Le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique s'inscrit dans la suite des Assises de l'eau de 2018 et 2019. Le CGAAER et le CGEDD avaient déjà travaillé sur un rapport commun en 2020 intitulé « Eau, agriculture et changement climatique : quelle trajectoire pour 2050 ? », qui a fixé un horizon de moyen à long terme à ces travaux.
Les conclusions et objectifs des Assises ne sont pas remis en cause par le processus du Varenne. La question du partage de l'eau, surtout en été où elle est plus rare alors que les plantes ont le plus de besoins, renvoie à la hiérarchie et la compatibilité des usages, dont le principal est l'alimentation en eau potable des populations et le respect des milieux.
Nous nous sommes inscrits, dans la thématique 3 « Partager une vision raisonnée des besoins et de l'accès aux ressources en eau mobilisables pour l'agriculture sur le long terme : réalisations, avancées et perspectives », dans l'équilibre de la recherche du retour au bon état des milieux avec l'usage agricole. Je me réjouis que l'eau soit portée en haut de l'agenda politique en cette période et je constate avec ce processus du Varenne une continuité de l'action publique sur le sujet de l'eau.
La thématique 3 s'inscrit dans la continuité de la mission Bisch et de la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État. Il est en effet important que les sujets d'eau et d'agriculture soient traités dans un cadre transversal. Le Premier ministre a annoncé dans son discours de clôture du Varenne la décision de créer un délégué interministériel à l'eau. Nous avons conclu que le Varenne devait être décliné dans tous les territoires. Toutes les agences, les régions et les DREAL ont été associées dans le processus de consultation. Ainsi, lors du bilan à mi-parcours d'octobre 2021, nous avons eu une présentation par Alain Rousset, président du Comité de bassin de l'Agence de l'eau Adour-Garonne et président de la région Nouvelle Aquitaine. Renaud Muselier, président de la région PACA, a également témoigné, ainsi que Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée.
Nous avons souhaité dans les conclusions qu'une ligne budgétaire du ministère de l'Agriculture soit créée pour soutenir la part agricole dans la réalisation de l'infrastructure de développement des ressources en eau. Nous avons aussi souhaité que le Varenne vive dans la durée. Avec ce processus, nous avons défini une méthode pour établir un lien cohérent et dynamique entre la politique de l'eau et l'usage économique et agricole de l'eau. Les ministères de l'Agriculture et de l'Écologie doivent continuer à travailler ensemble sur cette politique. Une enquête de la Cour des comptes est en cours sur la gestion quantitative de l'eau en France. Le Varenne est un point d'étape et doit intégrer de manière permanente la variable du changement climatique et les préoccupations de souveraineté alimentaire et d'équilibre entre les territoires.
Trois groupes de travail ont été constitués dans le cadre de la thématique 3. Le premier portait sur les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui sont des outils adaptés pour trouver des réponses spécifiques sur les bassins en tension. Nous avons souhaité que le préfet coordonnateur de bassin ait la capacité de mettre un terme à la phase de concertation du PTGE si un accord n'est pas obtenu dans le délai initial, afin d'être plus rapidement opérationnel. Dans le cadre des PTGE, nous donnons suite aux recommandations générales de la mission des deux conseils généraux évoquée précédemment. L'instruction ministérielle du 7 mai 2019 devra a minima être complétée précisément par les ministères. Ce travail est déjà en cours.
Le deuxième groupe de travail portait sur la mobilisation des ressources. Le stockage de l'eau prélevée hors période d'étiage est le sujet qui interroge le plus, dès lors qu'on le considère comme un levier potentiel majeur de la sécurisation de la ressource. L'adaptation de l'agriculture au nouveau contexte climatique doit amener à une transition vers l'agroécologie avec la mise en oeuvre de solutions fondées sur la nature permettant des économies d'eau, mais aussi des moyens et soutiens techniques et financiers. Dans ce processus, nous avons reçu un apport important des scientifiques. La superposition des connaissances et des cartes et la facilitation de l'accès à la connaissance par chacun nous permettra de nous emparer plus facilement de la nécessité de prendre en compte le changement climatique.
Dans le cadre de la mobilisation de la ressource, nous avons intégré le risque croissant représenté par les crues dues aux pluies diluviennes ; nous avons engagé dans le cadre du Comité national de l'eau un nouveau travail sur les PAPI (plans d'aménagement et de prévention des inondations) qui ont été validés pour repérer les capacités de stockage de l'eau au-delà des zones d'expansion des crues déjà mises en oeuvre. Nous appelons par ailleurs à la création de structures d'économie mixte ou au renforcement des sociétés d'aménagement rural existantes, comme celle du Gers, la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne ou le système Nest ont été déjà mentionnés ce matin. Il nous faut encourager une maîtrise d'ouvrage multiusages.
Le troisième groupe de travail portait sur la stratégie d'aménagement. Il ne peut pas exister une seule stratégie nationale, car les stratégies à mettre en place doivent s'adapter aux territoires. Nous avons réfléchi à des stratégies territoriales à l'horizon 2030. Les deux ministères ont souhaité dans ce cadre que les préfets coordonnateurs de bassin fassent remonter une dizaine de projets prioritaires qui pourraient être mis en oeuvre à cet horizon.
En conclusion, il est primordial que les projets soient menés à l'échelle des bassins et des territoires, avec les collectivités. Des acteurs locaux doivent s'emparer de la question de la gestion de l'eau de manière plus vigoureuse. La carte de France n'est pour l'instant pas couverte entièrement par les SAGE. Pour que ces objectifs de long terme s'inscrivent dans l'équilibre de la gestion durable de l'eau et la réponse aux besoins de l'agriculture dans le cadre du changement climatique, l'implication d'une maîtrise d'ouvrage et des acteurs locaux est impérative.