Nous partageons l'analyse de la Cour sur l'effort budgétaire accru de l'État depuis 2018, puisque les crédits de la mission « Outre-mer », augmentés des contributions des autres programmes du budget de l'État, sont passés, en crédits de paiement, de 17,8 milliards d'euros en 2018 à près de 20,8 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de 3 milliards sur le quinquennat, ce qui est considérable.
Cependant, sur la seule mission « Outre-mer », nous tenons à souligner qu'une partie de cette hausse s'explique par la modification du dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale afin de compenser la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ce qui a engendré un renforcement des exonérations de charges patronales et, de fait, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges.
De surcroît, cette hausse des crédits budgétaires s'explique également, en partie, par la suppression du mécanisme de la TVA non perçue récupérable par la loi de finances pour 2019 et la mobilisation de l'équivalent de cette dépense fiscale en dépense budgétaire, soit 100 millions d'euros, afin de favoriser le développement économique des territoires, rassemblés dans l'action 04 du programme 138 « Emploi outre-mer ». Enfin, le gain budgétaire dégagé par l'abaissement de la réduction d'impôt sur le revenu introduit par l'article 15 de la loi de finances pour 2019, de l'ordre de 70 millions d'euros, a été dédié à l'abondement supplémentaire du fonds exceptionnel d'investissement (FEI).
Il y a donc eu, au moins pour une partie de cet effort budgétaire, un jeu de compensation qu'il ne faudrait pas négliger.
Par ailleurs, les crédits budgétaires alloués à l'outre-mer représentent environ 4 % des dépenses du budget général de l'État et la Cour souligne dans son rapport que les dépenses par habitant de moins de 60 ans se sont élevées, en 2020, à 10 000 euros en outre-mer contre 8 100 euros en métropole.
Cependant, la population ultramarine représente 4 % de la population totale française : cet engagement budgétaire n'est donc pas disproportionné, alors même que les besoins en infrastructures et en investissements publics demeurent structurellement plus importants au regard des inégalités géographiques, économiques et démographiques de ces territoires.
Par ailleurs, la Cour met en exergue un certain nombre de dispositifs d'aides exceptionnelles aux collectivités les plus fragiles financièrement et, sans remettre en question leur utilité, préconise de conditionner, pour chaque contrat ou plan d'urgence passé entre l'État et les collectivités ultramarines, le versement de nouvelles subventions au respect des engagements contractualisés par les collectivités.
Si nous ne pouvons que partager cette recommandation, nous tenons à préciser que pour les Corom, dans le cas où le contrat prévoit l'attribution d'une subvention exceptionnelle, la réalisation des objectifs contractualisés va conditionner son versement au plus tard au mois de septembre de chaque exercice budgétaire. De même, pour le soutien exceptionnel à la collectivité territoriale de Guyane, la collectivité a déjà engagé des travaux d'ampleur pour aboutir à une fiabilisation de ses comptes et à une plus grande exhaustivité des données dans le domaine budgétaire et dans celui des ressources humaines. Aussi, cette recommandation nous semble déjà en grande partie mise en oeuvre.
Enfin, la Cour souligne une sous-consommation récurrente des crédits de la mission « Outre-mer », notamment concernant les CCT, la ligne budgétaire unique (LBU) et le FEI, constats partagés comme nous l'avions mentionné dans notre rapport dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.
Les principales causes de cette sous-consommation sont connues : il s'agit en premier lieu d'un manque d'ingénierie dans les territoires d'outre-mer. L'offre d'ingénierie est pourtant de plus en plus développée. Il conviendrait donc de renforcer les moyens humains alloués aux structures existantes, mais également d'améliorer la communication sur l'existence de ces structures, leurs moyens et leurs missions afin de sensibiliser le plus largement possible les collectivités susceptibles d'y recourir. Enfin, une coordination des structures paraît indispensable. La création d'un guichet unique auprès duquel les collectivités pourraient se renseigner pour connaître les aides en ingénierie dont elles peuvent bénéficier pourrait faciliter, en amont, le travail de coordination entre les différents acteurs. Madame la présidente, pensez-vous que ces pistes d'amélioration relatives à l'ingénierie soient de nature à augmenter significativement l'exécution des crédits budgétaires ?
Cette sous-consommation s'explique aussi, sans doute, par un suivi parfois lacunaire des contrats, ce suivi étant rendu particulièrement complexe par l'architecture budgétaire de ces contrats qui regroupent de nombreux acteurs - État sur différents programmes, collectivités et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le suivi technique et financier devra donc être amélioré pour permettre une exécution des crédits à la hauteur des enjeux et besoins des outre-mer.
Concernant spécifiquement le pilotage global, actuellement réalisé par la DGOM, ce dernier impliquant plusieurs ministères et acteurs, il pourrait être envisagé qu'il soit mis en oeuvre et suivi par une instance interministérielle.
Mes dernières questions s'adressent tant à la Cour des comptes qu'à la DGOM : comment pourrait-on améliorer le suivi des CCT à échéance régulière pour améliorer leur exécution et éviter, en fin de contrat, des annulations de crédits si nécessaires aux investissements en outre-mer ? À qui pourrait être confié le pilotage interministériel des CCT ?