Intervention de Jean-Michel Houllegatte

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 avril 2022 à 16h35
Énergie climat transports — Réseau transeuropéen de transport conformité du texte com2021 812 final au principe de subsidiarité - proposition de résolution européenne portant avis

Photo de Jean-Michel HoullegatteJean-Michel Houllegatte, rapporteur :

La proposition de règlement fonde son intervention sur les articles 170 à 172 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'Union est à ce titre compétente pour définir les orientations stratégiques ainsi que les objectifs et les priorités des réseaux transeuropéens. En revanche, conformément au principe de subsidiarité, les États membres ont la responsabilité de la programmation et de la mise en oeuvre des projets d'intérêt commun, l'Union venant alors en soutien.

En vertu de ce principe, qui est indissociable de celui de proportionnalité, les moyens mis en oeuvre par l'Union pour réaliser les objectifs fixés par les traités ne peuvent aller au-delà de ce qui est nécessaire. Le rôle moteur de l'Union européenne dans la réalisation du RTE-T doit ainsi se concilier avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Or plusieurs dispositions de la proposition de règlement semblent montrer une volonté de la Commission européenne d'aller au-delà de la seule définition des orientations et des priorités dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport.

L'article 8 prévoit en effet la possibilité pour la Commission européenne d'exiger des États membres la mise en place d'une entité unique pour la construction et le pilotage de projets d'infrastructure transfrontaliers situés sur le RTE-T. Or les modalités de mise en oeuvre des projets transfrontaliers relèvent de la compétence des États membres. Cette décision devrait donc demeurer une option qui ne pourrait être envisagée qu'avec l'accord des États membres. En ce sens, la disposition apparaît contraire au principe de subsidiarité.

L'article 40 établit un certain nombre d'exigences pour les noeuds urbains, dont l'obligation pour 424 d'entre eux d'élaborer des plans de mobilité urbaine durable. Certes, cette mesure a déjà été adoptée par de nombreuses villes européennes, notamment par les villes françaises de plus de 100 000 habitants, comme l'impose la loi d'orientation des mobilités. Mais force est de relever qu'en droit, cette disposition crée une obligation à l'égard des collectivités territoriales, alors même que la mobilité urbaine relève de la compétence des États membres.

L'article 48 introduit des exigences pour les États membres en matière de maintenance et de cycle de vie des infrastructures du RTE-T. Or l'entretien des infrastructures relève de l'entière responsabilité des États membres. Par ailleurs, cette obligation pourrait s'imposer non seulement aux gestionnaires d'infrastructures nationales, mais aussi aux autorités locales et aux entités privées.

L'article 51 prévoit d'élargir les missions confiées aux coordonnateurs européens des corridors, qui assurent en quelque sorte un rôle de « préfet » de ces parties du réseau transeuropéen de transport. Ils auraient notamment la tâche de recenser et de hiérarchiser les besoins d'investissement pour le fret ferroviaire et les lignes ferroviaires de voyageurs. Les États membres disposant de la responsabilité du montage financier et de la programmation des projets d'infrastructures, cette nouvelle mission des coordinateurs européens apparaît disproportionnée et tend à remettre en cause directement la compétence des États membres dans la mise en oeuvre des orientations et le choix des projets.

Nous formulons également des réserves sur l'article 54 de la proposition, qui prévoit de donner le pouvoir à la Commission européenne d'adopter systématiquement des actes d'exécution pour chaque plan de travail relatif aux corridors de transport européens et aux priorités horizontales, afin d'en établir les grandes priorités. Même s'il est prévu que ces plans soient déjà approuvés par les États membres concernés, le recours large et systématique à des actes d'exécution présente le risque d'aller au-delà du nécessaire.

L'article 58 prévoit de mettre en cohérence les plans nationaux et d'investissement avec la politique de transport de l'Union, ces plans devant être aussi notifiés à la Commission avant leur adoption dans un délai de douze mois. Or la programmation en matière de transport et d'investissement est déterminée par les États membres, dans le cadre d'une procédure spécifique. Même si elle peut apparaître opportune pour assurer la cohérence européenne des plans nationaux, cette disposition ne respecte pas pleinement le principe de subsidiarité.

L'article 62 permet à la Commission européenne, en cas de retard « important » dans la réalisation des travaux sur le RTE-T, de demander aux États membres d'en fournir les raisons, d'adopter une décision qui leur sera adressée et de les obliger à éliminer ce retard dans un délai de six mois si elle considère qu'il ne repose sur « aucune justification objective ». Cette clause de sauvegarde apparaît particulièrement contraignante pour les États membres. Or l'objectif ambitieux d'achèvement du réseau à l'horizon 2050 ne prend pas en compte les contraintes, les exigences techniques, les besoins en financement et les aléas liés à la réalisation des projets d'infrastructures de transport. L'échange avec la Commission doit pouvoir prévaloir sur toute procédure d'infraction. En conséquence, la proportionnalité de la mesure n'est pas garantie.

Tels sont, mes chers collègues, les points clés de la proposition d'avis motivé que nous vous suggérons d'adopter pour assurer le respect des compétences des États membres en matière de transport.

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