Nous poursuivons cette matinée consacrée à la crise russo-ukrainienne : après avoir entendu le point de vue des diplomates, ce sont deux chercheuses renommées que j'ai le plaisir d'accueillir ce matin : Mme Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/nouveaux États indépendants de l'Institut français des relations internationales (IFRI), et Mme Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Je vous remercie de vous être rendues disponibles pour cette audition.
Les tensions actuelles avec la Russie, aux frontières de l'Europe, nous rappellent une époque que l'on croyait révolue, celle de la guerre froide. Nous constatons, à tout le moins, un activisme croissant de la Russie en ex-URSS, depuis la guerre de Géorgie en 2008 et l'annexion de la Crimée en 2014. La Russie est intervenue récemment au Kazakhstan ; elle est présente au Haut-Karabagh, et a déployé des forces en Biélorussie où Alexandre Loukachenko lui doit sa survie politique.
Mais la tension actuelle aux frontières de l'Ukraine est diversement interprétée : certains craignent une opération imminente, de grande envergure ; d'autres estiment, au contraire, que la Russie n'y aurait aucun intérêt et que les États-Unis sont excessivement alarmistes.
Mais s'agit-il pour Vladimir Poutine d'une affaire de politique extérieure ou de politique intérieure ? Souhaite-t-il, comme on le lit parfois, inscrire son nom dans l'histoire, grâce à une vaste opération qui lui permettrait de prolonger les bénéfices qu'il a retirés de l'annexion de la Crimée sur la scène politique intérieure ?
La Russie demande aux États-Unis des garanties de non-élargissement de l'OTAN. Au-delà de l'Ukraine, ce sont aussi des États de l'Union européenne - la Suède et la Finlande - qui sont concernés. L'Europe redevient-elle le terrain de jeu des grandes puissances, au moment même où elle se cherche une « boussole stratégique » et semble progresser sur le chemin d'une défense européenne ?