Intervention de Dominique Darmendrail

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 10 février 2022 à 9h20
Audition publique sur les aspects scientifiques et technologiques de la gestion quantitative de l'eau

Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique « Eaux souterraines et changements globaux » du BRGM :

Je vais aborder le sujet des eaux souterraines, qui représentent 30 % des eaux douces, elles-mêmes représentant 0,1 % des eaux de la Terre. La recharge des nappes souterraines est l'une des solutions préconisées en complément des économies d'eau et des autres solutions qui ont été présentées.

Les eaux souterraines représentent 68 % de l'eau potable consommée et 20 % du soutien à l'étiage des cours d'eau. La répartition de leur utilisation est variable selon les départements. Il faut distinguer les prélèvements et la consommation : on peut ainsi prélever et rejeter rapidement dans le milieu, ce qui fait que la consommation n'est pas totalement effective.

Aujourd'hui, on compte environ 6 500 nappes d'eau souterraine, mais seulement 200 sont d'importance régionale, notamment celle de la Beauce. Ces nappes aquifères sont dans des roches très variées. Il y a des graviers et sables qui sont poreux - l'eau se trouve alors dans les pores - et des roches volcaniques et des granits où l'eau se trouve dans les fissures et les fractures. Dans des calcaires plus ou moins quartzifiés ou dans la craie, le stockage se fait en poche avec des phénomènes de dissolution de ces matériaux. Ces aquifères sont en outre différents en termes de volume que l'on va pouvoir recharger et de réactivité de ces volumes. Certains réagissent très rapidement aux pluviométries, mais en général ce ne sont pas de grandes nappes. Pour les aquifères sédimentaires assez grands, les nappes se rechargent à la saison et à l'année avec des courbes évolutives. Pour des nappes de très grande capacité ou profondes, l'inertie est très importante. Plusieurs années, voire une dizaine d'années seront nécessaires pour voir des évolutions au sein de ces nappes.

Les aquifères se rechargent généralement lorsque les pluies sont importantes, la température est faible et la végétation ne croît pas, donc généralement entre octobre et avril-mai. Pour amplifier cela, il faut connaître les ressources sur lesquelles s'appuyer pour augmenter la recharge naturelle. Il faut regarder où se situe la demande et quelles sont ses exigences en matière de volume, de qualité et de localisation, et mesurer l'efficacité des différents systèmes de recharge.

Différents types de systèmes de recharge existent : forages d'infiltration, bassins d'infiltration, effets de berge pour capter l'eau du cours d'eau par pompage à proximité des berges. On peut collecter l'eau de pluie, prélever dans d'autres nappes ou dans des cours d'eau, ou enfin réutiliser des eaux usées. Cela permet d'obtenir un retour à l'équilibre des hydrosystèmes en quantité ou en qualité, et pallier par exemple des baisses liées aux prélèvements, des subsidences, des crues ou des inondations. Il est également possible d'améliorer la qualité en évitant les biseaux salés dans les aquifères côtiers ou dans les îles. Cela permet également d'éviter de l'évapotranspiration. Par ailleurs, il faut connaitre suffisamment les aquifères et leurs écoulements et s'assurer que l'eau rechargée est compatible avec les aquifères. Il faut également élaborer la gouvernance de ces systèmes de recharge en fonction des prélèvements et des usages souhaités. Une problématique opérationnelle existe en outre sur le colmatage et le suivi qualitatif et quantitatif. Des experts possédant des compétences particulières sont donc requis.

Il existe actuellement une cinquantaine de sites de réalimentation d'aquifères en France, dont quatre grands sites (Croissy-sur-Seine, Flins, Houlle-Moulle et Crépieux-Charmy), qui servent principalement à alimenter l'étiage des nappes et à améliorer la qualité. Le dispositif fonctionne principalement par filtrat de berge : à Crépieux-Charmy, l'eau est prélevée dans le Rhône, et elle est placée dans des bassins où elle s'infiltre dans la nappe et crée un dôme hydraulique qui évite des pollutions accidentelles. On prélève dans les forages pour alimenter Lyon dont 70 % de l'alimentation en eau potable est gérée grâce à cette recharge.

Aujourd'hui, nous agissons à différentes échelles. Pour l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, nous avons établi une carte d'orientation sur les zones favorables à la recharge des nappes, car cela dépend des aquifères présents. Un autre projet, pour Rennes Métropole, a porté sur les zones où l'infiltration des eaux de pluie en milieu urbain et périurbain était favorable. Il devient alors possible de déterminer les modalités techniques et la distance entre les lieux à réinfiltrer, ainsi que les coûts associés à ces pilotes. L'utilisation des eaux usées traitées par rapport aux eaux conventionnelles peut entraîner des coûts substantiellement plus importants, de l'ordre du triplement.

Il est nécessaire de mieux connaître les aquifères, mais aussi les besoins dans le temps et à l'échelle du territoire, puisque le changement climatique aura des répercussions sur la pluviométrie naturelle et donc sur les capacités de recharge maîtrisée. Il faut également suivre les aquifères, en quantité et qualité, ainsi que les prélèvements. Des outils de prédiction sont nécessaires pour agir à l'échelle de quelques mois pour les futurs prélèvements de saison mais aussi à l'échelle de plusieurs dizaines d'années. Des outils d'aide à la décision pour partager ces ressources à l'échelle du territoire doivent être mis en place. Dans les territoires ultramarins, les connaissances sont plus faibles et les ressources en eaux souterraines ne sont pas toujours suffisantes pour satisfaire toutes les demandes.

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