Quand vous parlez de « l'Europe », de quelle institution s'agit-il exactement ?
Pr. Sophie Gautier. - De la commission de pharmacovigilance européenne, qui se réunit tous les mois pour examiner les signaux qu'on lui a fait remonter et qui décide, après expertise, de les clore ou pas. Lorsque la commission clôt un signal, elle ne cesse pas forcément de le suivre ; elle ne fait qu'apporter une première réponse négative sur l'existence d'un lien avec le vaccin.
C'est donc l'agence qui identifie les signaux à partir du recueil de témoignages.
Pr. Sophie Gautier. - À partir des déclarations de pharmacovigilance.
Une fois que l'ANSM a fait le signalement auprès de la commission de pharmacovigilance européenne, celle-ci peut décider de clore l'instruction pour absence de preuves ?
Pr. Sophie Gautier. - En tout cas pour absence d'éléments établissant un lien avec la vaccination.
À la suite d'études réalisées aux États-Unis, l'Europe a décidé de rouvrir le signal sur les troubles menstruels, en février dernier, sur deux points particuliers : les saignements abondants qui gênent la vie quotidienne et les aménorrhées, soit les absences de règles pendant plus de trois mois. L'enquête est en cours et ses résultats devraient être publiés au mois de juin prochain. La France n'était pas la seule à faire remonter le signal. La Norvège, la Suède et la Grande-Bretagne ont insisté sur la quantité de cas enregistrés. Même si les effets de ces troubles sont considérés comme bénins, car ils ne conduisent pas à l'hospitalisation, leurs conséquences sur la vie des personnes concernées restent préoccupantes.
Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance. - Je confirme les propos de ma collègue, en tant que référent pour le vaccin Pfizer avec les trois autres centres de Bordeaux, Strasbourg et Toulouse. En effet, dès l'été 2021, nous avons analysé 230 cas de troubles menstruels. Tous nos rapports figurent sur le site de l'ANSM. Nous avons poursuivi l'enquête et publié, dans notre rapport de décembre 2021, l'analyse de 3 870 cas de troubles menstruels sur dix pages. Ce niveau de détail est révélateur d'une analyse à la française, presque chirurgicale.
Quand on parle de troubles menstruels, cela couvre en médecine différentes situations. Il a donc fallu mener un travail d'investigation très important et très fin pour identifier un certain nombre de situations cliniques dont nous avons suivi l'évolution. Nous avons pour cela recueilli l'histoire individuelle de chacune des patientes - cycle, aménorrhée, retard de règles. Il était indispensable de réaliser cette analyse à partir des symptômes plutôt que du diagnostic, même si le recueil de ces précisions médicales et pharmacologiques exigeait davantage de temps.
Enfin, concernant les enfants, en pharmacovigilance, nous réceptionnons et nous analysons toutes les déclarations qui nous parviennent, quel que soit l'âge des patients concernés. Nous n'avons aucun a priori quant aux populations et nous n'opérons aucun tri. Dès lors qu'un effet indésirable nous est signalé, nous le réceptionnons, nous l'analysons et le documentons. Actuellement, aucun signal ne concerne les enfants, malgré l'existence d'un suivi spécifique.