Mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires ultramarins font en effet face à de nombreux défis, que l'on retrouve également dans une moindre mesure sur le territoire métropolitain. On relève des points communs, mais aussi des différences assez importantes d'un territoire à l'autre.
La production de déchets est ainsi beaucoup plus faible par habitant en Guyane qu'au niveau national, mais plus élevée à La Réunion. Autre différence assez générale par rapport à l'Hexagone : le fort recours à la mise en décharge outre-mer.
On peut souligner le rôle important de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans la gestion des déchets, celle-ci apportant un soutien technique pour adapter les technologies aux spécificités des territoires, et jouant un rôle spécifique dans le développement des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) prévu par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Je pense en particulier aux filières des déchets du bâtiment, des emballages, des véhicules hors d'usage, des huiles minérales et des pneumatiques. L'enjeu de la couverture des coûts est particulièrement important, ces derniers pouvant être plus élevés outre-mer, pour de nombreuses raisons.
La loi AGEC prévoit explicitement une majoration de la couverture des coûts pour la filière REP des emballages. L'Ademe et les filières REP ont un rôle à jouer pour faire remonter les données et améliorer les informations à disposition. Les filières REP ont une obligation légale de transmission des données, via les éco-organismes. En revanche, quand les filières REP sont encore inexistantes, comme pour les déchets du bâtiment, il est très compliqué d'avoir des données, ne serait-ce qu'à l'échelle nationale. De nombreuses régions ont toutefois mis en place des observatoires des déchets, qui peuvent aussi contribuer au recueil d'informations, et la loi AGEC fixe une obligation de traçabilité pour la mise en décharge et l'incinération. Faudrait-il élargir le champ de ces obligations ? On peut se poser la question.
S'agissant de l'export des déchets, certaines filières peuvent se développer localement, dans le cas de déchets facilement recyclables, sans doute dans un cadre de coopération régionale pour mutualiser les coûts. Mais, pour certains déchets particulièrement complexes à recycler, il faudra envisager soit un traitement dégradé, par exemple dans un but de valorisation énergétique, soit un système d'export aux fins de traitement. En revanche, tout le processus de tri peut être effectué sur place.
La situation de l'export s'est par ailleurs fortement dégradée depuis la crise de la Covid en 2020, qui a complètement désorganisé le trafic international. Les bateaux ont tout d'abord été bloqués, puis, lors de la reprise économique, la très forte demande a entraîné un engorgement des ports et du trafic maritime. Certaines compagnies ont alors cherché à minimiser au maximum les risques.
En matière d'export de déchets, c'est avant tout la convention de Bâle qui s'applique. Chaque pays par lequel transite un conteneur pouvant se trouver en charge de celui-ci, certains pays de transit n'ont plus donné explicitement leur accord, et certaines compagnies ont imposé une réduction de la durée d'autorisation pour le transport des déchets. Plusieurs réunions se sont tenues entre la DGPR et les deux principales compagnies qui effectuent ces transferts (MSC et CMA-CGM) pour tenter d'identifier tous les leviers de simplification du droit international. Nous portons actuellement des amendements à la convention de Bâle dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), mais le processus est très lourd. Certains pays ont malheureusement un intérêt à ne pas se montrer très diligents dans la gestion de ces containers conteneur de transit, qui viennent encombrer leurs ports sans leur apporter une réelle plus-value économique, même si certains pays appliquent une taxe au transit de déchets.
S'agissant du soutien majoré au développement des filières REP dans les territoires ultramarins, la loi AGEC a prévu un calendrier jusqu'en 2023. Le traitement des dépôts sauvages de véhicules outre-mer fait par ailleurs l'objet de dispositions spécifiques, avec une prime au retour et un plan d'action spécifique, et le développement de la filière REP des huiles minérales est considéré comme prioritaire. Nous veillons par ailleurs à ce que les territoires ultramarins soient traités en priorité par les éco-organismes et que les objectifs définis par la loi s'y appliquent pleinement.
La TGAP a en effet commencé à augmenter en 2021, l'objectif étant celui d'un niveau économique cohérent avec le coût du recyclage. Il revenait en effet moins cher de mettre en décharge des déchets que de les recycler. Cette augmentation doit toutefois être mise en balance avec d'autres mesures, notamment la baisse de la TVA sur le recyclage et celle des frais de gestion pour toutes les collectivités s'engageant dans une démarche de tarification incitative des déchets. La mise en place des filières REP devrait par ailleurs fortement contribuer à la réduction des coûts, notamment pour les déchets du bâtiment.
La question se pose ensuite de savoir comment les recettes de TGAP supplémentaires peuvent bénéficier à l'économie circulaire. L'idée de taxe affectée n'est pas à la mode, ni nécessairement pertinente, mais il faudra néanmoins faire le bilan de ces différentes actions, notamment du développement des filières REP, principal axe d'un potentiel transfert de charges des collectivités territoriales ultramarines vers les émetteurs de déchets sur le marché.
Le niveau du Fonds pour l'économie circulaire, mis en place par l'Ademe, est-il suffisant ? En 2021 et 2022, il a été abondé de 500 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Mais quid en 2023 ?
Des réformes par petites touches ont été engagées pour adapter la TGAP aux territoires ultramarins, afin d'obtenir une réfaction du coût de la taxe de 35 % pour la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique, et de 75 % pour la Guyane et Mayotte, pour s'adapter au niveau de vie des différents territoires.
On constate plutôt une baisse des recettes de TGAP dans les territoires ultramarins, au moins sur la composante « déchets » de cette taxe : elles sont passées de 23 millions d'euros en 2017 à 21 millions en 2019 et 13 millions en 2020. Cette dernière année était certes particulière, avec la Covid, mais la baisse a été plus forte dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone. Est-ce conjoncturel ou structurel ? On attend les chiffres pour 2021, qui seront connus d'ici juillet.
S'agissant des aides spécifiques à l'économie circulaire, sur la période 2017-2021, on avoisine les 130 millions d'euros d'aides émanant du fonds spécifique à l'économie circulaire de l'Ademe, qui est bien utilisé dans les territoires ultramarins. En revanche, on constate une moindre consommation des crédits du Plan de relance, qui visent plutôt des projets déjà dans les cartons et de taille industrielle.