Intervention de Gérard Longuet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 juin 2022 à 9h05
Contrôle budgétaire — Comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants - communication

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur spécial :

La bonne question est effectivement celle de l'articulation entre les commissions spécialisées et la commission des finances. Le coût de l'éducation nationale est essentiellement un coût salarial. Nous devons nous demander si les gens travaillent dans des conditions leur permettant de produire des résultats comparables à ceux d'autres systèmes. Notre réflexion est à l'échelon européen. L'OCDE a fait un énorme effort de comparaison.

Que voulons-nous ? Des jeunes formés pour réussir leur vie. Quel système le permet ? Ma conviction est que sans une reconnaissance de l'établissement, sans une très forte décentralisation et sans l'implication d'adultes responsables, à commencer par les élus locaux, l'enseignement ne peut pas marcher. Le modèle idyllique de la IIIe République est aujourd'hui irréaliste et absurde. Ce sont les élus, les parents, les enseignants et, accessoirement, les élèves qu'il faut rendre un peu plus responsables.

L'OCDE établit un indice du climat disciplinaire à l'école : seuls l'Argentine et le Brésil ont un indice plus défavorable que le nôtre ! Ce mauvais climat disciplinaire explique en grande partie l'hésitation des adultes à devenir enseignants dans le secteur public.

Madame Lavarde, la force de l'enseignement libre sous contrat, catholique ou non, tient à une forme de rente de situation - un peu comme celle dont les grandes surfaces ont bénéficié après la loi Royer.

Les accords qui ont conduit à la loi Debré prévoient 20 % de moyens publics au maximum pour le privé sous contrat. Or la demande est très forte, notamment en région parisienne, dans toute l'Île-de-France et dans les métropoles : partout où il y a des problèmes, les parents sont prêts à payer un peu plus pour scolariser leurs enfants dans l'enseignement libre - où les établissements ont plus de libertés, notamment dans le choix et la gestion des enseignants.

Dans ces conditions, les établissements privés sous contrat peuvent hausser le niveau, celui des enseignants comme celui des élèves. Au reste, quand on monte l'un, on monte aussi l'autre...

Résultat : l'enseignement privé, autrefois l'école de la deuxième chance, est aujourd'hui celle de la première chance, à la faveur de la rente de situation que l'État lui a accordée. Le jour où l'enseignement libre sous contrat verra ses effectifs augmenter, il sera obligé de s'intéresser enfin à des élèves qui posent des problèmes.

Le fait que les parents paient rejaillit aussi sur la discipline : celle-ci est beaucoup plus facile à tenir quand les parents sont impliqués dans l'éducation de leurs enfants. Il y a, certes, ceux qui paient pour s'en débarrasser, mais ce ne sont pas des parents...

La campagne de communication suggérée par M. Lefèvre est une excellente idée. Les gardiens de prison ont bien droit à une campagne de valorisation de leur métier. Et on mène des campagnes publiques dont on pourrait se passer ! Dire du bien des enseignants ne coûterait pas bien cher et porterait peut-être des fruits.

En effet, monsieur Karoutchi, tout ce que nous disons est connu depuis quarante ans. Seulement voilà : on a fait uniquement du quantitatif au lieu de s'intéresser aux problèmes qualitatifs - François Hollande a été exemplaire de cette erreur.

On construit des lycées avec des ambitions architecturales, mais qu'on ne peut pas entretenir parce que l'architecture est absurde. On conçoit des lycées avec une ouverture sur la pédagogie ou le travail collectif, en prévoyant un centre de documentation ou des bâtiments économes. Tout cela est fort bien, mais les plus mal traités sont les enseignants, alors que ce sont eux qui font tourner la boutique...

La formation pédagogique est essentielle. C'est une erreur d'envisager l'école comme l'université. À l'université, on a affaire à des adultes motivés pour apprendre : on peut donc faire un cours disciplinaire. Pour payer mes études, j'ai été professeur de français : parler du français à des gamins qui s'en moquent, c'est infernal... L'aptitude pédagogique est donc un prérequis. Pour enseigner des choses simples à des gens non motivés, il faut être très compétent.

Monsieur Delahaye, je suis d'accord avec votre comparaison avec l'hôpital. On a des structures, mais on ne réfléchit pas à leur finalité, et pas assez au rôle des personnels.

En ce qui concerne la Finlande, les professeurs y sont, en effet, un peu mieux payés que chez nous - 40 000 euros par an en moyenne. Le nombre d'élèves par classe est très inférieur à ce qu'il est en France, de l'ordre de la quinzaine. Surtout, la fraternité entre l'enseignant et les élèves est beaucoup plus forte. Les seconds respectent le premier, en sorte que celui-ci peut établir un lien avec chaque élève. En France, au contraire, le professeur est souvent en situation défensive : pour asseoir son autorité, il s'efforce de marquer sa différence, quitte parfois à dégrader l'élève. Dans les systèmes anglo-saxons, les enseignants motivent davantage les élèves et leur donnent confiance en eux.

J'ajoute, quitte à choquer, que la population finlandaise est relativement homogène et partage des valeurs communes. C'est déjà plus compliqué en Suède.

Monsieur de Legge, les études statistiques existent toutes. S'agissant du nombre d'heures par professeur, il est plus élevé en France - 900 heures par an - que dans la plupart des autres pays européens. Ces heures sont en revanche réparties sur moins de jours de classe : 160, contre 180 en moyenne européenne. Nos enseignants travaillent donc beaucoup devant leurs élèves et ont une moindre disponibilité pour le travail annexe, que, de surcroît, les bâtiments ne permettent pas.

Or ce travail est essentiel pour motiver les élèves. Motiver un élève, cela prend parfois un quart d'heure, mais cela sert toute l'année ; et l'on évite d'avoir un chahuteur qui décourage les autres. Il y a trop d'heures de classe et pas assez d'heures de contact, de présence dans l'établissement et de recadrage de chaque élève. À cet égard, les établissements libres sous contrat peuvent et savent faire mieux.

Le problème, en matière de rémunération, c'est qu'on ne peut pas la différencier par discipline. Dans certaines disciplines, si on veut des bons professeurs, il faut faire le nécessaire.

Il a été question de l'armée. On peut imaginer des retours vers l'enseignement : l'enseignement libre sous contrat le pratique, mais on ne sait pas le faire dans l'enseignement public, sauf dans les lycées professionnels.

Je suis d'accord avec M. Delcros sur la densité de peuplement. En France, ça coûte plus cher, parce qu'on est moins nombreux au kilomètre carré... Une fois qu'on le sait, on en tient compte.

Pour motiver des bons, il faut des agrégés. Comment les gérer, c'est un peu plus compliqué. Les établissements pourraient avoir la liberté de choisir entre un agrégé, qui coûte davantage, et un certifié. Je ne sais pas régler cette question au plan national.

M. Segouin, le taux d'encadrement est d'un enseignant pour 19 élèves dans le primaire, et d'un pour 23 dans le secondaire. Ce serait tout à fait honorable si nous savions établir des liens entre les professeurs, les élèves et les parents.

Comme un orateur l'a souligné, les relations avec les parents sont l'un des facteurs les plus fortement perturbateurs. Certains parents ne s'occupent pas de leurs enfants, ce qui est une erreur. Sans parler de ceux qui s'en occupent mal et agressent les enseignants, avec des motivations très dangereuses pour la société française. Il y en a aussi qui s'occupent bien de leurs enfants et jouent le jeu avec les enseignants.

Le job dating, pourquoi pas ? Le recours au contrat est une nécessité absolue, une question de survie, en Île-de-France, notamment dans les académies de Créteil et de Versailles. Le taux de recours au contrat a crû de 7,7 à 9,2 % au cours des cinq dernières années. C'est inévitable, même si cela peut surprendre, voire choquer. Pour l'instant, on ne sait pas faire autrement.

S'agissant des affectations, monsieur Meurant, il y a une sorte d'« amphi de garnison », mais aussi des aléas. C'est un facteur d'autorité majeur des syndicats de faire croire qu'ils gèrent les affectations, et parfois de les gérer effectivement.

Quant au numérique, monsieur Rapin, mon temps de parole étant dépassé, je dirai simplement que ça ne marche pas trop mal... En la matière, le confinement a été plus efficace que les programmes ministériels !

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