Intervention de Tatiana Kastouéva-Jean

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 février 2022 à 9h30
Politique étrangère russe et sécurité européenne — Audition de mmes isabelle facon directrice adjointe à la fondation pour la recherche stratégique frs et tatiana kastouéva-jean directrice du centre russie

Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l'Institut français des relations internationales :

On ne peut pas reprocher aux Russes de ne pas être constants dans ce qu'ils demandent. J'ai repris toutes les déclarations des autorités russes sur l'OTAN depuis 1994. Boris Eltsine avait déclaré que la guerre froide était « remplacée par la paix froide » et que l'extension de l'Otan « sapait le système de sécurité européen ». À Évian, en 2008, Dmitri Medvedev a tenu un discours qui aurait pu être écrit hier ! L'extension de l'OTAN est un point qui a toujours été extrêmement sensible pour les Russes, pas seulement pour leur sécurité. L'adhésion à l'Otan, c'est aussi un partage de valeurs qui s'opposent aux valeurs, au modèle et à l'influence de la Russie.

Trois points doivent être soulignés.

En premier lieu, les Russes observent le déplacement du centre de gravité du monde vers l'Asie. Le rapprochement avec la Chine ne date pas de la confrontation avec l'Occident. Il est bien antérieur. En 2012, Vladimir Poutine écrivait qu'il fallait « attraper le vent chinois dans les voiles russes ». Évidemment, la confrontation avec l'Occident renforce cette relation. Aujourd'hui, les Russes vont peut-être trop loin dans leur relation avec la Chine notamment en leur vendant certains armements.

En deuxième lieu, le modèle occidental, le libéralisme, la démocratie et les droits de l'homme constituent un modèle que le régime russe ne juge ni efficace ni pertinent. Un article de Vladimir Poutine sur la mort du libéralisme qui date de 2019 a provoqué un tollé. Les élites russes ne croient pas à ces valeurs. Ils les considèrent comme un paravent pour pousser d'autres objectifs occidentaux.

En troisième lieu, les Russes rejettent le « regime change », les révolutions de couleurs soutenues et instiguées selon eux de l'extérieur. La seule tension publique entre Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine a porté sur l'intervention occidentale en Libye en 2011. C'est l'un des facteurs qui a fait que Vladimir Poutine a décidé de revenir au pouvoir.

Ces éléments font partie d'une vision multipolaire du monde que la Russie prône depuis Evgueni Primakov et Boris Eltsine. Pour peser, il n'y a pas que le modèle occidental. Les Russes pensent avoir le droit à leur spécificité.

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