Nous recevons aujourd'hui M. Éric Béranger, président-directeur général de MBDA.
Monsieur Béranger, nous souhaitons vous entendre sur la situation de l'industrie des missiles et des systèmes aéronautiques à la lumière de la guerre en Ukraine, mais aussi faire le point sur les coopérations européennes qui sont au coeur des activités de votre entreprise. Je rappelle que, après avoir entamé votre parcours dans le domaine spatial au sein d'Astrium puis d'Airbus Defense and Space, vous avez pris la direction de MBDA le 1er juin 2019.
Cette entreprise présente une double particularité. Elle est, d'abord, le leader européen de l'industrie des missiles, des munitions dites complexes et, plus largement, des systèmes d'armes aéronautiques dans toutes les dimensions : sol-sol, sol-air, air-sol et bien sûr air-air. MBDA est par ailleurs une co-entreprise, détenue à la fois par Airbus (37,5 %), à parité avec le britannique BAE Systems et l'italien Leonardo, à hauteur de 25 %. Vous êtes donc un acteur incontournable et avisé de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne.
À l'heure de la guerre en Ukraine, l'entreprise MBDA se trouve au coeur des enjeux majeurs, mais aussi des contradictions qui apparaissent entre pays membres de l'Union européenne. Vous pourrez ainsi nous expliquer comment votre entreprise concilie les impératifs de souveraineté des États avec les contraintes de la coopération sur certains grands programmes - défense anti-aérienne avec le système Mamba franco-italien ou futur missile de croisière et antinavire franco-britannique (FMAN-FMC) par exemple. Votre organisation ne pourrait-elle servir d'exemple à la recherche d'une solution dans le difficile dossier du système de combat aérien du futur (SCAF) ?
Alors que de nombreux pays européens se sont rangés à la nécessité de renforcer leurs budgets militaires - l'Allemagne prévoit la dotation d'un budget annexe de 100 milliards d'euros -, quelle est votre vision des opportunités données à la BITD européenne pour que cette manne financière ne profite pas uniquement au complexe militaro-industriel américain ou à des concurrents extraeuropéens ? La fourniture de missiles Patriot américains ou du système « dôme de fer » israélien a été évoquée. Quelles réponses pouvez-vous apporter dans ce domaine ?
Enfin, la question des munitions nous intéresse tout particulièrement. Nous avons entendu, le 4 mai dernier, M. Joël Barre, délégué général pour l'armement. Il a convenu que la question des stocks de munitions constituait l'un des points de difficulté de la loi de programmation militaire (LPM) sur lesquels il faudra progresser à la lumière des conflits de haute intensité. Il a notamment mentionné les stocks en cours de constitution, s'agissant des missiles de croisière navals (MDCN) et des missiles moyenne portée (MMP). En matière de MMP, nous disposerons ainsi, à l'issue de la LPM, de l'équivalent en stock de ce qui est utilisé en Ukraine en une semaine...
Plus largement, nous nous posions déjà la question de l'équilibre entre la rareté de nos systèmes d'armes les plus coûteux et le constat établi en Ukraine de l'utilisation en grand nombre de munitions à faible coût. Vous avez vous-même déclaré dans la presse que « le choix n'est pas entre un armement high-tech et un armement moins sophistiqué, mais abondant. Les deux sont nécessaires ». Nous en sommes convaincus, mais quelles sont vos propositions pour y parvenir, compte tenu des contraintes budgétaires et, maintenant, des contraintes de production liées à la pénurie de composants électroniques et de métaux rares ?
Alors qu'un nouveau gouvernement se met en place, votre analyse nous sera utile pour l'actualisation de la LPM en cours et l'élaboration de la suivante.