Intervention de Johann Leconte

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde avec des organisations non gouvernementales

Johann Leconte, pilote du réseau prévention et gestion des déchets de France nature environnement (FNE) :

Avant tout, je tiens à remercier la délégation sénatoriale aux outre-mer de son invitation. Michel Charpentier étant, comme moi, membre de l'association FNE, nous vous proposerons une intervention à deux voix.

Créée en 1968, FNE est la fédération française des associations de protection de l'environnement. Il s'agit du premier mouvement citoyen de protection de la nature et de l'environnement en France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : nous dénombrons plus de 9 000 associations affiliées, en métropole et outre-mer, et près de 900 000 militants partout en France.

Outre-mer, nous avons fédéré les associations locales dans plusieurs territoires : la Guyane, Mayotte, La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Pierre-et-Miquelon. Né d'une demande de soutien des associations locales autour de grands projets d'aménagement ou d'atteintes majeures à l'environnement, cet ancrage s'est formalisé dans les années 2010. Aujourd'hui, le rôle de FNE est d'aider ces associations à renforcer leur action locale et, in fine, d'accompagner l'émergence de la société civile organisée pour la défense de l'environnement et l'éducation à l'environnement.

Parmi nos associations adhérentes figurent ainsi : FNE Guadeloupe, l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar), la société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement (SREPEN), Les Naturalistes de Mayotte et Mayotte Nature Environnement, Guyane Nature Environnement et FNE Saint-Pierre-et-Miquelon.

À titre d'illustration, je tiens à mentionner le Modecom réalisé à La Réunion - il s'agit d'une technique mise au point par l'Ademe pour étudier la composition moyenne des poubelles d'ordures ménagères d'un foyer.

Les déchets valorisables organiquement représentent la masse principale : en développant les compostages individuel et collectif, notamment pour les personnes vivant en appartement, l'on résoudra donc une grande partie du problème.

Viennent ensuite les déchets recyclables - papier, métaux, verre et plastique -, pour lesquels l'extension des consignes de tri de plastique est une autre solution. Les emballages des liquides alimentaires (ELA), en particulier les bouteilles de lait et de jus de fruits, présentent une complexité particulière, encore exacerbée outre-mer. Restent, enfin, les déchets dangereux diffus et résiduels.

Pour FNE, la priorité des priorités, c'est la prévention de la production de déchets, non seulement dans le monde industriel, mais aussi chez les consommateurs. Cet effort supposera sans doute de rendre du sens à la responsabilité individuelle.

À mon sens, c'est un enjeu d'ampleur nationale : aujourd'hui, certains d'entre nous ne mesurent pas la portée de leurs gestes, notamment en matière de tri. Cette perte de valeurs explique en partie la persistance des dépôts sauvages.

En parallèle, certains professionnels négligent les effets induits de la conception de tel ou tel produit. Alors que nous venons d'obtenir, au terme de longues luttes, la suppression de certains objets à usage unique, on voit apparaître des vaporettes jetables équipées d'une batterie : je ne comprends même pas comment les industriels peuvent développer de tels produits.

L'éducation à l'environnement est tout à fait prioritaire, pour les plus jeunes comme pour les moins jeunes. Nous avons tous besoin d'un éclairage nous permettant de comprendre la portée de nos gestes. Un mégot jeté dans le caniveau finit dans la mer ; il pollue environ 500 litres d'eau et affecte la biodiversité en conséquence.

Cette éducation est indispensable, dans l'Hexagone comme outre-mer où, peut-être plus qu'ailleurs, il faut redéployer des équipes dédiées. Lors de la mise en place du tri sélectif, on avait ainsi institué « les ambassadeurs du tri ». Au-delà, ces équipes doivent avoir des missions de sensibilisation sur tous les enjeux d'environnement - gestion des déchets, prévention, consommation responsable, etc. Tôt ou tard, il faudra bien parler de sobriété, même si cela choque encore beaucoup de gens. Il faut arrêter de consommer n'importe quoi n'importe comment, si l'on veut laisser à nos enfants une planète respirable.

Évidemment, nous sommes très favorables au développement de la consigne qui a encore plus de sens pour les circuits courts.

Outre-mer, compte tenu des difficultés inhérentes au transport des marchandises, la consigne est très certainement une solution pertinente. Elle l'est également dans l'Hexagone. Des travaux ont d'ailleurs été entrepris pour développer de nouveaux standards d'emballages : c'est indispensable pour donner de la pertinence à la consigne. Des initiatives très sérieuses ont été engagées en ce sens à La Réunion.

D'ailleurs, plutôt que de consigne, il faudrait parler de réemploi, terme plus large et plus pertinent désignant l'utilisation d'un emballage pour un emploi équivalent - par exemple une canette de bière.

En revanche, il me semble extrêmement dangereux d'intéresser le geste citoyen, car ce choix risquerait de renchérir considérablement le coût des dispositifs de recyclage. De mon point de vue, le geste de tri est par définition désintéressé. C'est un réflexe civique.

Nous avons, nous aussi, développé un logiciel, intitulé « Sentinelles de la nature », permettant de signaler des dépôts sauvages et de les résorber le plus vite possible. Il s'agit là d'un enjeu considérable : on le sait, un dépôt sauvage a tendance à grossir très vite pour devenir une petite décharge sauvage.

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