Monsieur l'ambassadeur, merci de vous être rendu disponible pour nous éclairer sur la situation dans les territoires palestiniens et sur l'avenir du processus de paix. Votre dernière audition s'était tenue le 9 juin 2021, quelque temps après la crise de Gaza et le cessez-le-feu du 21 mai, qui venait clore un épisode d'affrontements aussi inattendus que violents entre le Hamas et l'armée israélienne, mais également entre Israéliens juifs et arabes.
Depuis, la situation demeure fragile, car les ferments du conflit israélo-palestinien restent les mêmes, en dépit de la nouvelle donne politique israélienne. Nous avons entendu la semaine dernière la cheffe de la Mission de Palestine en France, madame l'ambassadrice Hala Abou Hassira. Celle-ci nous a rappelé la position de l'autorité palestinienne, ainsi que le consensus international en faveur de la solution à deux États et de la reconnaissance d'un État palestinien dans ses frontières de 1967 incluant la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec Jérusalem Est comme capitale. Elle en a appelé à la France pour prendre l'initiative d'une conférence internationale afin de relancer la solution à deux États, je la cite, « avant qu'il ne soit trop tard ». En effet, force est de constater que le processus de paix est dans une impasse. Nous aurons besoin, monsieur l'ambassadeur, de votre analyse.
Comme vous le savez, le Sénat débat régulièrement de cette question. Nous avons examiné en décembre dernier la proposition de résolution de notre collègue Pierre Laurent en faveur de la reconnaissance d'un état palestinien aux côtés d'Israël. Certes, le Sénat n'a pas adopté cette proposition, mais ce n'était pas un geste d'hostilité à la création d'un État palestinien. De notre point de vue, une reconnaissance unilatérale n'accorderait qu'une souveraineté de papier, sans effet sur le processus de paix que nous appelons unanimement de nos voeux. Je rappelle qu'une précédente résolution de notre collègue Gilbert Roger avait été adoptée en 2014 pour inviter le gouvernement français à reconnaître l'État de Palestine.
Comme vous le savez, malgré le contexte international qui pourrait occulter le conflit israélo-palestinien, nous continuons à suivre avec beaucoup d'attention le sort du peuple palestinien. Grâce à vous, nous nous rendrons prochainement en Israël et dans les territoires palestiniens, avec une délégation exceptionnellement composée de neuf sénateurs, comprenant des présidents des groupes politiques représentés au sein de cette commission, afin de marquer l'importance que nous attachons à cette mission plusieurs fois retardée.
De votre point de vue, une alternative à la solution à deux États est-elle envisageable ? Vous nous direz si, du point de vue palestinien, l'option à un seul État assortie d'une égalité de droits de tous les sujets, qu'ils soient juifs ou arabes, est un point de réflexion.
Avant ce déplacement délicat, je voudrais vous remercier d'avoir mobilisé vos équipes. Je souhaite que vous nous livriez votre analyse sur deux questions complémentaires. Pensez-vous que la nouvelle coalition israélienne ne s'est pas formellement engagée dans la relance du processus de paix ? Elle délivre des messages qui nous apparaissent contradictoires, en soutenant d'une part l'Autorité palestinienne et en poursuivant d'autre part la colonisation. Quelle voix la France doit-elle porter pour aller dans le sens de la paix ?
Du côté palestinien, le report sine die des élections législatives et présidentielles, qui devaient avoir lieu en 2021, est difficilement tenable. Comment peut-on admettre que le peuple palestinien soit privé de droit de vote depuis près de 15 ans ? Quel crédit pouvons-nous accorder à l'annonce du président Abbas d'organiser ces élections dès que les scrutins pourront se tenir à Jérusalem ? Cet argument n'est-il pas mis en avant pour retarder le calendrier électoral ? De même, vous pourrez nous éclairer sur les perspectives de réconciliation interpalestiniennes.
Enfin, j'ai tenu à ce que nous puissions visiter la bande de Gaza et nous rendre compte par nous-mêmes de la réalité de sa situation humanitaire. Je vous invite donc à évoquer l'action de la France, et plus particulièrement de l'AFD - citée par Mme Abou Hassira comme un partenaire de référence. À l'inverse, la nouvelle ambassadrice d'Israël considère l'AFD comme « une ONG nationale qui en finance d'autres, qui elles-mêmes financent des armes côté des Palestiniens ».