Merci pour ce rapport, qui reflète fidèlement les travaux et les auditions que nous avons pu mener.
Toutefois, nous sommes tombés dans le travers que nous déplorons à chaque discussion budgétaire, à savoir que nous n'avons pas accordé beaucoup d'attention aux questions d'intégration.
S'agissant de l'instruction « à 360° » et de la numérisation, comme nous l'avons entendu à Angers, il est compliqué d'examiner l'ensemble des possibilités de titre de séjour d'une personne sur la base d'un simple rendez-vous et de documents envoyés via une plateforme internet : il faut un dialogue entre le demandeur et une personne compétente. Je suis donc très réservé sur l'évolution vers une dématérialisation totale. On voit, pour les demandes de visas à l'étranger, que celle-ci engendre une sous-traitance des relations entre les demandeurs et le service public à des opérateurs privés, avec des risques de détournement. J'ai donc quelques doutes sur la capacité à mener une instruction à 360° avec une administration qui serait devenue virtuelle.
Sur la question des OQTF, le tableau qui figure en page 80 du rapport montre, effectivement, que le taux de réalisation, en France, n'est pas bon. Cependant, notre pays émet beaucoup plus de mesures d'éloignement que les autres ! Cela doit être dit, parce que le nombre d'OQTF délivrées n'est absolument pas en phase avec notre capacité à éloigner - d'autres pays, qui n'ont pas moins d'étrangers en situation irrégulière, émettent beaucoup moins d'OQTF, ce qui leur garantit des taux d'exécution bien supérieurs...
Enfin, sur les sujets liés au débat que nous aurons lundi dans le cadre du volet parlementaire de la présidence française de l'Union européenne, vous parlez, Monsieur le président, de recommandations à droit constant. En réalité, plusieurs propositions incitent le débat européen à évoluer.
La proposition n° 22 est un bon cahier des charges pour le Pacte sur la migration et l'asile. La proposition n° 29 porte sur la conditionnalité entre les laissez-passer consulaires et la délivrance de visas. J'ai beaucoup de doutes sur l'utilité réelle et globale de mesures de ce type. Je peux concevoir qu'à un moment donné cela permette de faire pression sur un gouvernement, mais je ne suis pas du tout certain que, sur le long terme, nous soyons gagnants à exercer un tel chantage aux visas. En tout état de cause, cela nécessitera une modification du code Schengen. Aujourd'hui, on ne peut que jouer sur les délais de rendez-vous pour réduire le nombre de visas délivrés...
Nous avons considéré qu'il n'était pas utile de parler de la mise en oeuvre de la protection temporaire. La protection temporaire qui est mise en oeuvre pour la première fois pour les personnes arrivant d'Ukraine nécessite des coordinations entre pays. Or le règlement Dublin ne s'applique pas. Il n'existe pas d'interdiction absolue de demander la protection temporaire dans un pays, et pas dans un autre. Il y a encore des choses à faire sur ce point, qui mériterait d'être un peu plus suivi par les parlements nationaux et par le Parlement européen. Si la protection temporaire est correctement mise en place en France aujourd'hui pour les citoyens ukrainiens qui la demandent, elle ne l'est pas pour les ressortissants d'États tiers qui seraient en droit de la demander selon la directive.
Bien entendu, lors du débat que nous aurons lors de la réunion sur la présidence française de l'Union européenne, il faudra beaucoup insister sur tous les aspects liés à l'Europe. Il faudra notamment évoquer le sujet de la surveillance des frontières et du rôle de l'agence Frontex.
Les événements intervenus depuis notre échange à Varsovie avec le directeur général de Frontex montrent aussi les difficultés auxquelles cette agence européenne est aujourd'hui confrontée. Cette crise s'explique notamment par le fait que Frontex n'est qu'au service des États membres : si l'agence Frontex dénonce trop fortement des événements qui auraient eu lieu en dehors du droit - je pense en particulier à la Grèce -, elle ne pourra plus agir correctement. L'agence dépend du bon vouloir des pays européens. C'est pourquoi Frontex n'est pas intervenu à la frontière avec la Biélorussie à l'été dernier, et c'est aussi, je crois, ce qui peut expliquer son silence face à des situations inacceptables qui ont pu être constatées en Grèce, sous la responsabilité d'abord des autorités grecques.
Il y a donc une réflexion à avoir sur les marges de manoeuvre réelle d'une agence européenne qui agit sous la responsabilité et sous la supervision des États membres lorsque l'un d'entre eux sort des clous.