Je serai relativement bref, puisque, comme notre président vient de l'annoncer, nous reviendrons sur le financement de l'audiovisuel, avec Jean-Raymond Hugonet, dans le cadre de la mission de contrôle conjointe menée avec la commission de la culture.
Mon rapport de contrôle porte non sur le financement global de l'audiovisuel, mais sur la tentative de France Télévisions de créer des filiales ou des sociétés commerciales pour déconcentrer un certain nombre d'activités et, en principe, dégager des ressources supplémentaires.
France Télévisions a ainsi constitué progressivement un certain nombre de sociétés, à l'image de france.tv studio, qui regroupe la production audiovisuelle, le sous-titrage et l'audiodescription, et france.tv distribution, qui gère notamment la distribution internationale des programmes, les parts producteurs et la vente des licences.
Ces créations sont-elles un moyen de dissimuler des transferts de personnel et répondre ainsi à l'objectif de 160 millions d'euros d'économies demandés par la tutelle à France Télévisions entre 2018 et 2022 ? Pas vraiment, même s'il convient de nuancer s'agissant de france.tv studio. J'y reviendrai.
Le rapport traite également des prises de participation du groupe France Télévisions. La plus importante d'entre elles concerne la plateforme SALTO. J'avais annoncé, dès le début, que SALTO serait un échec pathétique. France Télévisions nous a assuré que nous nous trompions, que l'accord avec TF1 et M6 serait redoutable... On a vu France Télévisions investir mais SALTO est bien un échec en nombre d'abonnés, en diffusion et, sincèrement, en intérêt.
Résultat des courses : en mars dernier, France Télévisons a indiqué que, en cas de fusion TF1-M6, elle se retirerait de SALTO. Je considère, au vu de l'échec de SALTO, que, même sans la fusion, il n'y pas d'intérêt pour le service public à continuer. Il faut arrêter cette expérience malheureuse, qui a coûté cher depuis trois ans.
Revenons aux filiales et abordons celles dédiées au financement du cinéma. France 2 Cinéma et France 3 Cinéma représentent chacune six emplois à temps plein ; ce n'est donc pas ça qui coûte le plus cher... On peut néanmoins s'interroger sur l'intérêt de disposer de deux entités. Les personnels concernés, certainement passionnés, nous expliquent que les choix opérés par chacune d'entre elles sont très différents : des films un peu plus grand public pour France 2 Cinéma, un peu plus culturels et territorialisés pour France 3 Cinéma. En gros, La Grande Caravane, c'est sur France 2, et Jacquou le Croquant sur France 3...
Votre rapporteur spécial a la faiblesse de penser qu'il n'y a pas vraiment deux filiales : ceux dont le projet n'a pas été retenu par France 2 Cinéma le proposent à France 3 Cinéma. Les films financés ne se retrouvent par ailleurs pas forcément sur l'antenne du financeur. Je relève que France Télévisions a placé au-dessus des deux entités un directeur cinéma et un comité de sélection qui chapeautent l'ensemble.
Les deux structures pourraient donc parfaitement être fusionnées. La situation actuelle paraît illogique, même si, je le répète, les économies liées au regroupement seraient modestes.
Les deux autres filiale étudiées dans le rapport, france.tv studio et france.tv distribution se développent, pas de manière considérable mais tout de même.
La première est passée de 677 heures en 2019 à 1 812 heures en 2020, à la faveur aussi de la pandémie. Le chiffre d'affaires global est de 113 millions d'euros, en forte progression, mais seulement 3 à 4 millions d'euros par an remontent à France Télévisions. france.tv studio représente-t-elle un apport financier supplémentaire ? Pour le moment, ce n'est pas très convaincant, même si cela contribue à gérer la participation de France Télévisions à la production audiovisuelle française, avec des chefs-d'oeuvre qui ne vous ont pas échappé.
Par rapport à la BBC, qui a l'avantage du large marché anglophone, il est clair qu'il n'y a pas de comparaison possible.
France.tv Studio a-t-elle été un moyen de réduire le personnel de France Télévisions ? Pas pour le moment, à l'exception de deux équivalents temps plein, mais des discussions sont en cours avec les syndicats sur des transferts. France Télévisions envisage de transférer 75 emplois , ce qui ferait une économie pour elle, mais pas forcément pour les deniers publics. Je relève que les personnels de france.tv studio sont, essentiellement, des intermittents du spectacle, dont les indemnités de chômage sont prises en charge par l'Unedic. La réduction de la masse salariale de France Télévisions permise par le transfert de personnels vers france.tv studio serait donc artificielle en matière de finances publiques.
En matière de distribution internationale, il faut reconnaître que nous avons du mal à vendre. Nous avons vendu Un si grand soleil à la Grèce et à la Turquie, soit... Mais c'est sans commune mesure avec les ventes de la BBC. Nos séries coûtent cher et sont peu exportables, même si nous avons un peu mieux vendu Dix pour cent et Derby Girl.
Pouvons-nous développer la distribution ? Oui, si nous laissons un peu plus de marge de manoeuvre aux acteurs. Le décret du 30 décembre 2021 a ménagé quelques souplesses, mais il faut probablement négocier de nouveaux accords avec les producteurs pour renforcer la capacité à exporter de la filiale. Je note en outre que france.tv distribution a connu quatre présidents en cinq ans... La capacité d'action étant faible, pour ne pas dire nulle, les présidents nommés préfèrent peut-être faire autre chose.
Je me résume : on peut, par cohérence, fusionner France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, même si cela ne rapportera pas grand-chose ; il faut sortir de SALTO, que la fusion TF1-M6 ait lieu ou non, car c'est un échec commercial et financier, comme nous l'avions prévu - il eût été préférable que France Télévisions fasse une plateforme avec Arte ou l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ; s'agissant de france.tv studio et de france.tv distribution, il faudra surveiller qu'il n'y ait pas de transfert d'un trop grand nombre de personnels vers l'Unedic ; enfin, il faut renégocier le cadre de la distribution des coproductions financées par France Télévisions.
Nous avons des faiblesses par rapport à la BBC, mais nous avons aussi des séries, des films et des documentaires qui peuvent se vendre. Arte réussit plutôt dans ce domaine.
France Télévisions a fait des efforts, en particulier pour réduire ses coûts, mais n'a pas de politique ambitieuse en matière de production ou de distribution. Je ne dis pas que nous pouvons égaler la BBC, mais nous pouvons faire des progrès.