Intervention de Frédérique Chlous

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 10 février 2022 à 9h20
Audition publique sur les aspects scientifiques et technologiques de la gestion quantitative de l'eau

Frédérique Chlous, présidente du conseil scientifique de l'Office français de la biodiversité (OFB) :

Le conseil scientifique de l'OFB a rédigé un texte en amont du Varenne de l'eau pour souligner certains points. Cette présentation s'appuie sur une analyse pluridisciplinaire des écrits du Varenne. Je reviendrai sur l'approche systémique, la question de la connaissance, la concertation locale, et la question majeure des sols qui, bien que beaucoup traitée dans la thématique 2, devrait être renforcée dans la thématique 3.

Des divergences au sein des textes ont été identifiées sur la gestion structurelle de l'eau sur le long terme et la gestion de la pénurie d'eau pendant l'été. Il a été intéressant de constater la place des initiatives dans la diversité des contextes socio-économiques, environnementaux et climatiques, et de l'évaluation, qu'il faut renforcer. En outre, on sent une tension entre « eau agricole » et « eau bien commun ». Il faudra lever des doutes et favoriser l'approche commune entre les différentes parties prenantes sur la sobriété des usages de l'eau et des intrants en agriculture. La crainte d'un ascendant agricole sur la prise en compte de tous les enjeux devra être clarifiée. Nous reviendrons sur l'ambition réellement transformative des projets et sur la pérennité de la loi sur l'eau qui a permis de nombreuses avancées internationalement reconnues.

Trois points d'attention principaux sont identifiés : accentuer la prise en compte de l'ensemble des enjeux ; engager une transformation systémique de l'agriculture ; renforcer les connaissances pour accompagner les acteurs.

Sur le premier enjeu, il nous semble nécessaire de travailler sur le lien entre eau, biodiversité et activité humaine (anthropoécosystème) par une approche systémique.

Une concertation équilibrée entre acteurs est nécessaire, en étant vigilant sur les parties prenantes qui y participent pour éviter des déséquilibres entre une vision de l'eau pour ses usages et une vision de l'eau en tant que bien commun. Il faut se donner les moyens de mettre en place cette concertation et de mettre à disposition des données émanant des différentes sciences.

Un équilibre doit être trouvé entre les approches techniques (numériques, génétiques) et les solutions fondées sur la nature, qui sont positives pour l'eau et la biodiversité. Il n'y a pas une approche qui permettra de résoudre l'ensemble des problèmes.

La question de la quantité d'eau correspond à la crise actuelle, mais la qualité de l'eau et des écosystèmes aquatiques sera la crise de demain. Les apports de polluants et les questions de ruissellement et de sécheresse auront des effets polluants sur les rivières et les milieux marins.

Par rapport à la transformation systémique de l'agriculture, il s'agit de développer une vision de l'agriculture à vingt ans, d'intégrer davantage tous les aspects socio-économiques et la diversité des configurations des territoires et des filières, d'équilibrer les différents leviers, de lever les verrous sociotechniques, d'être plus ambitieux sur la question de l'assurance - traitée dans la thématique 1 - pour tester des solutions plus innovantes et puissantes ainsi qu'assurer une solidarité amont-aval entre agriculteurs, mais aussi au niveau d'un territoire entre les différentes filières agricoles (adaptation, abandon ou développement de certaines filières) en fonction des usages.

Le troisième enjeu consiste à établir des états des lieux précis pour soutenir les décisions. Il est parfois difficile d'accéder aux données de certains organismes. Il faut prendre en compte l'ensemble des effets cumulés pour mesurer les enjeux et tenir compte des rétroactions. Il est également nécessaire de poursuivre les études d'impact climatique sur les ressources en eau et les besoins agricoles pour éviter des scénarios trop médians qui gommeraient les incertitudes sur ces questions. Les modélisations passées doivent être développées et permettre de tester les modèles en cours (modélisations à 6 mois, à 10 ans ou 30 ans en intégrant les activités humaines qui peuvent aussi s'appuyer sur les savoirs locaux et professionnels). Le dernier point consiste à informer tous les acteurs de ces connaissances scientifiques pour les aider à prendre des décisions en tenant compte de l'ensemble des éléments.

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