Pour ce qui concerne l'addiction, je maintiens ce que j'ai dit. En effet, l'addiction se définit par un tableau clinique très spécifique, qui ne correspond pas à ce qu'on observe pour les écrans, les jeux vidéo ou la pornographie. L'addiction se définit également par un retrait social et un certain nombre d'autres symptômes psychologiques. Surtout, elle doit produire une modification du fonctionnement cérébral.
Par ailleurs, je n'ai suggéré en aucun cas que les adolescents savaient ce qu'était la pornographie éthique. J'ai dit simplement, et je n'ai aucun jugement de valeur sur ce point, que certaines personnes disent faire de la pornographie éthique.
En outre, nous manquons, selon moi, d'outils pour évaluer réellement, à l'échelle d'une classe d'âge complète sur l'ensemble de l'adolescence, cette problématique. Notre vision est parcellaire. Quand je fais une étude sur 1 000 adolescents de 14 à 15 ans, je ne sais pas si je peux généraliser à d'autres adolescents âgés de 16 à dix-sept ans. C'est toute la limite de nos études. Il ne s'agit pas uniquement d'enquêtes d'usages, il faut également découvrir ce que cela produit d'un point de vue psychologique.
Il y a donc un enjeu à financer de la recherche sur ces questions. Avons-nous un problème de santé publique à cet égard ? Comment pouvons-nous y répondre, sans nous en tenir aux compétences scolaires ?
J'en viens à la question de l'esprit critique. Nous sommes aujourd'hui dans une société qui s'est totalement transformée du fait de l'émergence du numérique. Cela soulève bien évidemment des enjeux phénoménaux, dont l'évaluation de l'information, qui n'est pas, à l'heure actuelle, satisfaisante. L'enseignement moral et civique (EMC) et l'éducation aux médias et à l'information (EMI) ne produisent pas un développement important de l'esprit critique.
En sixième, les deux tiers des élèves ont un portable. Or ils sont incapables de discerner les vraies et les fausses informations. Il convient donc de ne pas dissocier la problématique de l'accès à la pornographie de la problématique globale de l'accès à l'information et de l'évaluation de l'information. Cela demande de repenser en profondeur notre système éducatif ! L'EMC et l'EMI doivent intervenir beaucoup plus tôt, et dans le cadre d'une progressivité.
Il est en effet frappant de constater que c'est seulement en quatrième qu'on parle de sexualité. C'est aussi la première année où ils entendent parler de leur cerveau. C'est un paradoxe, puisqu'ils entraînent tous les jours, en classe, cet organe. Si nous étions logiques, il faudrait commencer à leur parler de leur cerveau en maternelle.
Une telle situation nous empêche de penser une problématique plus large que l'éducation à la sexualité, à savoir une problématique d'évaluation de l'information et de développement des compétences socio-émotionnelles. En cela, nous pourrons contourner le rôle des parents. Les notions de consentement, de tolérance, de respect de la sexualité des autres relèvent de compétences socio-émotionnelles, qui ne sont pas propres à la sexualité.
La problématique de la coéducation se pose dans tous les domaines. Elle interroge in fine la forme scolaire, en particulier les temps d'apprentissage de l'enfant. Peut-être le périscolaire et l'extrascolaire peuvent-ils être des lieux où l'on interroge ce type de compétences ?