes élèves. Nous souhaitons aussi développer le mentorat réalisé par des étudiants, qui sont des modèles plus proches pour les élèves. Nous voulons favoriser l'accueil des filles dans les formations où elles sont peu nombreuses ainsi que dans les stages en entreprise. Dans la région Occitanie, nous lançons avec le MEDEF et l'ensemble des acteurs économiques une charte d'accueil pour les filles dans les stages en entreprise. Avec les régions, le monde économique, les branches professionnelles et l'appui de l'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions), il faut également continuer à communiquer sur la mixité des métiers, sur le fait que nos représentations des métiers et des formations sont périmées et que toutes les filières peuvent accueillir filles et garçons.

Troisième levier, l'orientation, pour laquelle nous avons décidé de doter l'Éducation nationale, les académies et les établissements scolaires d'un objectif cible de 30 % de mixité au lycée et dans les formations post-bac. Le ministre souhaite également lancer une expérimentation de « bourses à l'égalité », pour inciter les filles ou les garçons à rejoindre les formations les plus déséquilibrées. Certains établissements d'enseignement supérieur le font déjà, notamment l'école de management de Montpellier qui a mis en place des bourses à l'égalité pour les filles qui rejoignent certaines formations.

Quatrième levier, l'action sur ce qui se fait dans la classe même, c'est-à-dire la façon dont les professeurs, dans leurs postures professionnelles ou dans certains enseignements - éducation à la citoyenneté, éducation aux valeurs de la République - vont pouvoir agir pour déconstruire les stéréotypes de genre. À cet égard, le grand oral, cette nouvelle épreuve du baccalauréat réformé, nous semble être un levier particulièrement intéressant. Moins encouragées que leurs homologues masculins à prendre la parole en classe, les filles ont souvent plus de freins à l'oral. À condition d'y avoir été correctement préparées par leurs professeurs, le grand oral constitue une formidable occasion pour les filles d'être mises en confiance et d'exprimer toutes leurs connaissances et leurs talents.

Le dernier levier concerne la formation initiale et continue de nos personnels et de nos professeurs. En réalité, nos professeurs ne savent pas toujours comment s'y prendre pour lutter contre les stéréotypes de genre. Quelles sont les postures professionnelles qui sont autant favorables aux filles qu'aux garçons ? Nous sensibiliserons également les membres des jurys et tous les acteurs de l'orientation.

Voici en résumé le plan d'action en cinq axes, comportant une vingtaine de mesures, des objectifs cibles clairs qui responsabilisent chacun à tous les niveaux. Nous le lancerons dès ce soir avec la présidente de la région Occitanie, la présidente du MEDEF Occitanie, des partenaires économiques, des universités, des établissements de l'enseignement supérieur et des associations.

2 commentaires :

Le 09/05/2022 à 15:57, aristide a dit :

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"En premier lieu, un pilotage volontariste à tous les niveaux : ministère, régions, académies et établissements scolaires, à partir d'une mesure nouvelle qui doit mobiliser l'ensemble de la communauté éducative."

D'un côté, si les filles ne veulent pas faite technique ou informatique, vous n'avez pas le droit de les y forcer.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 09/05/2022 à 15:59, aristide a dit :

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"En réalité, nos professeurs ne savent pas toujours comment s'y prendre pour lutter contre les stéréotypes de genre."

Parce que le stéréotype n'est pas un stéréotype, mais une réalité...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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