Intervention de Jean-François Longeot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 mai 2022 à 15h30
Déplacement de la commission le 27 avril pour suivre l'état d'avancement du chantier du tunnel lyon-turin – communication

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

président. – Je souhaite enfin vous rendre compte du déplacement que nous avons effectué le 27 avril dernier sur le chantier de la future liaison ferroviaire Lyon-Turin, auquel ont pris part cinq de nos collègues : Étienne Blanc, Gilbert-Luc Devinaz, Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Nadège Havet et moi-même. Comme vous le savez, la liaison Lyon-Turin est l’un des « mégaprojets » européens d’infrastructures de transport, qui s’inscrit dans le cadre plus global du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Cette liaison prend la forme d’un tunnel transfrontalier de 57 kilomètres de long et d’environ 150 kilomètres de lignes nouvelles. Ce programme, dont les balbutiements remontent au début des années 1990, est désormais bien engagé : plus de vingt kilomètres sont déjà creusés, et la LOM de 2019 a précisé dans son rapport annexé que l’État confirmait « son engagement dans la réalisation de la liaison ferroviaire internationale fret et voyageurs Lyon-Turin ». Lors de cette journée, nous avons visité deux sites du chantier, l’un à Saint-Julien-Montdenis, l’autre à Saint-Jean-de-Maurienne, afin d’appréhender très concrètement l’état d’avancement du projet. Une réunion à la préfecture de Savoie a également eu lieu avec l’ensemble des parties prenantes, à commencer par le groupe TELT chargé de la réalisation des travaux de la section transfrontalière du tunnel et la délégation française de la commission intergouvernementale chargée de suivre la conduite du programme. Hubert du Mesnil ayant quitté ses fonctions à la tête du groupe TELT, il a été remplacé par son directeur général, Mario Virano. Un décret publié il y a quelques jours, a désigné son successeur, Daniel Bursaux, vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD.

Au total, nous avons rencontré près de vingt personnes de tous horizons, y compris un représentant de la direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne, des membres du comité pour la Transalpine et un opérateur de fret ferroviaire. Bien entendu, les élus locaux ont également répondu présent et nous ont fait part de leurs préoccupations.

De nombreux points ont été évoqués : les mesures prises pour prévenir ou compenser les dommages environnementaux causés par le chantier, le financement du projet, auquel l’Union européenne devrait contribuer à hauteur de 50 % sur un coût total de l’ouvrage estimé, pour la seule section transfrontalière, à près de 9 milliards d’euros, la coordination entre l’Italie et la France ou encore les perspectives en termes de report modal pour le fret.

Aujourd’hui, un sujet est au cœur des préoccupations : la construction des voies d’accès nationales au tunnel. SNCF Réseau, maître d’ouvrage sur les voies d’accès, a présenté trois scénarios au Gouvernement : un scénario « mixte » , un scénario intermédiaire, et un scénario dit « grand gabarit » qui permettrait d’atteindre un plus important tonnage de marchandises transportées par an. Cette dernière option a la préférence de nombreux acteurs, à commencer par les élus locaux, car elle favoriserait un report modal plus ambitieux et un trafic plus fluide entre les deux pays. En effet, l’Italie, plus avancée que la France sur le projet, a d’ores et déjà opté pour un scénario ambitieux en termes de capacités de fret. Trancher en faveur d’une option plus modeste pourrait donc créer un phénomène de goulet d’étranglement. En tout état de cause, l’ensemble des parties prenantes au projet est suspendu à la décision du Gouvernement qui se fait attendre depuis plusieurs mois. Si la guerre en Ukraine et l’élection présidentielle ont pu justifier un certain retard, il serait désormais incompréhensible, pour ne pas dire irresponsable, que l’État ne tranche pas cette question d’ici la fin de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Retarder davantage la prise de décision pourrait en effet menacer le respect du calendrier, qui prévoit une mise en service du tunnel dès 2030.

Je souhaite que notre commission continue à suivre ce dossier avec attention. Nous pourrions, une fois que le Gouvernement aura fait connaître son choix pour la construction des voies d’accès françaises au tunnel, entendre le nouveau président de TELT, comme nous avions d’ailleurs entendu M. du Mesnil il y a un peu plus d’un an, en février 2021. Je fais également confiance à Philippe Tabarot, en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits relatifs au transport ferroviaire dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, pour suivre le volet financier de ce chantier qui va nécessiter de lourds investissements dans les prochaines années. En 2022, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a ainsi prévu de consacrer 158 millions d’euros de crédits de paiement au Lyon-Turin, dont 78 millions d’euros issus du plan de relance.

M. Étienne Blanc. – Je regrette que nous n’ayons pu visiter le tunnel proprement dit. Sur internet, chacun peut toutefois se rendre compte de l’avancement du percement de ce tunnel. Aujourd’hui, plus de dix kilomètres de galerie principale ont été réalisés : autant dire que nous ne ferons plus machine arrière ! Les échanges que nous avons eus à la préfecture de Savoie ont fait apparaître un problème majeur : l’absence de coordination entre la France et l’Italie. L’Italie sera en mesure de faire circuler 20 millions de tonnes de marchandises dans le tunnel en 2030, volume que la France ne sera pas en mesure d’accueillir si elle n’a pas suffisamment avancé dans la réalisation de ses voies d’accès. Il faut que chacun mesure l’enjeu.

M. Jacques Fernique. – S’agissant de la table ronde organisée à la préfecture de Savoie, je note l’absence assez étonnante de représentants de SNCF Réseau. On peut observer une différence entre la France et l’Italie dans la manière d’aborder le projet Lyon-Turin : l’Italie avance sereinement, étape par étape, quand la gestion française se caractérise par une certaine tension, palpable lorsque sont évoqués les trois scénarios alternatifs sur les voies d’accès.

président. – Je précise, en réponse à ces observations, que nous n’avons pas pu visiter le tunnel pour des raisons de sécurité liées au fait que se déroulaient de gros travaux ce jour-là et que nous avons bel et bien rencontré et échangé avec des responsables de SNCF Réseau le matin de notre déplacement, à Saint-Jean-de-Maurienne.

Mme Angèle Préville. – Les différences que vous avez observées entre la France et l’Italie me rappellent les enseignements que nous avons tirés de notre déplacement dans la vallée de la Roya, notamment sur la gestion de cette catastrophe, ainsi que les appels du pied du préfet à l’époque pour que nous travaillions à l’élaboration d’une proposition de loi permettant de lutter contre les entraves et les freins administratifs qui nuisaient au déclenchement des travaux.

président. – Le chantier de la simplification administrative est, hélas !, presque plus complexe que celui du Lyon-Turin !

M. Philippe Tabarot. – Il faut évidemment que nous travaillions à l’amélioration de la relation bilatérale entre la France et l’Italie, notamment concernant les infrastructures. Un autre sujet annexe qui a été évoqué concerne SNCF Réseau. Le nouveau contrat de performance et les départs récents de cadres de SNCF Réseau sont sources d’inquiétudes.

M. Étienne Blanc. – Je suggère que nous auditionnions le préfet Xavier Pelletier. Sur ces sujets complexes ; il a, de mon point de vue, des idées assez remarquables.

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