rapporteur général. – Au cours de cette session, le débat a témoigné d’un réel consensus en faveur d’une révision des règles budgétaires européennes. Les modalités concrètes de réforme restent cependant à définir et les points de divergence devraient être nombreux. Au-delà du consensus initial, force est de constater que les discussions s’en tiennent actuellement à des propositions très générales.
À l’image des échanges portant sur les nouvelles ressources propres de l’Union, la plupart des intervenants ont estimé que les crises sanitaire et ukrainienne nous donnaient l’occasion de progresser sur la refonte de nos règles budgétaires européennes. Le commissaire européen à l’économie, Paolo Gentiloni, a ainsi rappelé que la suspension du pacte de stabilité au début de la crise sanitaire avait constitué une réponse forte de l’Union. Deux ans après, la crise ukrainienne nous interroge sur le traitement budgétaire des dépenses d’investissement indispensables à notre sécurité. Ce constat a également été relayé par Margarida Marques, députée européenne et vice-présidente de la commission des budgets, qui nous a appelés à nous interroger sur les leçons tirées de la dernière crise économique : avons-nous réellement adapté nos règles budgétaires en conséquence ?
D’une façon générale, les différentes interventions ont assigné plusieurs objectifs à la refonte des règles budgétaires européennes. Celle-ci devrait permettre d’encourager les investissements dans la transition énergétique, la défense, la justice sociale ou la transition numérique… tout en définissant des règles budgétaires plus lisibles, adaptables à la situation de chaque État membre, et pérennes. En d’autres termes, la suspension de leur application ne saurait constituer une solution satisfaisante. Si ces objectifs multiples apparaissent justifiés, ils témoignent aussi de la grande complexité de la réforme à venir. Face à ce constat, la Présidence française de l’Union européenne n’a pas pour ambition, à ce stade, de parvenir à un accord cet été.
Au cours de mon intervention, j’ai rappelé que les critiques relatives au pacte de stabilité sont anciennes. J’ai également plaidé pour des ajustements ciblés de ces règles, étant donné que leur existence est la contrepartie naturelle de la participation des États membres à la zone euro. En effet, dans la mesure où nous n’avons choisi ni de fédéraliser la dépense publique en zone euro ni de mutualiser la dette, l’effort doit reposer sur la capacité de chaque État membre à maintenir des finances publiques saines.
En l’absence de proposition concrète de réforme, j’ai rappelé les axes qui me semblent prioritaires : premièrement, la simplification des règles ; deuxièmement, le traitement spécifique dont pourraient faire l’objet, dans l’analyse du déficit et de l’endettement publics, certaines dépenses dites « d’avenir » ; troisièmement, l’option, d’ailleurs étudiée par la Commission européenne, comme l’a rappelé son vice-président, Valdis Dombrovskis, consistant à privilégier une analyse différenciée de la trajectoire des finances publiques des États.
En tout état de cause, ces règles doivent avant tout permettre d’éviter la divergence des trajectoires budgétaires des États membres, au regard des risques que celle-ci présente au plan collectif. Toutefois, je m’étonne que peu d’interventions aient rappelé la nécessité d’un cadrage budgétaire commun.
Le troisième et dernier débat a porté sur la « facilité pour la reprise et la résilience », pièce maîtresse du plan de relance européen. Comme vous le savez, le décaissement progressif des crédits aux États membres dépend de la satisfaction de cibles et de jalons, préalablement déterminés par un plan national de réforme, approuvé par le Conseil de l’Union européenne. L’objectif de cette session était de dresser un premier bilan de la mise en œuvre de ce dispositif.
Dans cette perspective, je suis intervenu en tirant trois leçons de son application. La première est que l’une des clés du succès repose sur le caractère complémentaire du plan de relance européen avec les décisions prises au niveau national. Cette condition est importante pour l’efficacité des dépenses publiques engagées, mais aussi pour illustrer, auprès de nos concitoyens, le rôle de rempart que l’Union peut remplir pour faire face aux crises qui nous frappent collectivement.
La deuxième leçon est qu’un équilibre doit être trouvé entre la nécessité d’apporter une réponse budgétaire immédiate et nos exigences en matière de protection des intérêts financiers de l’Union. Concrètement, la multiplication des indicateurs et des objectifs à satisfaire ne doit pas nuire à la qualité du plan de relance, même s’il faut s’assurer que les États membres dépensent ces crédits de façon appropriée.
Enfin, la troisième leçon est qu’il est nécessaire d’anticiper la question du financement des réponses budgétaires élaborées en temps de crise. Si l’urgence commandait un plan de relance rapide, les États membres peinent aujourd’hui à s’accorder sur les modalités de son remboursement. Nous avons repoussé à une date ultérieure les discussions relatives au partage du « fardeau ». Sur ce point, notre collègue Jean-Marie Mizzon est également intervenu pour rappeler que l’esprit de l’accord du Conseil européen de juillet 2020 était bien d’utiliser les nouvelles ressources propres pour le financement du plan de relance, et non à d’autres fins.
La Commission européenne dresse un bilan pour l’instant positif de cet instrument. Céline Gauer, directrice générale de la facilité pour la reprise et la résilience, a estimé que le décaissement rapide des crédits – 100 milliards d’euros environ à ce jour sur 338 – avait permis d’apporter un soutien d’ampleur aux États membres. Elle a néanmoins invité ces derniers à inclure plus largement la société civile, les régions et les partenaires sociaux à la mise en œuvre du plan de relance européen.
Alors que, en l’absence de validation de leur plan national de réforme et de résilience, la Pologne et la Hongrie n’en ont pas encore bénéficié, des représentants de ces deux États membres ont critiqué la gouvernance du dispositif. Sans surprise, la crise ukrainienne et l’accueil massif de réfugiés ont été invoqués pour demander un déblocage rapide des fonds européens.
Plus généralement, de nombreuses interventions ont salué le déploiement du plan de relance européen, en s’interrogeant sur la possibilité de dupliquer le dispositif pour répondre à d’autres crises. Ce dernier présente toutefois un caractère temporaire et strictement limité à la crise sanitaire. Lors de la ratification de la décision « ressources propres », base juridique du plan de relance européen, notre commission avait d’ailleurs insisté sur le caractère exceptionnel de cet instrument.