Intervention de Marta de Cidrac

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 mai 2022 à 15h30
Bilan annuel de l'application des lois – communications

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

rapporteure de la loi AGEC. – La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, doit beaucoup à l’implication et au travail de notre commission, qui a largement complété le texte initial. Gaspillages alimentaire et non-alimentaire, lutte contre le suremballage et les dépôts sauvages, amélioration de l’information du consommateur, création d’un fonds de réemploi et d’un fonds de réparation, réduction de la production des plastiques à usage unique, exemplarité de l’État en matière d’économie circulaire : de nombreux apports du Sénat ont été conservés tout au long de la navette parlementaire et figurent dans le texte définitif. L’implication du Sénat dans l’élaboration d’un texte auquel il a très largement contribué exige par conséquent un suivi particulièrement attentif de son application, afin que l’ambition du législateur soit pleinement et fidèlement retranscrite par le pouvoir réglementaire. C’est d’ailleurs tout le sens du travail que nous menons tout au long de l’année avec le groupe d’études « Économie circulaire », qui nous avait déjà permis de contribuer à certaines évolutions du droit via le véhicule législatif qu’a été la loi Climat et résilience. Parmi les ajustements à la loi AGEC introduits sur notre initiative, citons l’accroissement des moyens mobilisés par Citeo en faveur du réemploi, l’orientation du fonds de réemploi en direction des acteurs de l’économie sociale et solidaire, l’obligation pour les entreprises de contribuer aux frais de stockage des invendus, l’encouragement à la mobilisation des pièces de rechange des véhicules hors d’usage, notamment par la reprise sans frais des véhicules au domicile, ou encore la clarification du régime de sanctions associé aux filières de responsabilité élargie du producteur (REP). L’an passé, le taux d’application de la loi AGEC était de 65 %. Au total, le taux d’application de la loi AGEC s’élevait à 40 %, en tenant compte des mesures d’application de dispositions législatives dont l’entrée en vigueur était différée. Au 31 mars 2022, ces chiffres atteignent respectivement 82 % et 78 %. Ils reflètent une réelle accélération dans la mise en œuvre de la loi, qui compense pour partie les retards pris dans les premiers mois. Plusieurs articles importants ont fait l’objet de mesures d’application. Je citerai la réduction des emballages en plastique à usage unique, le renforcement de la mise à disposition des pièces détachées, l’instauration d’un cadre juridique du reconditionné, l’obligation d’incorporation de matière recyclée dans les bouteilles en plastique, la création ou l’extension de filières de responsabilité élargie du producteur (REP), la réutilisation des eaux usées, l’obligation d’un tri « sept flux » pour les professionnels, l’interdiction progressive du conditionnement plastique pour la vente des fruits et légumes, etc. Aussi, deux ans après sa promulgation, la loi AGEC continue d’entrer dans le quotidien des Français.

Ces motifs de satisfaction ne doivent cependant pas éclipser certains retards particulièrement dommageables. Le renforcement de l’information du consommateur sur les produits générateurs de déchets constituait un des axes importants de la loi. Or le décret d’application a été publié tardivement, en avril 2022, et n’entrera progressivement en vigueur qu’au 1er janvier 2023, soit un an après ce qu’avait prévu le législateur. Le diagnostic portant sur la gestion des produits, équipements, matériaux et déchets issus de la démolition ou de la rénovation significative de bâtiments doit accélérer la transition de la filière vers l’économie circulaire. Or, là encore, les décrets ont été publiés avec retard, sans compter que le dispositif ne peut pas s’appliquer actuellement sans arrêté de mise en œuvre. La mise en place de la REP sur les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment connaîtra également un an de retard, avec une mise en œuvre dont les débuts sont repoussés en pratique à 2023. Il s’agissait pourtant de l’une des réformes les plus importantes de la loi AGEC, devant offrir une filière de valorisation à un gisement de déchets particulièrement volumineux et garantir une meilleure traçabilité pour résorber les dépôts sauvages. Nous regrettons, par ailleurs, la baisse du montant alloué au fonds de réparation et les retards d’application du fonds de réemploi, créé sur l’initiative de la commission.

J’attire en outre votre attention sur plusieurs mesures d’application qui appellent selon nous une grande vigilance vis-à-vis du Gouvernement. Ainsi, l’arrêté sur les emballages ménagers pourrait entraîner un profond changement de la filière de la collecte, du tri et du recyclage des emballages : il nécessite donc une attention toute particulière quant à sa mise en œuvre, notamment pour ce qui concerne le soutien financier alloué aux collectivités territoriales pour améliorer la performance de leurs centres de tri. C’est un point sur lequel nous avons déjà interpellé la ministre et avons déjà obtenu certaines garanties. À l’article 76, les textes d’application permettant le financement du suivi des filières REP pourraient révéler une certaine fragilité juridique : si cette dernière se confirmait, la loi devra peut-être faire l’objet d’ajustements pour que nous nous assurions de l’adéquation entre les moyens financiers attribués à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) et l’importance stratégique des missions qui lui sont désormais confiées.

Enfin, l’abrogation récente de l’article 91 de la loi par le Conseil constitutionnel saisi d’une question, prioritaire de constitutionnalité, qui visait à accorder une priorité pour l’accès aux centres de stockage aux déchets issus d’activités de tri, de recyclage ou de valorisation performantes, implique un nouvel ajustement législatif, tant le dispositif voulu par le législateur semblait indispensable au regard de la raréfaction des capacités de stockage et d’une nécessaire gestion plus vertueuse des déchets.

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