Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mai 2022 à 9h30
Déplacement d'une délégation du bureau aux états-unis — Communication

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

rapporteur général. – Enfin, nous nous sommes intéressés à la finance durable aux États-Unis. Sur ce sujet, l’Union européenne a clairement une longueur d’avance.

Lors de notre déplacement, la SEC a publié une proposition de nouvelles règles qui obligeraient les sociétés cotées à inclure certaines informations liées au climat dans leurs déclarations d’enregistrement et leurs rapports annuels. Ces propositions ont été soumises à consultation pour une période de deux mois avant que la SEC n’adopte une réglementation.

Chaque déclarant devrait divulguer des informations sur ses émissions directes de gaz à effet de serre et ses émissions indirectes provenant de l’électricité achetée ou d’autres formes d’énergie. En outre, un déclarant serait tenu de divulguer les émissions provenant des activités en amont et en aval de sa chaîne de valeur, si elles sont importantes ou si le déclarant a fixé un objectif en la matière.

Le président de la SEC a bien montré quelles étaient ses intentions par ses déclarations : « Les risques climatiques peuvent représenter des risques financiers importants pour les entreprises, et les investisseurs ont besoin d’informations fiables sur les risques climatiques pour prendre des décisions d’investissement éclairées. » Il ne s’agit pas pour le régulateur américain de savoir si la finance nuit au climat, mais dans quelle mesure l’impact du changement climatique est pris en compte dans les informations transmises aux investisseurs. Le même discours nous a été tenu par le gestionnaire d’actif Blackrock : le risque climatique serait un risque dans l’économie réelle, mais aussi, et avant tout, un risque financier. Le passage des actifs « bruns » aux actifs « verts » nécessiterait des investissements considérables et il faudrait accompagner les entreprises concernées.

Pour autant, ce mouvement encore modeste rencontre d’importantes résistances. Le sénateur républicain de Pennsylvanie Pat Toomey, que nous avons rencontré, a ainsi mis en cause publiquement l’initiative de la SEC, considérant qu’il s’agit « d’un effort à peine voilé pour que des régulateurs financiers non élus définissent la politique climatique et énergétique de l’Amérique ».

La réflexion existe néanmoins. D’après la bourse de New York, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) prennent une importance croissante aux États-Unis. Les entreprises doivent transmettre de nombreuses données pour informer les investisseurs et les régulateurs, ce qui permet notamment de lutter contre le greenwashing.

Pour un certain nombre d’observateurs, la manière de percevoir les critères ESG n’est toutefois pas la même qu’en France. La prise en compte de la diversité des équipes est par exemple un des critères les plus mis en avant. Les fonds américains continuent par ailleurs d’investir dans le pétrole et les énergies fossiles.

Nous avons enfin rencontré des acteurs bancaires, américains et français, qui nous ont confirmé que la consolidation bancaire progressait aux États-Unis : les banques étrangères telles que la BNP ou HSBC sortent des États-Unis et les banques régionales sont absorbées par les grandes banques canadiennes et américaines. On assiste également à une segmentation des marchés entre le niveau local et le niveau national, et entre les services aux particuliers, de plus en plus désintermédiés, et les services aux entreprises. Tous nos interlocuteurs ont insisté sur le fait que les leçons de la crise de 2008 avaient été tirées et sur le poids important pris par les régulateurs bancaires. Les États-Unis font par ailleurs face à des enjeux que nous connaissons bien aussi, liés au développement de la numérisation et à la problématique de l’accès aux espèces.

En conclusion, notre déplacement a permis de faire un tour d’horizon très approfondi des différents enjeux économiques et financiers auxquels sont confrontés les États-Unis. Nous avons pu échanger sur les sujets qui nous semblaient prioritaires et mesurer nos points de convergence comme les facteurs d’éloignement entre nous. Le pays est d’ores et déjà confronté à une situation inflationniste que nous commençons aussi à connaître, mais ses déterminants ne sont pas les mêmes, et ils interviennent en outre dans un contexte de croissance économique plus favorable. La Fed ayant commencé à relever ses taux directeurs, nous devrions en percevoir les effets sur l’économie réelle dans les mois qui viennent. Sur le plus long terme, nous pouvons à la fois nous réjouir de constater que l’Union européenne paraît en avance sur la finance durable et nous inquiéter du moindre intérêt des États-Unis pour les enjeux du changement climatique. Enfin, nous avons surtout pu mesurer la situation de relatif immobilisme politique liée à une configuration parlementaire peu favorable aux initiatives de la majorité démocrate. Même si l’administration fédérale nous a indiqué qu’elle ferait tout son possible pour progresser dans les réformes aujourd’hui bloquées au Congrès, le chemin reste semé d’embûches. La situation telle qu’on la perçoit dans les médias français n’est pas vraiment celle qui nous a été décrite par nos interlocuteurs.

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