Je m'engage à vous transmettre d'éventuelles réponses écrites sur ce point.
Dr Christelle Ratignier-Carbonneil. - Sur la minimisation des effets indésirables et la communication que François Allal dénonce comme non transparente, je rappelle que, dès le début de la campagne de vaccination, le 27 décembre 2020, un dispositif renforcé de pharmacovigilance et de pharmacoépidémiologie a été mis en oeuvre, grâce auquel on a pu non seulement analyser l'ensemble des cas, mais aussi opérer une communication en temps réel, toutes les semaines, puis tous les quinze jours, sur l'ensemble des effets indésirables signalés, analysés et traités par les CRPV, puis discutés au sein des comités de suivi. Il y a eu jusqu'à présent plus d'une quarantaine de communications dans le cadre d'un dispositif donnant accès tant aux professionnels de santé qu'au grand public.
Nous essayons d'être le plus actifs possible, y compris dans notre rôle de relais vers le site de l'ANSM sur les réseaux sociaux, et de développer une granularité de l'information selon le type de personnes qui consultent nos documents : des fiches de synthèse fournissent des éléments détaillés dans un format ramassé et des rapports complets détaillent l'ensemble des effets indésirables par vaccin. Dans le cadre de ce dispositif inédit de surveillance et de communication, nous avons également mobilisé les professionnels de santé et les associations de patients pour organiser des webinaires retransmis sur notre chaîne YouTube afin de diffuser ces éléments d'information. La communication est le noeud du sujet. Nous sommes encore sur le chemin de la pédagogie et de l'information, en ce qui concerne les connaissances.
Quant à la composition du vaccin Pfizer, depuis que l'AMM a été délivrée, elle est restée identique. Il existe, en revanche, plusieurs conditionnements possibles du vaccin. Initialement, il y a eu des préparations à diluer, puis des préparations prêtes à l'emploi et enfin des vaccins pour l'enfant. L'AMM mentionne les trois présentations, avec des durées de conservation différentes. Pour limiter le risque d'erreur médicamenteuse entre les différents flacons, nous utilisons des bouchons de couleurs différentes et l'ANSM a diffusé une communication claire sur ces flacons auprès des acteurs concernés.
Pour ce qui est du procédé de fabrication, j'ai répondu à l'avocat qui nous avait saisis et transmis l'ensemble des demandes à l'Agence européenne du médicament, compétente en la matière. La directrice de cette agence a, depuis, répondu à l'avocat.
Dr Annie-Pierre Jonville-Bera. - En pharmacovigilance, la sous-notification n'est pas un obstacle à la détection de signaux. J'en veux pour preuve que nous avons fait remonter plus de cent signaux, que la France fait partie des dix plus grands contributeurs de la base mondiale de pharmacovigilance et qu'elle se classe dans les trois premiers pour ce qui est de la qualité des dossiers présentés.
L'imputabilité n'a jamais été prise en compte pour remonter des signaux. Cette méthode n'a donc pas fait obstruction.
Les calculs « observé/attendu » prennent en compte la sous-notification : il arrive de multiplier par vingt ou par trente le nombre de cas observés pour pouvoir le comparer au nombre attendu.
Dès le premier décès constaté - je l'ai moi-même expertisé -, l'Agence a mis en place une réunion de crise, puis établi un dispositif pour que les centres documentent tous les décès selon la même méthode, en les catégorisant, de manière à pouvoir faire remonter le plus rapidement possible un éventuel signal. Tous les cas de mort subite que l'on pouvait attribuer à un trouble du rythme au décours, dans les vingt-quatre heures suivant la vaccination, ont été comparés au nombre de décès par mort subite comptabilisés dans la population générale, hors crise. On a ainsi pu déterminer les décès attribuables aux complications des effets indésirables qui ont été rapportés pour la vaccination, dont font partie les thrombopénies thrombosantes.
Madame Saulnier, la pharmacovigilance est un métier. Nous savons que certaines myocardites ont été déclarées huit mois après la vaccination, ce qui élimine toute possibilité de lien avec le vaccin. Pour ne pas prêter le flanc à la critique, nous avons pris le parti de conserver ces événements, de sorte que figurent dans les bases de pharmacovigilance un grand nombre d'événements qu'on ne peut pas rattacher à la vaccination. On ne peut donc pas utiliser ces chiffres pour les comparer à d'autres pathologies. Il faudrait traiter les données au cas par cas et prendre en compte l'imputabilité.
En outre, nous avons d'emblée décidé de considérer comme graves ou médicalement significatives, les fièvres supérieures à 40 degrés et les arrêts de travail prolongés - que l'on a constatés en particulier après la vaccination par AstraZeneca. Nous avons donc élargi les critères de gravité et favorisé une surreprésentation d'effets graves, car notre objectif était de protéger les patients en détectant un maximum de signaux.
La comparaison avec la grippe est difficile, car le vaccin contre la grippe est l'un des mieux tolérés. On le pratique surtout sur des gens âgés qui ne développent pas d'effets indésirables, car ils n'ont plus de système lié à l'immunosénescence et réagissent donc très peu au vaccin. Si l'on veut comparer deux vaccins, il faut qu'ils aient les mêmes cibles de population. Les calculs qui nous ont été présentés sont donc complètement faux.
Pr. Joëlle Micallef. - Je souscris, bien entendu, à ce que vient de dire ma collègue. Il est très étonnant de faire de telles comparaisons, alors que la population visée n'est pas la même. Mieux vaut éviter de se montrer anxiogène. Le grand public n'a pas besoin d'une surexpression des risques, surtout quand ils sont faux et qu'il ne reflètent pas du tout la réalité.
Dans le même ordre d'idée, la publication que vous citez en parlant d'« effets à long terme » porte sur cinq cas d'adolescents qui ont fait une myocardite, puis dont la situation est redevenue normale après trois jours, y compris pour ce qui est de leur cycle de troponine. Or, dans les cas habituels de myocardite, les stigmates sont encore visibles sur les IRM cardiaques, deux mois après. Il faut donc éviter de surinterpréter certaines publications scientifiques, surtout quand elles ne proviennent pas de revues spécialisées en cardiologie et en pharmacologie.
Les CRPV ont décrit les premiers cas de myocardite constatés, en montrant qu'ils étaient sans équivalent : les sujets étaient jeunes, la myocardite intervenait dans des délais très courts, sans insuffisance cardiaque ni trouble du rythme cardiaque associés. Ces critères ont justifié que nous utilisions le qualificatif de « myocardite bénigne » par opposition à celui de « myocardite grave », dans les cas où les patients doivent rester hospitalisés quinze jours. Les délais d'hospitalisation ont ensuite été confirmés pour la population entière grâce à l'étude Epi-Phare qui a démontré qu'ils restaient très courts et servaient surtout à établir le diagnostic, ce qui prend entre quarante-huit et soixante-douze heures. Il ne s'agit donc pas d'une forme grave de myocardite au sens médical du terme. Puisque cette audition vise une totale transparence, telle est la vérité sur les myocardites, qui a été confirmée par de nombreuses publications françaises et internationales.
Pr. Sophie Gautier. - Pour en revenir aux deux niveaux du risque individuel et du risque collectif, l'exemple donné par M. Umlil est intéressant, à savoir un enfant qui a développé une cécité avec un bilan étiologique négatif. En effet, à titre individuel, on ne pourra pas exclure que le vaccin ait pu contribuer à provoquer cette cécité. Toutefois, cela ne signifie pas que le signal existe à l'échelon collectif. Nous avons analysé les cas de cécité pour le vaccin Moderna, car un cas marquant à titre individuel avait été détecté : le patient, qui présentait un bilan étiologique négatif, avait développé une cécité transitoire lors des deux vaccinations. Sur 78 cas recensés dans le cadre du vaccin Moderna, 45 portaient sur des troubles visuels apparaissant durant les vingt-quatre à quarante-huit heures suivant la vaccination, en association avec de la fièvre, des migraines et des céphalées, les autres cas correspondant à une altération de la vision, voire une perte de vue transitoire, en association avec des conditions qui favorisaient l'apparition de la cécité, de sorte que nous ne pouvions pas établir de manière certaine un lien avec le vaccin. Nous continuons de suivre ces cas.