Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 mai 2022 à 14h10
Audition publique sur les effets secondaires des vaccins contre la covid-19

Cédric Villani, député, président de l'Office :

J'entends des dénégations de la part des experts de l'ANSM.

Dr Amine Umlil. - Nous ne les avons pas interrompus ! Nous les avons écoutés attentivement et longuement, même si, pour ma part, j'étais loin d'être d'accord avec eux : nous avons assisté à un véritable festival d'affirmations générales, destinées à nourrir une appréciation d'ordre général.

Pour ma part, j'aborderai des faits précis, extraits du rapport que j'ai transmis aux rapporteurs, et je répondrai à toutes les questions qui me seront posées.

Je centrerai mon propos sur le vaccin Pfizer-Comirnaty - c'est le plus prescrit, le premier autorisé et celui pour lequel on a le plus de recul -, mais mon raisonnement est bien entendu transposable aux autres vaccins.

Étant donné le statut retenu, celui d'une AMM européenne, centralisée, conditionnelle et dérogatoire d'urgence, nous étions en attente d'informations complémentaires, qu'il s'agisse du rapport bénéfices-risques ou de la composition même du vaccin, ce que je considère comme inédit, en tant que pharmacien.

La phrase suivante figure dans un document publié par l'Agence européenne du médicament, auquel on peut accéder par le site de l'ANSM. Ce constat était dressé en avril 2021 et il me semble toujours valable : « L'Agence européenne du médicament attendait des preuves complémentaires concernant la caractérisation de la substance active et du produit fini, le renforcement de la stratégie de contrôle afin d'assurer une qualité constante du produit, des données de validation supplémentaires en vue de confirmer la reproductibilité du procédé de fabrication du produit fini, le procédé de synthèse et la stratégie de contrôle de deux excipients qui seraient nouveaux, l'ALC-0315 et l'ALC-0159, en vue de confirmer leur profil de pureté et d'assurer un contrôle de qualité et une reproductibilité entre les lots tout au long du cycle de vie du produit fini. »

En tant que pharmacien, je ne sais pas comment on a pu libérer un lot, étant donné que le procédé de fabrication n'était pas complètement caractérisé.

Un vaccin est un médicament avec deux facettes inséparables, rappelant étrangement une pièce de monnaie : le bénéfice et le risque. L'appréciation du risque se fait au regard du bénéfice escompté par catégories d'âge, démontré par des preuves de haute qualité. Le vaccin s'adresse à des personnes en bonne santé ; et, si le bénéfice n'est pas démontré, le rapport bénéfices-risques est nécessairement défavorable. Je vous renvoie, à cet égard, à la définition de l'OMS.

Comme l'a dit Mme la rapporteure, l'information de la population est le coeur du conflit qui nous réunit aujourd'hui. Elle rejaillit en effet sur les règles de prescription et sur le consentement libre et éclairé.

Les documents officiels permettent de l'affirmer sans difficulté aucune : en décembre 2020, le jour où la campagne de vaccination a été lancée, la preuve d'une quelconque efficacité du vaccin n'avait pas été apportée, qu'il s'agisse des formes graves ou de la transmission virale. On a également oublié de dire que l'essai clinique restait en cours et que l'on était face à un produit expérimental.

Il s'agit bien d'un pari biologique. Cela ne me pose pas de problème ; mais la population a-t-elle été informée ?

Le Covid-19 a tué, c'est certain. Mais il ne figure toujours pas sur les deux listes réglementaires des maladies à déclaration obligatoire, consacrées par les articles D. 3113-6 et D. 3113-7, associés à l'article L. 3113-1 du code de la santé publique.

Dans un document daté du 17 juillet 2021 et intitulé « Covid-19 et vaccins », l'organisation professionnelle Les Entreprises du médicament (LEEM) l'affirme : le Covid est plus contagieux que le SRAS et le MERS, mais présente un moindre taux de mortalité.

Malgré l'insuffisance et même l'absence de données, on a injecté le vaccin aux plus de 75 ans, par qui on a même commencé, aux immunodéprimés - à ce titre, je répondrai au représentant de la task force Vaccination tout à l'heure -, aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent et bien sûr aux enfants.

Je parle également en qualité de juriste, spécialisé en droit de la santé et responsable de la pharmacovigilance depuis vingt ans au centre hospitalier de Cholet.

La pharmacovigilance au sens du code de la santé publique ne consiste pas uniquement à répertorier les effets indésirables, mais à prévenir ces effets indésirables, notamment graves, comme les décès.

Le problème, c'est le lien de causalité, dont nous serons appelés à parler.

Pour prévenir les effets indésirables et, ce faisant, éviter de surcharger les centres de pharmacovigilance, il faut commencer par respecter les règles de prescription : un médecin doit prescrire selon les données acquises de la science ; un médecin comme un pharmacien, en vertu de son indépendance professionnelle, a le devoir de faire barrage aux prescriptions qui ne sont pas conformes aux données acquises de la science.

Le 11 avril 2021, nous recevons un courriel « DGS Urgent » indiquant que l'on peut aller jusqu'à trois doses chez les immunodéprimés. Or qu'indique l'AMM conditionnelle, dans sa rubrique « mise en garde spéciale » ? Que l'on ne dispose pas de données pour cette population.

Au titre du code de la santé publique, cela s'appelle un mésusage, autrement dit un comportement intentionnel inapproprié, s'écartant du cadre défini par l'AMM.

« L'urgence ne justifie pas tout ». Vous avez opposé ce principe à des traitements anciens, comme l'hydroxychloroquine, et je ne le conteste pas. Ce que je conteste, c'est le fait qu'il y ait deux poids, deux mesures.

L'information est un droit pour toute personne. Le paternalisme médical est révolu, depuis au moins la loi Kouchner. Je pose cette question au professeur Fischer : avez-vous demandé l'avis de la population ?

Je vous renvoie au code de la santé publique et aux bonnes pratiques de pharmacovigilance, établies le 2 février 2018 par la direction générale de l'ANSM. Ces dernières sont annexées au code de la santé publique et sont donc, elles aussi, opposables.

En vertu de ces textes, l'information doit être claire, loyale et appropriée.

On m'informe que des problèmes techniques perturbent la diffusion de cette table ronde sur le site internet du Sénat. Je suis donc dans l'obligation de suspendre nos travaux pour quelques instants.

(L'audition, suspendue à 16 heures 10, reprend à 16 heures 35.)

Dr Amine Umlil. - Les constats que j'ai présentés précédemment conduisent à s'interroger sur les conditions de prescription et de dispensation pharmaceutique, d'autant que la méthode d'imputabilité utilisée en pharmacovigilance a deux limites, connues et admises par tous.

Premièrement, elle présente une importante sous-notification. En novembre 2021, le réseau français des trente-et-un centres de pharmacovigilance twittait que seul un effet indésirable sur dix remontait.

Deuxièmement, cette méthode ne permet pas d'affirmer avec certitude un lien de causalité. Je vous renvoie aux nombreuses conférences que j'ai consacrées à cette question : si la pharmacovigilance ne peut affirmer ce lien avec certitude, ce n'est pas pour cacher quoi que ce soit, mais à cause d'une limite propre à la méthode.

Cela étant, dans un rapport de 2011, l'IGAS a formulé de sévères critiques à l'égard de la pharmacovigilance française, en soulignant que celle-ci refusait de faire évoluer ses méthodes : dès lors, ses outils sont en décalage avec les objectifs affichés de la pharmacovigilance.

Je prendrai un premier exemple : les chiffres des décès. D'après le rapport n° 2 du 28 janvier 2021 publié sur le site de l'ANSM, une méthode d'imputabilité a été fixée, mais elle ne semble pas avoir été respectée. Que dit cette méthode ? Que l'on peut écarter la responsabilité du vaccin « dès lors qu'une autre cause, certaine, permet d'expliquer l'effet indésirable, notamment le décès ».

Or le rapport n° 18 publié sur le site de l'ANSM, dont les données s'arrêtent, de mémoire, au 26 août 2021, répertorie 905 décès. On y lit que seules les personnes nées vivantes et de moins de 50 ans ont fait l'objet d'une analyse approfondie : pourquoi ? De ce fait, 35 décès ont fait l'objet d'une analyse approfondie et 16 d'entre eux sont considérés comme étant « de cause inconnue ». En d'autres termes, il n'y a pas d'autre cause certaine permettant d'expliquer le décès. On aurait donc dû publier la conclusion suivante : on ne peut pas écarter le rôle du vaccin.

Je prendrai un second exemple : le cas d'un enfant qui a perdu la vue. À la demande de ses conseils juridiques, je lui ai consacré deux expertises juridiques.

Toute la batterie des tests menée selon la méthode de l'ANSM s'étant révélée négative pour cet enfant, j'ai rendu la conclusion suivante : présomption simple de causalité et non présomption irréfragable, car aucune autre cause certaine ne permet d'expliquer pourquoi, quatre jours après la première injection, cet enfant est devenu aveugle.

Au sein de l'hôpital de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui avait pris cet enfant en charge, la pharmacovigilance officielle a rendu la même conclusion que moi. Elle figure dans un courrier en notre possession : on ne peut pas exclure le rôle du vaccin. Je n'ai pas vu cette phrase dans le rapport de l'ANSM à la date du 26 août 2021.

Quand j'ai constaté que l'on écartait si facilement des cas précis, j'ai cessé de lire les documents publiés sur le site de l'ANSM. Pourtant, depuis le début de la crise, je n'avais eu de cesse de les diffuser.

Le premier décès a été constaté en janvier 2021 ; il s'agissait d'une personne en Ehpad. « Aucun effet indésirable immédiat n'est intervenu », écrivait-on à son sujet avant d'ajouter : « Le décès est intervenu deux heures après. » Qu'est-ce donc, sinon un effet immédiat ? Je ne comprends pas.

De plus, des autorités officielles - l'ANSM et la HAS - nous ont recommandé de passer outre l'AMM.

Dès janvier 2021, alors que l'AMM du laboratoire Pfizer nous recommandait un délai de 21 jours entre la première et la seconde injection, l'ANSM indiquait que l'on pouvait aller jusqu'à 42 jours. Elle a été suivie, quelques jours plus tard, par la HAS.

L'Académie de médecine elle-même a dû rappeler les risques d'un tel allongement de délai entre deux injections, ce que le laboratoire lui-même a dit. J'avais l'impression que ce dernier était plus prudent que le gendarme du médicament. Les risques rappelés par l'Académie de médecine étaient l'apparition d'anticorps facilitants et de variants résistants.

L'information est un droit. Or l'on n'a pas entendu un mot du consentement lors de la première table ronde : il a fallu que le professeur Alla le mentionne.

Le consentement est une liberté fondamentale. La première partie du code de la santé publique est intitulée « Protection générale de la santé ». Elle s'ouvre par un chapitre préliminaire intitulé « Droits de la personne ».

Parmi ces droits figure le respect de la dignité de la personne humaine ; celle-ci repose sur le respect de l'autonomie de la volonté, qui, avec le respect du secret médical, est la pièce maîtresse de la relation de confiance unissant le patient à son médecin lors de ce colloque singulier que vous connaissez.

Refuser de diffuser une information claire, loyale et appropriée, c'est prendre le risque de vicier le consentement libre et éclairé, donc de porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

Le noeud du problème, ce n'est pas le vaccin - Mme la rapporteure l'a dit elle-même -, c'est l'information ; c'est l'obligation d'être inclus dans un essai clinique de force, en vertu d'une « loi » qui n'a toujours pas été validée par le Conseil constitutionnel. Je pense à l'article 12, qui consacre l'obligation vaccinale pour différentes catégories, notamment les professionnels de santé et les pompiers. Je pense aussi à l'article 14, qui crée un régime de sanctions conduisant à « désactiver » socialement ces professionnels de manière extra-judiciaire, sans entretien préalable, au mépris de tous les droits de la défense. De telles dispositions nous ont projetés un siècle en arrière en matière de droit du travail.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori ; mais la question de la constitutionnalité de l'article 12 pour les professionnels de santé n'a pas été soulevée. Le Conseil constitutionnel avait la possibilité de relever ce point d'office : il ne l'a pas fait. Par la suite, toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées ont été bloquées, notamment par le Conseil d'État.

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