Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 mars 2022 : 1ère réunion
Table ronde sur l'accès des mineurs aux contenus pornographiques et ses conséquences

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente, co-rapporteure :

Mes chers collègues, nous travaillons depuis maintenant plusieurs semaines sur le thème de la pornographie. Nous nous intéressons au fonctionnement et aux pratiques de l'industrie pornographique, aux conditions de tournage, aux représentations des femmes et des sexualités véhiculées, ainsi qu'à l'accès, de plus en plus précoce, des mineurs aux contenus pornographiques et ses conséquences, notamment en matière d'éducation à la sexualité.

Ce dernier point est l'objet de notre table ronde aujourd'hui.

Nous sommes quatre sénatrices rapporteures pour mener ces travaux : Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et moi-même.

Pour la bonne information de toutes et de tous, je précise que cette réunion fait l'objet d'un enregistrement vidéo, accessible sur le site Internet du Sénat en direct, puis en VOD.

Avec l'avènement de plateformes numériques appelées tubes, proposant des dizaines de milliers de vidéos pornographiques en ligne, en un seul clic et gratuitement, la consommation de pornographie est devenue massive : les sites pornographiques affichent en France une audience mensuelle estimée à 19 millions de visiteurs uniques, soit un tiers des internautes Français.

En outre, 80 % des jeunes de moins de dix-huit ans ont déjà vu des contenus pornographiques.

Ce visionnage peut être délibéré, par l'accès à des sites pornographiques. Ainsi, selon une enquête Ifop de 2017 portant sur des adolescents de 15 à 17 ans, 63 % des garçons et 37 % des filles de cette classe d'âge ont déjà surfé sur un tel site, et 10 % des garçons le font au moins une fois par semaine.

La loi interdit l'accès de ces sites aux moins de 18 ans, mais nous savons qu'aujourd'hui le seul contrôle de cet accès est une simple question rhétorique : « Avez-vous plus de 18 ans ? ». La saisine de la justice par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à l'encontre de cinq sites français pour faire appliquer la loi va peut-être faire avancer les choses. Nous suivrons bien sûr cela de près.

Le visionnage de contenus pornographiques peut également être involontaire ou subi, à l'occasion de recherches Internet, du téléchargement d'un film ou d'un dessin animé, de discussions sur des réseaux sociaux... À 12 ans, près d'un enfant sur trois a déjà été exposé à des images pornographiques, le plus souvent involontairement, peut-on le supposer, pour ce qui est de cette tranche d'âge.

Nous nous intéresserons, dans un premier temps, aux pratiques numériques des adolescents, d'un point de vue à la fois quantitatif et qualitatif, à travers les travaux de trois chercheurs : Arthur Vuattoux, maître de conférence en sociologie à l'université Sorbonne Paris Nord, membre de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, co-auteur de l'ouvrage Les jeunes, la sexualité et internet, publié en 2020 ; Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication à Paris 8, chercheuse au CEMTI, auteure de l'ouvrage L'adolescence au coeur de l'économie numérique, travail émotionneI et risques sociaux, qui vient de paraître ; et Ludivine Demol, chercheuse-doctorante en sciences de l'information et de la communication à Paris 8, qui termine actuellement la rédaction d'une thèse sur la consommation pornographique des jeunes et plus précisément des adolescentes.

Vous nous décrirez les usages et attentes des jeunes vis-à-vis d'Internet et des sites pornographiques. Vous nous exposerez également les liens que les chercheurs, mais aussi les jeunes eux-mêmes, établissent entre ces usages, d'une part, et leur sexualité, d'autre part. Les entretiens que vous avez menés avec des jeunes permettent de documenter des expériences négatives, mais aussi des expériences perçues comme positives. Vous nous l'expliquerez.

Dans un second temps, nous entendrons des professionnels de santé et experts en psychologie : Samia Bounouri, infirmière scolaire en Seine-Saint-Denis, secrétaire départementale du syndicat SNICS-FSU ; Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne spécialisée dans l'enfance et l'adolescence, co-fondatrice de l'association e-Enfance ; et Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l'éducation et directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant au CNRS (LaPsyDÉ).

Vous nous direz notamment quelle analyse vous faites des conséquences du visionnage, volontaire ou non, de contenus pornographiques sur la santé mentale des jeunes, leur développement cognitif, leur rapport au corps, à la sexualité et aux autres.

Nous allons entamer cette table ronde avec une intervention enregistrée par Arthur Vuattoux. En raison d'un impératif familial de dernière minute, il ne peut malheureusement pas être parmi nous cet après-midi mais il a pris le temps de nous transmettre une vidéo et nous l'en remercions. Nous lui avons accordé un peu plus de temps d'intervention que les dix minutes habituelles dans la mesure où, n'étant pas présent, il ne pourra pas répondre à nos questions.

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