rapporteure de la loi Climat et résilience. – La loi Climat et résilience contribue à faire entre la moitié et les deux tiers seulement du chemin restant à parcourir pour passer du niveau d’émissions de gaz à effet de serre constaté en 2019 à l’objectif fixé pour 2030 d’une baisse de 40 % par rapport aux émissions de 1990, et même moins du tiers de ce chemin, si l’on tient compte de la nouvelle cible définie en juin 2021 dans le cadre de la nouvelle loi européenne sur le climat : diminution de 55 % des émissions de CO2 en 2030 par rapport à 1990. Nous aurons donc à examiner dans les prochains mois et les prochaines années de nouveaux textes visant à mettre en cohérence notre législation avec cette ambition climatique rehaussée.
Sur le volet « Consommer » de ce texte, je me réjouis que toutes les expérimentations relatives à la généralisation de l’affichage environnemental, prévues à l’article 2 aient été lancées, conformément au calendrier fixé à l’initiative du Sénat. Les travaux avancent bien, puisque le Gouvernement a transmis au Parlement un rapport d’évaluation sur l’expérimentation relative aux produits alimentaires en janvier 2022. Dix-huit méthodes ont été testées, dont les deux principales, l’Éco-score et le Planet-score, sont en phase avec celles qui sont actuellement élaborées au sein de l’Union européenne et intègrent même mieux que les autres les différents impacts environnementaux des biens et services. L’expérimentation relative au secteur du textile d’habillement prendra fin en septembre 2022 ; onze méthodologies sont actuellement à l’étude. Pour les trois autres secteurs identifiés comme prioritaires pour le déploiement de l’affichage environnemental – l’ameublement, l’hôtellerie et les produits électroniques –, quelques réunions ont eu lieu et certains travaux ont déjà été rédigés, mais le rythme est moins soutenu, en particulier pour le dernier secteur. Enfin, dans deux autres secteurs non identifiés comme prioritaires dans la loi – les chaussures et la cosmétique –, les choses avancent bien.
Les trois décrets d’application prévus pour l’application de l’article 2, devant rendre obligatoire l’affichage environnemental, procéder à la mise à disposition des données utilisées dans l’établissement de l’affichage environnemental et sanctionner les acteurs qui n’utiliseraient pas un affichage conforme aux prescriptions législatives, n’ont naturellement pas été publiés. Toutefois, le Commissariat général au développement durable (CGDD), qui pilote ce dossier, estime que cette mesure pourra entrer en vigueur en 2023 pour les produits alimentaires et le textile d’habillement, tandis que les deux autres décrets prévus par la loi pourraient être publiés dans le même temps. Une fois cette première étape passée, il sera plus facile pour les autres secteurs d’avancer en prenant appui sur des méthodologies éprouvées. La méthodologie européenne, qui se fonde sur l’analyse du cycle de vie (ACV) des produits, semble performante, mais elle présente un inconvénient majeur : elle est trop « carbocentrée » et ne prend pas suffisamment en compte les atteintes à la biodiversité. C’est un défaut qu’il faut corriger d’urgence, car, à ce jour, la méthode européenne dite de l’empreinte environnementale des produits, ou Product Environmental Footprint (PEF), encourage un mode de production intensif. La rédaction que nous avons retenue pour définir l’affichage environnemental a permis d’éviter cet écueil pour ce qui concerne notre pays. Nos objectifs s’agissant de la loi Climat et résilience semblent donc en grande partie atteints aujourd’hui ; nous serons donc en mesure de prendre toute notre part dans les débats européens et de faire valoir notre conception de l’affichage environnemental.
S’agissant des mesures relatives à la régulation de la publicité sur les produits ayant une incidence excessive sur l’environnement, les travaux avancent plus lentement. Le décret qui doit préciser la liste des énergies fossiles concernées par une interdiction de publicité est prêt depuis la fin du mois de mars 2022, mais n’a pas encore été transmis au Conseil d’État par le Secrétariat général du Gouvernement. Il faudrait pourtant qu’il soit pris au plus tard au milieu de l’été, car cette interdiction doit entrer en vigueur dès le mois d’août prochain. En revanche, le décret fixant les modalités de déclaration des entreprises qui sont soumises à l’obligation d’afficher une étiquette européenne, ou qui seront prochainement soumises à l’affichage environnemental obligatoire, est paru. Les entreprises concernées, dont le montant des investissements publicitaires est supérieur ou égal à 100 000 euros par an, devront se déclarer chaque année entre le 1er janvier et le 31 mai sur une plateforme dédiée du ministère de la transition écologique.
Au-delà, il n’y a pas eu d’évolution significative sur le volet « Publicité » de la loi Climat et résilience. Les autorités d’autorégulation actives dans le secteur de la publicité n’ont pas encore remis au Parlement le bilan de leurs actions visant à réduire les publicités sur les produits particulièrement polluants. Par ailleurs, l’interdiction de la publicité sur les véhicules polluants entrera en vigueur début 2028 et le décret n’a pas encore été publié. J’en profite pour vous informer qu’en application de l’article 18 de la loi de 1986 sur la liberté de communication, que nous avons modifiée via l’article 14 de la loi Climat et résilience, il est prévu que le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, rebaptisé Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), présente chaque année aux commissions chargées des affaires culturelles et du développement durable de chaque assemblée parlementaire un bilan des codes de bonne conduite qui doivent être élaborés par les professionnels, traduisant leurs engagements pour réduire le nombre de publicités sur les produits particulièrement polluants. Il serait intéressant d’organiser prochainement cette audition, en lien avec nos collègues de la commission de la culture et de l’éducation.
Sur le volet relatif à l’économie circulaire, très peu de mesures ont été prises et les principales évolutions que je souhaitais porter à votre connaissance concernent la loi AGEC. Nous aurons l’occasion de travailler spécifiquement sur la loi Climat et résilience dans les prochains mois avec les membres du groupe d’études « Économie circulaire », que j’ai l’honneur de présider : nous aurons vraisemblablement une vision plus précise de cette question dans le cadre du prochain bilan annuel de l’application des lois.
Concernant le volet « Produire et travailler », je m’arrêterai sur deux des sujets traités par notre collègue Pascal Martin : la commande publique et le code minier. S’agissant du premier, qui fait l’objet de l’article 35, un décret très attendu a été publié la semaine dernière. Dès 2026, les acheteurs publics devront retenir un critère environnemental pour attribuer leurs offres. Le décret leur offre également la possibilité d’écarter les entreprises qui n’auront pas satisfait à leur obligation de réaliser un plan de vigilance, comme l’avait souhaité notre commission. Nous avions également invité le Gouvernement à abaisser le seuil à partir duquel les collectivités territoriales sont tenues de réaliser un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables, un Spaser : c’est chose faite avec ce décret, qui réduit ce seuil de 100 à 50 millions d’euros d’achats publics annuels.
S’agissant du code minier, trois ordonnances ont été publiées en avril 2022. Elles contribuent à faire aboutir la réforme du régime d’attribution des titres miniers, en vue d’une meilleure protection de l’environnement, de la santé, du droit de la concurrence et d’une plus grande participation du public. Une quatrième ordonnance adapte les dispositions concernées en outre-mer. Ces mesures permettent d’intégrer, à compter du 1er janvier 2023, les travaux de recherche et d’exploitation minière dans le champ de l’autorisation environnementale. Elles prévoient également une nouvelle définition des dommages miniers, qui comportent désormais une dimension environnementale et sanitaire pour le bien des populations. La responsabilité de l’explorateur ou de l’exploitant en cas de dommages miniers s’en trouve également renforcée. En revanche, les mesures réglementaires qui devaient préciser la nature des garanties financières exigées auprès de l’explorateur ou de l’exploitant d’une mine, afin de préciser l’exercice du pouvoir de police des mines par l’État et de sécuriser le régime des servitudes d’utilité publique appliquées dans le cadre de l’exploration ou de l’exploitation d’une mine, n’ont pas encore été publiées. Ces trois sujets seront traités dans un seul et même décret, qui a fait l’objet d’une consultation publique entre février et mars 2022. Sa publication devrait donc intervenir prochainement.
Je terminerai en abordant la question de la stratégie nationale des aires protégées, ainsi que celle de la lutte contre la déforestation importée. La stratégie nationale des aires protégées vise à couvrir 30 % du territoire national par un réseau d’aires protégées et à placer 10 % de ce même territoire sous protection forte. Le législateur a confié le soin au Gouvernement de définir ce qu’il convenait d’entendre par protection forte à l’article 227. En effet, les délais qui ont été imposés au Parlement pour examiner, en procédure accélérée, un texte à la volumétrie inédite n’ont pas permis à notre rapporteur Pascal Martin de proposer une définition qui puisse faire consensus et être juridiquement robuste. Plutôt qu’introduire, dans un texte législatif, une définition imparfaite et source d’insécurité juridique, le choix a été fait de renvoyer cette définition à un décret. Ce procédé présentait l’avantage, aux yeux d’un législateur soucieux de la qualité de la norme, de donner au pouvoir réglementaire le temps de procéder aux consultations nécessaires de l’ensemble des parties prenantes. Ce décret est finalement paru le 12 avril dernier, après une consultation du public et de quatre instances nationales. Il définit une zone de protection forte comme « une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées ». La manière dont les consultations ont été menées est néanmoins largement perfectible. Les 4 000 contributions recueillies au cours de la consultation du public étaient aux trois quarts défavorables à la méthode d’élaboration et au contenu du décret en l’état. Plusieurs associations d’élus locaux ont, dans un communiqué de presse conjoint, « déploré un passage en force du Gouvernement » et le fait que « le Gouvernement avait laissé moins de quarante-huit heures aux élus locaux qui siègent au Conseil national d’évaluation des normes pour émettre un avis » sur le texte. Je regrette profondément que le Gouvernement n’ait pas pris le temps de mieux associer les collectivités territoriales et les parties prenantes ou de revoir la rédaction du décret concerné, ce qui aurait permis de recueillir un assentiment plus large, préalable nécessaire pour atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie nationale pour les aires protégées.
Nous nous sommes beaucoup impliqués, lors de l’examen du texte au Sénat, sur les mesures relatives à la lutte contre la déforestation importée. À cet égard, un premier décret est paru pour préciser et décliner l’objectif inscrit à l’article 272 de la loi Climat et résilience, lequel consiste à mettre fin à l’achat par l’État de biens ayant contribué directement à la déforestation ou à la dégradation de forêts et d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national. Pour le reste, nous attendons encore l’arrêté qui doit lister les catégories d’entreprises soumises à l’obligation de réaliser un plan de vigilance spécifique en matière de déforestation importée. Il s’agit d’une mesure défendue avec force par Pascal Martin, qui était inspirée du rapport d’information Alimentation durable et locale, adopté par notre commission et la commission des affaires économiques en mai dernier.