rapporteur général. – Concernant la fiscalité, nous avons pu nous entretenir des sujets de fiscalité nationale, mais également de la mise en œuvre de l’accord de l’OCDE sur la taxation des multinationales.
Nous avons d’abord eu l’occasion de constater à quel point les parlementaires américains bénéficiaient de moyens importants pour analyser la politique budgétaire et fiscale : le Joint Taxation Committee (JTC) dispose d’une équipe d’une centaine de personnes, fiscalistes, avocats et économistes, et réalise des études fiscales pour le Congrès, en élaborant des modèles de simulation fiscale. Le Congressional Budget Office (CBO) compte 275 personnes et réalise aussi de nombreuses études. À noter que ces études ne sont pas publiées, afin que les parlementaires puissent examiner tous les scénarios qu’ils souhaitent, sans que cela figure sur la place publique.
Concernant la fiscalité nationale, les velléités de réforme de l’administration Biden sont restées lettre morte. Le taux de l’impôt sur les sociétés, abaissé de 35 % à 21 % sous la présidence de Donald Trump, n’a pas été relevé à 28 % ; de même, le seuil d’exonération de droit de succession, doublé par l’administration Trump pour atteindre 11 millions de dollars, n’a pas été modifié ; enfin, le taux marginal d’imposition des revenus du capital n’a pas été aligné sur le taux marginal du barème de l’impôt sur le revenu comme prévu en le portant de 20 à 39,6 % pour les revenus annuels dépassant un million de dollars.
L’impôt sur le revenu reste la principale source de recettes, puisqu’il représente environ la moitié des rentrées fiscales. La surtaxe de 5 % envisagée au-delà de 10 millions de dollars annuels et de 8 % au-delà de 25 millions de dollars est elle aussi restée lettre morte.
Il y a quelques jours encore, la Maison-Blanche a proposé d’appliquer un taux minimum d’impôt de 20 % aux foyers dont la fortune dépasse 100 millions de dollars, en se basant sur leurs revenus, mais aussi sur leurs plus-values non réalisées. Cette proposition figure dans le projet de budget 2023, mais rien ne dit qu’elle aura davantage de réussite que les précédentes.
Concernant la fiscalité énergétique, le taux de taxation des carburants n’a pas été relevé depuis 1993 ; mais ni les démocrates ni les républicains ne souhaitent l’augmenter, notamment car la hausse pèserait d’abord sur ménages aux revenus les plus bas. Le contexte actuel ne risque pas de modifier cette situation.
L’administration américaine souhaite néanmoins progresser dans le domaine du recouvrement et de la lutte contre la fraude fiscale. En effet, ces dernières années, le « contrôle fiscal à enjeu », c’est-à-dire celui qui concerne les contribuables aux revenus les plus élevés, a diminué. Une hausse de ces contrôles est programmée, ainsi qu’un renforcement des moyens de l’agence fédérale Internal Revenue Service (IRS) chargée de recouvrer l’impôt sur le revenu, qui a enregistré des baisses d’effectifs ces dernières années et connaît d’importants dysfonctionnements, avec des retards dans le traitement des déclarations et un service aux contribuables plus que défaillant.
J’en viens maintenant au sujet de la fiscalité des multinationales, car nous avons souhaité faire un point sur l’état d’avancement de ce dossier. Nous avons d’abord pu constater que les élus républicains étaient opposés à la mise en œuvre du premier pilier de l’accord de l’OCDE, qui vise à obtenir une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 20 milliards d’euros et qui ont une profitabilité d’au moins 10 %. Le premier pilier nécessite de renégocier des traités internationaux à la majorité des deux tiers du Sénat américain, ce qui s’annonce plus que difficile. Nous ne sommes donc pas revenus très optimistes sur ce sujet.
Pour le deuxième pilier, qui concerne un impôt minimum mondial au taux de 15 % applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros, le constat est plus nuancé. Les sénateurs républicains estiment que le régime fiscal mis en œuvre en 2017, le Global Intangible Low-Taxed Income (Gilti), est meilleur pour les entreprises américaines. Le taux d’imposition des bénéfices réalisés à l’étranger est de 10,5 %, inférieur au taux de 15 % de la réforme de l’OCDE. Par ailleurs, le Gilti permet de compenser entre les taux d’imposition des différentes juridictions, car il ne s’applique pas pays par pays comme l’accord de l’OCDE. Ce dernier, réputé plus complexe en termes d’organisation administrative, est toutefois plus efficace pour cibler les paradis fiscaux. Malgré ces réticences, nous avons eu le sentiment que le deuxième pilier pouvait encore avancer, d’autant qu’il requiert une loi ordinaire, et donc une majorité simple – mais le temps est compté avant les élections de mid term de novembre. Il fait partie du plan Build Back Better dont le Président Biden espère encore que certaines parties pourront être adoptées.