Les dépenses fiscales restent un outil contesté, en dépit des tentatives de rationalisation intervenues depuis 2019. Aussi, aujourd'hui, elles représentent 6,4 milliards d'euros soit 900 millions d'euros de plus qu'en 2018, ce qui s'explique par le dynamisme de certaines d'entre elles.
La Cour, dans son rapport sur les financements de l'État en outre-mer, mais également, de manière régulière, dans ses notes d'exécution budgétaire, souligne que ces dépenses sont peu évaluées alors même que leur poids dans le financement outre-mer est considérable.
Elle va même plus loin et estime que leur efficacité n'est pas avérée et que leur surcoût est important par rapport à d'autres dispositifs. Dans ce contexte, spécifiquement sur les dépenses fiscales relatives à la construction de logements, la Cour des comptes recommande de supprimer les dépenses fiscales inefficientes en faveur du logement et d'abonder du montant correspondant les crédits de la LBU.
Nous ne contestons pas la nécessité d'évaluer précisément l'ensemble des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer », mais nous souhaitons rappeler que ces dépenses représentent un outil essentiel pour contribuer à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et la métropole.
Elles ont un effet incitatif notamment sur la construction de logements qui, même si elle n'est pas ciblée géographiquement comme le souhaiterait la Cour des comptes, répond tout de même à un besoin prégnant dans la mesure où le déficit de logements et le besoin de rénovations concernent la quasi-intégralité des territoires d'outre-mer - même si quelques communes sont moins concernées que d'autres.
Enfin, les dépenses fiscales ne peuvent être considérées sous le seul angle de l'incitation à investir. Au regard des difficultés rencontrées par les entreprises ultramarines en termes de taille de marché, d'accès au financement ou de compétitivité, les dépenses fiscales facilitent l'accès aux financements, améliorent la solvabilité des entreprises et créent des emplois.
Elles ont également une portée politique dont il ne faudrait pas négliger l'impact en termes de climat social dans les territoires d'outre-mer.
De surcroît, une rebudgétisation d'une partie de ces dépenses fiscales n'est pas sans risque. En effet, celle-ci n'offre aucune garantie de pérennité. Passé la première année, il est difficile de vérifier ce qui relève de la rebudgétisation d'une dépense fiscale ou du solde entre tendanciel, mesures nouvelles et mesures d'économies. De surcroît, et dans le contexte actuel de sous-consommation récurrente bien qu'en amélioration, une rebudgétisation ne garantit pas le niveau des crédits qui pourront être consommés in fine.
Il nous paraît donc indispensable d'établir un programme d'évaluation exhaustif des 29 dépenses fiscales en priorisant des plus importantes d'entre elles en termes de masse financière d'une part et celles qui présentent un fait générateur qui s'éteindra prochainement d'autre part, mais sans envisager, à ce stade, et en l'absence d'évaluation, une rebudgétisation.
Sur ce sujet, j'aurais plusieurs questions pour l'ensemble de nos invités.
D'abord, quelle est votre position sur la suppression des dépenses fiscales outre-mer en faveur du logement et leur remplacement par une rebudgétisation des crédits ?
D'autre part, toujours concernant le secteur du logement, estimez-vous envisageable de conditionner l'octroi de l'agrément à la localisation du projet afin d'inciter les constructions et rénovations dans les localités où les besoins sont les plus prégnants ? Cette conditionnalité vous paraît-elle de nature à orienter géographiquement les projets malgré la rareté du foncier ou pourrait-elle, au contraire, freiner les constructions ? Vous paraît-elle possible pour d'autres dépenses fiscales outre-mer ?
Enfin, comment expliquez-vous l'absence d'évaluation des dépenses fiscales notamment en termes d'impact, alors même que cette évaluation est pourtant réalisée, projet par projet, par le bureau des agréments de la direction générale des finances publiques ? À cet égard, la création d'un jaune budgétaire sur les dépenses fiscales outre-mer vous paraît-elle envisageable, à l'image du jaune existant sur l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logements ?
Comme l'a très bien analysé la Cour des comptes, le DPT est lourd et complexe à réaliser. Il est également publié tardivement ce qui ne permet pas toujours son exploitation pleine et entière par les parlementaires. De surcroît, il n'est pas réellement corrélé à l'objectif premier de la politique de l'État à savoir les rattrapages des écarts existants entre les territoires outre-mer et la métropole et aux objectifs définis dans la loi ÉROM.
À nos yeux, il présente surtout un biais méthodologique important qui consiste en une approche exhaustive des dépenses de l'État en outre-mer y compris de dépenses que l'État réalise également pour les départements de métropole. Cette logique a pour conséquence de présenter les territoires d'outre-mer comme un centre de coûts pour l'État sans mise en parallèle avec les richesses créées par ces territoires.
Aussi, et je m'adresse en premier lieu à la DGOM, vous paraît-il envisageable de recentrer les développements littéraires du DPT sur les seuls crédits spécifiquement alloués à des actions mises en oeuvre en outre-mer et de ne maintenir les développements sur les crédits budgétaires « de droit commun » dont bénéficient également les autres départements de métropole qu'en cas d'évènements remarquables ou exceptionnels expliquant des hausses ou des baisses inhabituelles ?
Si ce travail nécessite une analyse préalable lourde et importante pour faire le distinguo entre crédits de droit commun et crédits spécifiques à l'outre-mer, il permettrait, à terme, d'alléger le DPT et surtout d'améliorer considérablement l'information des parlementaires.