Intervention de Gérald Darmanin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er juin 2022 à 17h05
Incidents au stade de france le 28 mai 2022 – Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'intérieur et Mme Amélie Oudéa-castéra ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques

Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur :

– En ce qui concerne l’emploi des gaz lacrymogènes, j’ai présenté des excuses aux personnes détentrices de billets valides ne posant pas de problème d’ordre public ou étant extrêmement vulnérables - enfants, femmes enceintes, personnes handicapées... - qui ont eu à en souffrir. J’entends que les images puissent paraître choquantes. J’y insiste : les actes disproportionnées ont pu être commis par des individualités, non par la gendarmerie nationale ou la police nationale. Des sanctions seront prises, que je communiquerai à M. le président de la commission des lois et à M. le président de la commission de la culture.

Par contre, je ne vois pas comment faire reculer une foule extrêmement nombreuse, de plus de 15 000 personnes dans le premier point de filtrage, qui s’amasse et pousse ni comment distinguer ceux des supporters ayant des billets valides de ceux ayant de faux billets, sans utiliser des moyens de dispersion, les seuls à la disposition des policiers et gendarmes, à l’exception des grenades anti-encerclement et des LBD dont ils n’ont évidemment pas fait usage.

Je veux dire une nouvelle fois qu’il n’y a pas eu de blessés graves ni de morts grâce au comportement des policiers, des gendarmes, des stadiers et de l’autorité préfectorale. Il y a eu de très nombreux désagréments, un usage parfois disproportionné de la force, j’en conviens. Des conclusions sont à tirer et des sanctions à prendre, mais le but ultime de l’ordre public est bien d’éviter tout décès ou blessures graves. On peut également rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes de la République, ce qui a été rarement souligné.

Madame Boyer, j’ai lu comme vous ces évocations d’agressions sexuelles. À ma connaissance, aucune plainte n’a été déposée. Je veux dire une nouvelle fois aux victimes de déposer plainte et rappeler aux personnes étrangères qu’elles peuvent le faire depuis leur ville d’origine. Je demande également aux journalistes de porter les éléments à leur disposition à la connaissance de la police et de la justice.

Monsieur Assouline, je peux vous communiquer le télégramme d’instruction envoyé aux forces de l’ordre. Pour en avoir fait une lecture rapide – je ne l’ai évidemment pas validé moi-même, mais j’en endosse la responsabilité – il ne comporte rien de disproportionné.

Monsieur le président de la commission des lois, le préfiltrage a permis d’éviter l’arrivée massive de personnes sans billet valide aux portes des grilles du Stade de France et sa levée a permis d’éviter des drames. Il a bien fonctionné : à 21 h, 97 % des Madrilènes sont à leur place, contre 50 % pour les supporters de Liverpool.

On peut accuser le hasard – Dieu qui se promène incognito, comme dirait Einstein… Mais je constate qu’il n’y a pas eu de faux billets côté madrilène, ni surnuméraire, ni forçage de porte, à l’exception d’une petite échauffourée à l’angle nord…

Oui, une grande partie des supporters britanniques se sont très bien comportés, mais des milliers d’entre eux avaient de faux billets. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas revoir un certain nombre de choses, mais je constate que pour le même événement avec la même grève, avec les mêmes gendarmes mobiles, avec le même préfet de police, avec le même ministre de l’intérieur, dans le même stade, dans le même pays, il y a eu des comportements différents...

Dès le lendemain se produisait l’intrusion inacceptable sur le terrain, à Saint-Étienne. Lorsque le ministre de l’intérieur interdit des déplacements de supporters, ce n’est jamais de bon gré ; je refuse, parfois, des interdictions proposées par les services, je relis chacune des décisions qu’on me propose. J’ai été moi-même très longtemps supporter dans le Nord : je vois très bien la joie et le bonheur que cela apporte. C’est toujours la division nationale de lutte contre le hooliganisme et les préfets qui proposent ce type de décisions.

Les incidents dans les matchs de football se multiplient ces derniers mois ; j’ai moi-même présidé avec le garde des sceaux une réunion voilà six mois avec la Fédération française de football sur le sujet. N’oublions pas qu’il y a encore quelques semaines, un joueur de foot professionnel a été agressé sur le terrain par des supporters. Le fan de foot que je suis le regrette, mais on ne constate pas ce problème dans d’autres sports.

Il faut être de mauvaise foi pour ne pas voir que les matchs de football, particulièrement ceux impliquant des clubs à risques, posent des problèmes, notamment concernant la vente à la sauvette, une délinquance effectivement très préoccupante. Mais le problème devrait être en grande partie réglé grâce à l’amende forfaitaire délictuelle que vous avez votée : comme pour la consommation de drogue ou l’installation illicite sur un terrain, elle permettra d’éviter la procédure longue et difficile qui a cours aujourd’hui.

Madame la sénatrice, je partage votre désappointement quant au fait qu’il n’y ait pas eu de fouille, mais au bout d’un moment, devant la foule, nous n’avons contrôlé ni les billets ni les personnes, puisqu’il fallait faire rentrer des gens dans un stade, alors que d’autres, des femmes, des enfants risquaient d’être écrasés contre les grilles.

Monsieur Richard, la ligne B ne fonctionne pas toujours très bien… Je constate d’ailleurs que, vendredi prochain – c’est sans doute un hasard si c’est aussi le jour du match France-Danemark – une nouvelle grève est prévue. Ce n’est certes pas la première fois, mais, même en cas de grève du B, le RER D n’a jamais accueilli 35 000 personnes de plus au stade. Quiconque a géré une collectivité locale, sait très bien qu’accueillir 40 ou 50 % de personnes de plus que ce qui est prévu n’est pas une mince affaire. Or la grève du RER B aurait dû générer deux fois plus de voyageurs sur le D, pas trois fois et demie plus !

Il faut peut-être prévoir désormais, lorsqu’il pourrait y avoir 40 000 personnes surnuméraires autour d’un stade, que les moyens en UFM soient revus à la hausse. À ce propos, monsieur le sénateur, ce n’est pas trente-six, mais trente-trois UFM que nous avons mis à disposition du préfet de police, soit un tiers de celles qui sont à disposition du ministre de l’intérieur. C’est effectivement mon cabinet, sous mon autorité, qui, tous les jours, valide cette répartition. J’ai moi-même reçu le préfet de police la semaine précédente pour qu’il m’explique succinctement le dispositif qu’il mettait en place ; je veux rappeler ici toute la confiance qu’il m’inspire.

Pourquoi n’y en a-t-il eu que dix sur trente-trois autour du Stade de France ? C’est qu’il en fallait quatre autour des « fan zones », deux dans les aéroports, quatre sur les Champs-Élysées, mais aussi pour la nuit, sur les aires d’autoroute, dans les transports en commun, des unités de repli en cas d’attentat ou de manifestation. Il n’était pas disproportionné d’imaginer que dix suffiraient au Stade de France – c’est toujours deux de plus que pour la finale de la Coupe de France. C’était même un peu surévalué, en réalité : ce qui nous a manqué, ce ne sont pas des effectifs d’ordre public, mais de sécurité publique.

Il faut dire aussi que la France manque cruellement d’UFM ; nous devons parfois un mois de congé aux gendarmes mobiles et aux CRS qui ont fait la Nouvelle-Calédonie, les Antilles, la présidence française de l’Union européenne, les grands événements sportifs, les déplacements des autorités. Or quinze de ces unités ont été supprimées en dix ans – mais nous proposons d’en recréer onze.

Monsieur le sénateur Dominati, la difficulté est liée à la fonction : depuis que je suis ministre de l’intérieur, on a réclamé six fois ma démission lors d’auditions au Parlement. Aujourd’hui, on ne l’a pas fait… C’est de bon augure ! Mais je sais que cela n’a rien de personnel. En son temps, l’opposition avait réclamé la démission de M. Cazeneuve lors de l’affaire de Sivens.

Quand je suis devenu ministre de l’intérieur, les syndicats de police disaient : les ministres passent, les syndicats restent. Je constate que, grâce au Président de la République, le ministre de l’intérieur est resté. J’espère que cette continuité permettra d’engager des réformes que nous appelons tous de nos vœux. Je serai toutefois moins dur que vous sur la réforme de structure de la préfecture de police…

Madame la ministre des Sports et moi-même n’organisons pas les matchs de football en France, nous ne tenons pas la billetterie, nous n’embauchons pas les stadiers, nous ne contrôlons pas les billets et nous ne touchons pas l’argent qui va avec… La responsabilité est donc à tout le moins partagée dans cette affaire.

Je fournirai à la commission tous les documents souhaités.

Madame de La Gontrie, après vérification, l’hélicoptère qui a volé au-dessus du Stade de France appartenait à l’organisateur et non aux forces de l’ordre. Nous n’avons pas d’images aériennes. N’hésitez pas à voter la prochaine loi qui donnera les moyens nécessaires au ministère de l’intérieur ! Nous n’avons pas le droit de capter de telles images, même par hélicoptère.

Sur la modernisation de l’ordre public, sur la formation de nos policiers, sur la gestion des grands événements, sur la lutte contre la délinquance, sur la lutte antidrones, sur les images que nous pourrions utiliser, sur les attaques cyber, il est évident que le Gouvernement, et le ministère de l’intérieur en particulier, a des efforts très importants à fournir pour la coupe du monde de rugby, qui rassemblera 2,5 millions de personnes, et pour les jeux Olympiques. Je propose de venir vous présenter périodiquement la modernisation réalisée en prévision de ces échéances. Élu moi-même, je crois profondément à l’intérêt des contre-pouvoirs et à l’inspiration qu’apportent la Haute Assemblée comme l’Assemblée nationale.

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